jeudi 10 juillet 2014

La grossitude, ça n'existe pas... #1

C'est venu par hasard.
Mais je ne crois pas aux hasards.
Je cherchais un truc sur internet, et je la vois en haut de la page du moteur de recherche : psy/hypnose/limoges...
Absolument rien à voir avec ma requête.

Juste au moment où j'avais accepté d'être ce que je suis, et décidé de ne plus me battre contre moi-même ou mon image.

J'ai cliqué : thérapie courte, spécialisée dans les addictions.
Je m'étais pourtant juré deux ou trois choses : plus jamais de régime, plus jamais de psy (et pas de mec qu'il faille changer pour qu'il rentre dans mes clous).
J'avais déjà tenté de travailler avec un membre du GROS. Je n'étais pas depuis cinq minutes dans son cabinet, à expliquer que je voulais retrouver la faim et la satiété, qu'elle me sortait de son tiroir un plan de chrono-nutrition avec 70 g de fromage le matin (gloups) et 4 noisettes à 4h.
Bref, de bullshit en aiguilles, je n'y étais pas retournée.

Pis comme au quotidien j'ai l'âme ravie d'être en vie, et que grosso modo, j'ai décodé à peu près tous mes symboles, sans que ça change quoi que ce soit quand j'ai la main dans le placard et que les enfants de mon psy ne sont pas mieux que les miens, je me suis libérée une bonne tranche horaire le mercredi après-midi.

C'est bon, je sais que j'ai dû être sevrée brutalement après les émeutes en Algérie, que ma mère avait perdu une petite Colette à la naissance pile-poil un an avant la mienne, que son accident de voiture a irrémédiablement fait basculer ma vie du côté obscur, que je suis passée directement de l'enfance à l'âge adulte sans pouvoir me payer le luxe d'une crise d'adolescence, que mon père avait eu une famille et quatre autres filles avant nous, qu'une nuit j'ai appelé mes parents pendant des heures mais qu'ils étaient partis regardé la télé chez la voisine, et qu'une autre fois, quand mon oncle me gardait, il m'a fait asseoir sur ses genoux pour jouer à touche-pipi.

Je sais qu'il y avait des antécédents de désirs incestueux dans la famille de ma mère.

Angoisse de mort, angoisse d'abandon, peur de manquer, insécurité.
OK.
Roger.
Affirmatif.

Mais dans la tête de la petite fille que j'ai été,
il y a toujours ce souvenir terrible, cette image angoissante dont je voudrais savoir la suite.
Et dans la bouche de la femme que je suis devenue, il y a toujours un petit peu trop de nourriture.
Et sur mon corps trop de chair à porter, qui me gêne quand j'ai envie de bouger.
Et j'ai beaucoup, beaucoup envie de bouger.
Tout le temps en fait.
Et ce poids qu'il faut porter à vélo ou à pied, ça compte quand même.

Alors j'y suis allée.
On est allé droit au but. Pas question de me refaire le coup du divan.
Oui, mais pas question non plus de m'hypnotiser pour retrouver la fin de mon souvenir.
C'est déontologiquement interdit, parce que trop souvent, ça induit un réminiscence qui n'existe pas.
Et moi, justement, je voulais savoir ce qui relevait du fantasme ou de la réalité, c'était pas le moment d'aller m'en rajouter une couche.

Alors j'ai dit, d'accord, on en parlera la prochaine fois.
Et elle m'a répondu que j'apprendrai à me prémunir du désir des hommes sans être obligée de dresser une barrière de chair.
Elle m'a dit que quand on a une addiction, ça correspond à un besoin. C'était la première fois que j'entendais ça. Elle m'a donné des exercices étranges : ne rien changer, ne rien m'interdire, juste m'observer gentiment et noter ce qui se passe, à quel besoin ça peut bien correspondre de manger en dehors de la faim.
C'est pas ben facile.
Mais toujours plus simple que de remplir mon coffre de beaucoup de nourritures interdites,
pour que la petite fille soit rassurée à hauteur de sa peur. Arrivée au supermarché, j'ai pas su quoi acheter...

C'est pas grave, j'ai le temps, le prochain rendez-vous c'est après les Etats-Unis.
Pour le coup, je vais être confrontée au gargantuesque,
et pouvoir gloutonner à l'aise
dans un milieu non hostile aux gros...
Où j'ai mis mon carnet déjà ?





5 commentaires:

  1. "Manger hors de sa faim", sans savoir pourquoi, ça me parle beaucoup !

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  2. tu es une très jolie femme, venant d'une mamie de presque 70 ans, ça te fait une belle jambe, mais je tenais à te le dire voilà!648

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  3. 648, c'est en trop, c'est le code pour dire que je ne suis pas un robot !

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  4. moi tu me plais et je t'aime comme tu es, mais je te comprends

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  5. J'aime beaucoup ce texte et, spécialiste de rien, je suis tout à fait d'accord avec ce que dit la thérapeute : l'addiction correspond à un besoin ou à plusieurs et manifestement vous semblez à peu près savoir lesquels. Il n'empêche, si le fait de savoir pourquoi faisait cesser ladite addiction, vous auriez moins de poids (dans tous les sens du terme) à porter donc vous faites bien de chercher de l'aide.
    Vous êtes rayonnante sur cette photo, vous me semblez joyeuse, en paix, pleine de vie, cela fait du bien malgré votre histoire, plombante bien sûr, mais vous le racontez avec tant d'humanité, une certaine distance que je souris avec vous.
    Très bon séjour aux EU avec vos fils. Je suis sûre que vous apprécierez car je vous sens si curieuse et bienveillante.

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