"Tu t'appelles Rousseels, t'es né rue de la gare à Bruxelles !"
En intégrant la légion, il a effacé son passé au soleil de l'Afrique.
Mais de ce passé, il restait une femme, trois filles et une petite graine, plantées en Berry.
--------------
Il a rencontré ma mère.
Début 59, elle est partie un matin travailler à la pharmacie, avec son petit sac à main. Elle n'y est pas arrivée, elle n'est pas rentrée non plus.
Mon grand-père, fou de rage, un type affreux avec ma grand-mère, est allé voir le commandant. Sa fille avait 20 ans, elle était mineure : l'amoureux a été envoyé au désert.
Ma mère, seule dans sa chambre d'hôtel, portait un enfant. Elle ne savait rien. Elle pleurait.
Ma grand-mère avait elle-même été enlevée trente ans plus tôt, pour échapper à l'existence sordide que lui faisait sa marâtre, après la mort de sa propre mère.
Elle aimait ses huit enfants plus qu'elle-même, bien qu'ils aient vu le jour pour avoir échappé à l'aiguille à tricoter avec laquelle elle se déchirait chaque année les entrailles. Et elle adorait cette fille qui lui ressemblait tant.
En recevant une lettre d'inconnus qui l'avaient trouvée abandonnée et mourant de faim et de peur dans cet hôtel, elle a supplié son mari et imploré sa pitié. Il l'a laissée partir avec un chauffeur pour ramener la fille perdue.
Mes parents se sont mariés en juillet. Maman portait une robe cousue par sa mère, blanche, avec des petites cerises.
Rouges sang.
En octobre 59, une petite fille est née, le cordon autour du cou.
Morte, après neuf mois de grossesse sans problème.
Une erreur de l'accoucheur.
Une punition de Dieu, a dit maman.
Elle allait au cimetière chaque jour, papa la trouvait allongée sur la tombe, à gratter cette terre rouge d'Algérie.
Il a dit, "il faut en faire un autre".
Je suis née en octobre 1960, le jour de l'anniversaire de ma mère.
Tu parles d'un cadeau !...
J'ai toujours eu l'impression de porter autre chose que mon histoire propre, et surtout de ne pas me reconnaître dans mon prénom.
Quand j'ai découvert l'existence de cet enfant dans le livret de famille, j'ai demandé à mon père, qui n'est pas un adepte de Dolto :
- "Quand même, vous ne l'auriez pas appelée Nicole ?
- Pas du tout, elle s'appelait Colette."
J'ai été sidérée : il m'ont appelée Nicole, pour nier Colette ?
De fait, c'est le même prénom, le second étant le diminutif du premier...
Oui, en plus, c'est moi l’œuvre complète.
Conçue en février 60, juste un an après elle, j'ai aussi été sevrée brutalement en février 61, maman ayant perdu son lait à la suite de violentes émeutes.
Quand ça veut pas hein...
Personnellement j'ai été autrement plus fine : mon premier enfant s'est arrangé pour être un garçon, et pour venir au monde la veille de mon anniversaire.
Mais je l'ai bien eu quand même : Nicolas, ah ah ...
Et la petite famille berrichonne pendant ce temps ?
Ah, ça, c'est une autre histoire.
Que je ne raconterai pas, parce que c'est la leur d'histoire.
Mais la mienne aussi un peu quand même : papa a accepté, pour satisfaire la jalousie de maman, de ne jamais revoir son ex-femme et ses filles (oui des filles ce ne sont pas de VRAIS enfants).
Du coup, elle n'a jamais aimé tranquille, inquiète qu'elle était de se voir infliger le même traitement.
Mais le Dieu de cette mère insecure et jalouse, qui devait toujours être en colère, et qui ne regarde pas toujours ailleurs, l'a envoyée dans le décor onze ans plus tard, lui faisant perdre la tête, et vouant mon père à porter sa croix.
Bon
ben
maintenant
on la pose où la croix ?
Parce qu'elle est lourde, et que mes enfants ne veulent plus se la fader.
♥
RépondreSupprimer... pour l'instant je n'ai que ça à proposer.
le jour où tu auras une réponse pour la dernière question, n'oublie pas de me prévenir, parce que moi aussi, je cherche...
RépondreSupprimerHum
RépondreSupprimerpour un adulte
qui veut mettre fin à une maltraitance
quelle qu'elle soit
de la vie,
d'un parent,
d'un enfant,
d'un mari,
d'une femme,
d'un employeur...
et sous quelque forme qu'elle s'exprime : répétition à travers les générations, violence verbale ou physique, harcèlement, rabaissement, négligence ou indifférence...
Je ne connais qu'une seule issue : dire non. Refuser.
Évidemment, ça veut dire accepter soi-même les conséquences de la rupture.
La seule chose contre laquelle on ne puisse rien, et que l'on soit contraint d'accepter, c'est la mort.
Tout le reste n'est que choix.