dimanche 2 octobre 2011

Pensée du soir

C'est comme un mascaret.
Tout le monde le regarde, subjugué par le phénomène.
Mais on le craint aussi, parce qu'on sait que viendra le reflux, dangereux pour tout ce qui se trouve sur les berges. Le reflux pour moi, c'est le moment où le flot des pensées se heurte à mon cœur et à mes émotions.
Sauf qu'il se produit sur mille lits à la fois.
Car, quand vous voyez le fleuve, moi je vois les rivières, les sources et la mer.
Et il y a une vague sur chacune d'elle.
Quand ce n'est pas un raz de marée.

C'est que ma pensée n'est pas linéaire, elle s'enchaîne logiquement, oui, pour moi en tout cas
mais dans mille directions à la fois.
Je ne pense JAMAIS, à une seule chose en même temps.
Jamais.
C'est épuisant.
Quand vous me parlez, je vous écoute, attentivement même, mais je conjecture sur plein d'autres choses en même temps.
Je crois que c'est pour cela que je suis obligée de travailler avec la télé, ou au moins la radio, qui me fixe, et empêche les pensées parasites, pendant que je me concentre sur ce que je fais.
Pour gérer une situation délicate en fixant des priorités, je dois les écrire, puis les numéroter
Sinon, tout se présente en même temps.
Et tout, pour moi, c'est beaucoup : je n'ai pas d'inhibition latente.
Tout est fort, dans le moindre détail.
Faire des priorités, mettre de côté ce qui n'est pas important, ça mobilise une bonne partie de mon énergie.

C'est pourquoi j'ai souvent un carnet pour pouvoir jeter sur le papier tout ce qui me traverse,
vite
avant que cela ne se perde
- la peur d'oublier, c'est une angoisse terrible -
et surtout pour me libérer de cette charge énorme, cet arbre géant
qui se déploie toujours plus haut.
Mon écriture malheureusement, n'est pas assez rapide pour suivre en même temps ces fils qui s'effilochent.  Mais je pratique la carte mentale avec bonheur.
Quand je relis mes carnets, plus tard, je suis très étonnée de ce que j'ai écrit. Je ne m'en souviens pas.

Evidemment
comme un malheur n'arrive jamais seul
j'ai ce truc de l'empathie.
Comme si je n'avais pas assez à faire avec mes émotions,
je ressens celle des autres.
Toutes.
les bonnes, les mauvaises.
Des fois c'est bien, ça aide à comprendre
surtout les enfants.
Mais souvent c'est nul,
avec les autres adultes.
Parce que ça m'envahit déjà.
Et aussi
parce que forcément
j'ai envie d'aider
la personne qui se confie
et je lui dis ce que j'en pense.

Ce qu'il y a
c'est que le pouvoir des mots
je n'en fais pas toujours bon usage.
C'est comme tous les pouvoirs, dangereux, surtout quand on croit que c'est mieux de dire les choses.


Ben non, c'est pas toujours mieux.
Être lucide, ce n'est pas souhaitable pour tout le monde.
Mes conclusions imparables
celles que j'appelle mes mauvaises pensées
sont rarement celles que les gens ont envie d'entendre,
sauf quand elles sont purement techniques.
Un conseil juridique, un truc de procédure, oui.
Un conseil personnel, hum, méfiance.

Et moi, je reste là, désemparée
parce que je sais que j'ai raison
et que j'ai mal d'avoir fait souffrir l'autre.
Vachement mal même.
Pourquoi ne voyez-vous pas ce qui me saute aux yeux ?
Alors je garde mes distances,
c'est mieux pour tout le monde.


Certainement ça va vous paraître très présomptueux d'écrire ça
et digne de l'ego démesuré qu'on nous prête
mais
qui n'atteint pas le 130 de QI
peut difficilement comprendre ce qu'est ce sentiment de décalage permanent
et cette solitude qui résulte de notre différence.
Même avec les gens qu'on aime
on est toujours seul,
même sous un regard bienveillant
on a souvent les larmes aux yeux.
Enfant, on nous dit précoces,
on nous jauge d'un air soupçonneux,
voire malveillant : prétentieuse, arrogante...
"Tais-toi, je sais que tu sais, laisse parler tes camarades."
"Ah, mais comment, tu ne sais pas ça toi, madame je sais tout..."
"Aaaaah, ça croit tout savoir,
et ça ne sait même pas écrire."
On croit qu'on a la science infuse :
alors on nous surexpose.
On est blessé.
Tout le temps.
Par ça,
et par tous les malheurs du monde.
Parce qu'on voit tout
mais qu'on ne peut rien faire.
C'est terrible.
Mais on se dit que
si on est précoce
c'est que ça va passer en grandissant.

Pas du tout.
C'est pire.

Adulte, on reste différent,
avec toutes ces blessures béantes.
Et on croit que c'est uniquement de notre faute.
Il arrive même qu'on nous croit fous,
bipolaires,
dépressifs.
Qu'on nous craigne au point de vouloir nous écraser,
fermer ces yeux qui voient
et faire cesser ces paroles qui disent ce qu'on voit.
Et, en général, c'est assez réussi.
Avec quelqu'un comme moi, c'est assez facile de taper là où ça fait mal,
à cause de cette incommensurable culpabilité que l'on ressent depuis toujours : le syndrome de l'imposteur, comprenez, je me demande bien comment j'ai fait pour arriver jusque là...

Heureusement
il y a des gens qui nous prennent comme nous sommes.
Qui sont impressionnés d'abord
-surtout par le pouvoir des mots-
et puis
comme ils ont l'intelligence du coeur
ils voient notre fragilité,
et ils la respectent,
sans nous juger.
C'est important ce respect.
Il y en a même qui sont capables de nous tenir la main quand on s'égare.
A ceux-là je dis merci d'être ce qu'ils sont.





Édit 1 : La vidéo, c'est si vous ne savez pas ce qu'est un mascaret. J'en ai marre de m'excuser d'employer des mots que tout le monde ne comprend pas.
Édit 2 : Avec le recul, je crois que si j'ai été si touchée par les enfants empêchés de penser au point d'en faire un mémoire, c'est que j'ai reconnu en eux quelque chose de moi. J'aimerais bien, des fois, m'empêcher de penser.

9 commentaires:

  1. tu me crois si tu le veux
    j'allais juste écrire comme "grenouille"

    penser à une seule chose à la fois c'est possible ?
    pensée linéaire ?
    non je ne connais pas non plus
    ressentir l'Autre oui aussi

    bon obligée d'abréger....
    je reviens lire demain ...

    de toute façon ,
    je dirai pas mieux
    juste ressentir accepter partager et (essayer) de comprendre

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  2. je n'aime ni le mascaret, ni la mascarade
    coline suffit, non ?

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  3. Ooooh...

    Coline massacrée.....

    Encore une fois, si juste, dans le ton, dans les mots.

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  4. Ben moi, je t'aime comme ça...

    Ton esprit d'analyse, je l'admire...
    J'avais peur de te rencontrer en vrai, quand on te lit, on ne peut qu'être impressionnée... et puis, t'as juste un coeur grand comme ça et beaucoup à donner/partager... Et c'est tout ce qu'on retient... c'était chouette de discuter avec toi...

    Tu vois, je relis ton message pour voir si j'ai mis tout ce que je voulais dans mon comm, et en relisant la fin, ben je me rends compte que tu as écrit exactement ce que j'ai ressenti en te lisant... ouah, ben trop forte :)
    ou alors juste c'est que tu fais le même effet à tout le monde
    :) pas grave, ça ne me gêne pas d'être 1 parmi 333333...

    juste, je te souhaite plein de mains, de coeurs, et d'esprits ouverts pour t'accepter comme tu es et partager de belles choses / des choses vraies...

    parce que tu le vaux bien !
    ( :) ♥ )

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  5. grenouile et Pimj vraiment vous avez toujours les commentaires qu'il faut ♥

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