mercredi 9 février 2022

Café terrasse et plus si affinités...

C'est ce moment délicieux et lent, à la fin du marché, quand on a engrangé de quoi cuisiner pour deux - du pain frais, des huitres, des salades d'hiver, du boudin noir, des pommes - où l'on s'assoit en terrasse au soleil, le temps d'un café ensemble.

Je le regarde, il me sourit.

C'est le temps de vivre.


Comme elle me semble loin l'année passée. 
L'éclipse de tout.
De vie, de danse, de créativité, d'amour.
Comme ils m'ont semblé pleins ces mois autour de quatre saisons.
Je me suis sentie réparée, respectée, considérée.
Par moi-même .

Tout a pris un goût nouveau, à commencer par celui des premières fois.
Premier printemps qui n'attend rien.
Premier jardin potager.
Premier été de liberté.
Première rentrée sans école.
Premiers cours de russe.
Première promenade main dans la main.
Première nuit de discussion dans le sable sous les étoiles qui s'allument une à une.
Premier baiser.
Les mois passent. 
Je me retourne, et il est toujours là.
Sur les chemins, comme sur les routes.




Ce sont aussi les routines quotidiennes.
Celles dont on dit parfois qu'elles diluent l'amour dans les habitudes.
Il y a pourtant des habitudes suaves, dont on ne se lasse pas, et que l'on redemande, encore et encore.
Des attentions que l'on croyait rares, et qui sont en réalité une seconde nature, une délicate évidence, auxquelles on ne renoncerait pour rien au monde.
Je ne savais pas que la tendresse se rechargeait avec le temps.

J'avais appris qu'il suffit d'un mot, d'un geste, pour que le cœur se serre et s'étouffe.
D'une phrase aussi neutre qu'assassine pour comprendre qu'on ne sera jamais heureuse.
D'une pirouette faussement légère pour se sentir coupable d'avoir l'exigence insensée d'un minimum d'intérêt et de communication.

Je me souviens parfois des doutes et du chagrin, qui finissent toujours par vous ronger l'âme. On a beau s'accrocher à quelques bons moments, on se sent bancale et déséquilibrée.
C'est lointain désormais, un peu comme un nuage, un banc de brume qui s'éloigne. On ne distingue plus clairement les contours des personnages. Il ne subsiste qu'une vague réminiscence salutaire. Un courant qui traverse rapidement l'esprit, juste ce qu'il faut pour s'ancrer dans un présent où je mesure ma chance.
Le temps de se dire qu'on a pris les bonnes décisions, et de d'en ressentir de la gratitude.

J'écoute, sans me lasser, l'évocation poétique d'une enfance qui vient consoler la mienne.
J'ai connu les mots qui vous noient dans un flot de paroles égocentrées, supposées justifier tous les faux-semblants d'adultes controuvés.
Me voici à courir les bois et les landiers, à la recherche des nids, dans le parfum des bruyères. Me voici à pédaler sur mon vélo derrière un petit garçon malmené, mais qui a su, avec une détermination farouche, se ménager des moments de joie qu'il partage avec moi, qui ai si peu de souvenirs d'enfance.
Me voici à échanger des secrets, avec l'homme drôle, sain, affectueux et droit qu'il a su devenir.
Je prends exemple sur sa tranquillité.
Les cigognes sont déjà revenues.
Et c'est ensemble que nous les découvrons.