mercredi 12 novembre 2008

Crise de foi

Il est en sixième, il a onze ans. Il est revenu avec son sujet de SVT à la maison. Le sujet ressemblait à ça :
"L’influence de l’homme  sur notre environnement :
Pour le 24 novembre.
Vous allez constituer un dossier illustré (schémas, dessins, images…) de 4 pages sur l’influence de l’homme sur l’environnement en vous posant les questions suivantes :

Quels sont les aménagements utiles aux hommes ?
De quels matériaux a besoin l’homme pour ses constructions ? Où les trouve-t-il ? Cite des exemples de matériaux et explique les conséquences sur le paysage.
Quelles sont les conséquences de l’action de l’homme sur l’environnement ?
Comment peut-on éviter une destruction de la faune ou la flore ?


Vous pouvez aller vous renseigner au CDI ou bien chercher à la maison (encyclopédie) ou sur Internet (mais ne mettez en aucun cas des pages entières : il faut sélectionner les informations). Certaines pages du livre peuvent vous aider (pages 32 à 39).
Il faudra que vos phrases soient complètes, l’orthographe juste et la propreté de l’ensemble est importante
."
J'écris ressemblait parce que ça c'est celui qu'il a trouvé sur internet... Du coup, il a compris pourquoi les pages 32 à 39 de son livre ne parlaient pas du tout de ce sujet. Et pourquoi les parents de ses copains avaient dû se documenter ailleurs pour rédiger ce dossier.
Au lieu de préparer ma classe, plus les heures supplémentaires que je m'appuie pour payer ma maison, j'aurais dû faire comme eux. Mais je lui ai dit de regarder dans le dictionnaire la définition du mot "aménagement" et je l'ai aidé à trier dans le sommaire de son manuel les pages qui pouvaient effectivement être utiles. Il n'aura pas la meilleure note c'est sûr. Est-ce que la fierté d'avoir fait tout seul ça compense vraiment la frustration ?

Quand on écrit des sujets pour les premiers de la classe, à quoi on sert ? De toute façon ceux-là n'ont pas besoin de nous.
C'est pour les autres qu'on se lève. En tout cas, c'est pour les autres que moi je me lève tôt et que je me couche tard. Et pour les autres, les sujets tout prêts pompés sur le net, c'est niet.
Je me souviens d'une remarque d'une des profs de français de mon fils aîné : "Je n'ai absolument pas le temps de faire le programme en classe, il faut bien qu'une partie soit faite à la maison".
Un argument totalement déplacé, qui va convaincre les parents qu'effectivement ils sont capables de faire le travail à notre place. Eux ou les cours de soutien payants.

Je repense à ma voisine, que j'ai trouvée un jour au supermarché en train de photocopier la vieille méthode de lecture, Ratus. "C'est pour emmener chez son père pendant les vacances, il doit faire les 12 pages et les exercices du fichier. Je crois que ça ira, ça fait une page par jour, plus les maths".
Est-ce bien le concept de vacances ?

Et nous à quoi on sert ? Si on n'y arrive pas pendant six heures par jour pourquoi les parents y arriveraient mieux que nous ? Déjà qu'ils n'arrivent pas toujours à faire leur boulot de parents.
Dans ma mémoire est imprimée cette scène du film "Être et avoir" où le gamin se prend des baffes chaque fois qu'il se plante dans les tables de multiplication.

Onze ans et qu'a-t-il appris déjà ? Qu'on rate une interro de musique parce qu'on n'a rien compris à toutes les feuilles jetées dans tous les sens, qu'on ne sait pas où il faut coller. La comparaison de l'architecture de deux bâtiments, cours d'histoire ou d'arts plastiques ? Non non, elle vient bien du cours de musique. Des générations de collégiens dégoûtés par les cours. Heureusement qu'on est une famille de musiciens. 

Que dire encore des parents pénibles, inquisiteurs, râleurs ? De ce petit mouvement de recul du papa dyslexique quand il entre dans la classe, de toutes ces pages arrachées qui ont déchiré chaque jour un peu plus l'estime qu'il avait de lui-même, de ces traits vengeurs de stylo rouge vampire de la motivation, toutes les petites humiliations, toutes les grandes douleurs dont les cancres se protègent comme ils peuvent.
J'ai pas envie de servir à ça.
Donc il va finir son dossier tout seul, je l'aiderai pour l'orthographe et les illustrations. On prendra un peu le temps de discuter plutôt du cours de guitare, tant pis pour l'interro de musique.

Je vais continuer à ne pas donner de devoirs,  à utiliser les punitions qui ne réparent pas avec la plus grande parcimonie. J'aime bien que les parents sachent que c'est moi le maître dans ma classe, ça me donne l'impression d'être un peu utile. On soigne ses névroses comme on peut.
Ah oui, et puis demain faut pas que j'oublie de dire à ma collègue que je l'aime parce qu'elle JE SAIS qu'elle sert à quelque chose.
Et il faut aussi que je pense à pailler le fuschia planté en pleine terre si je veux qu'il passe l'hiver.

2 commentaires:

  1. Coline, je viens de Danger Ecoleoù j'ai vu ton adresse de blog (et où j'ai appris que tu jouais de la vielle roue...original et sympa!). Allez courage, tu fais rudement bien ton boulot de maman, surtout tant que tu te poseras autant de questions. De toutes façons, on ne finit jamais de s'en poser! Cela dit, je trouve l'interro fort interressante:je la poserai demain à mes CM1, ainsi je n'aurai pas à réflèchir longtemps sur mon cahier journal!!
    Bonne continuation et bon courage!

    RépondreSupprimer
  2. Cool mon premier commentaire !
    Tiens pour ton évaluation de "maîtrise de la langue" je te suggère : toutes les terminaisons de toutes les conjugaisons, dans tous les modes, à présenter dans un tableau style Bescherelle.
    Tu leur donne la feuille mardi, tu les interroge jeudi...
    (du vécu aussi..)

    RépondreSupprimer