jeudi 28 mai 2009

1, 2, 3, soleil !

A part un ou deux, je ne sais pas qui vous êtes.
Mais un mois de compteur et aujourd'hui neuf cents, j'y crois pas.
Merci, merci, ceux qui viennent.
Moi j'écris pour être lue, c'est sûr.
Alors vous ne pouvez pas me faire plus plaisir.

A faire absolument le dimanche 7 juin !

ALLEZ VOTER !
Surtout qu'en plus, ça va être très facile de décider pour qui ...

Sachez que l'Europe c'est le meilleur endroit pour que tout le monde s'exprime et le dernier où il y a du pognon (plein) pour avoir des moyens d'action.
Et à la fin du compte, les décisions européennes s'imposent aux États membres.
Qu'elles soient intelligentes (accès des lieux publics aux handicapés, dignité des personnes détenues ...) ou bêtes (cohabitation avec les OGM, pasteurisation des fromages qui puent ...)
Alors autant être là quand ils les prennent ...

Donc si vous en avez marre d'être pris pour des bourrins, et si vous êtes étouffés par les conneries qu'on veut vous faire avaler, vous éteignez la télé, et vous allez voter.



La honra (1)

Parfois, la vie, ça fait comme quand on jette un caillou dans l'eau.
Une chose se répète et puis une autre.
Des aventures prennent un tour familier, et se répercutent, en cercles concentriques, à l'infini de notre histoire.
C'est beau, et ça fait peur.
.................
Elle est jeune.
On est en 1800 quelque chose, en Espagne.
Elle est belle.
Dans le soleil, sous ses dentelles, sa peau de lait prend de pâles reflets d'opales.
Dans ses yeux sombres, parfois, une étincelle laisse entrevoir sous les paupières dignement baissées, une braise prête à s'enflammer dans une passion brûlante. Elle a ce port altier que le sang délicatement nourri donne aux filles d'hidalgos. Nourrie à la poésie, éclairée de musique et baignée de l'histoire, elle est déjà promise à l'avenir qui lui dicte de s'allier dans sa lignée.

Et puis un jour, elle le croise, lui, l'homme noir. Noir du costume que lui taille son chagrin de veuf, plus très jeune, le cou un peu raide dans le col guindé de sa chemise blanche.
Il a deux garçons, bruns et sombres comme lui.
L'épousaille est interdite, alors il fait la seule chose possible quand on s'aime vraiment et qu'on n'est pas du même monde : il l'enlève.
Dans un grand scandale de déshonneur, elle s'enfuit avec sa cassette de bijoux.
Pour la famille, c'est la renégation de la fille perdue, celle qui leur a fait perdre la honra.
Mais ils partent pour l'Algérie et elle lui donne deux filles et prend ses fils pour les siens.
Et c'est l'amour, et l'oubli du noir, juqu'aux grand malheurs.
Vient un jour le bateau qui enlève les fils pour toujours, et les emmène à la guerre à Cuba. Deux demi-frères qu'on ne reverra plus.
C'est le premier déchirement.
Et puis sa mort à lui, qui la laisse seule, dans le dénuement, avec juste ses bijoux pour survivre.
Et elle pense, jusqu'à son dernier jour, qu'elle paie le prix de la honra.

mercredi 27 mai 2009

Dikomenkonfélébébés ?

Derrière l'école il y a une cour.
Et dans cette cour, il y a un banc.
Le banc des punis.
Le banc du maître et de la maîtresse;
le banc de ceux qui ont besoin de tendresse.

- Maîtresse ....
- Oui ma grande.
- Je peux aller chercher le livre des bébés s'il te plaît ?
- Tu es à combien sur l'échelle de confiance ?
- à 9 !
- Alors oui ça me plaît
.....
Six ans, quand les petits garçons aiment les dinosaures, qui les questionnent sur leurs origines.
Et que les petites filles croient déjà savoir.
Pleins feux quotidiens sur la double page des grossesses.

- Le bébé de maîtresse, il est comment ?
- Là tu vois, c'est neuf mois, elle va bientôt accoucher.
- Et celui de la maman de M. ?
- Elle accouche quand ?
- Attends je vais demander ....
- .... en juillet !
- Alors sept mois, tu vois, ici.
......
- Moi je sais comment on fait les bébés.
- Ah ?
- Oui, le papa il met une graine dans la bouche de la maman, et puis elle va dans son estomac, et ça fait un bébé. Mais j'ai pas compris comment il sort.
Ah non, là quand même je ne peux pas la laisser croire ça.
- Heu, la graine c'est pas dans la bouche et elle va pas dans l'estomac.
- Mais c'est maman qui me l'a dit.
- Hum, hum .....
Intervention de H. qui me sauve la mise :-)
- Et le nombril, c'est quoi le nombril ?
- (Soulagée) C'est la trace du petit cordon qui te reliait à maman dans son ventre. Regarde là ! C'est comme ça que tu étais nourri. Quand tu es né, on l'a coupé, ça ne fait pas mal. Il ne servait plus à rien, juste à te rappeler d'où tu viens. Et voilà.
.............
- Maîtresse !...
- Oui ma belle.
- Moi j'ai peur.
- Mais de quoi ?
- Ben, c'est qu'j'ai pas envie d'avoir un bébé dans mon estomac.
- Ah mais il n'y a pas de problème. Tu vois, là sur le dessin, à l'intérieur du ventre les femmes ont une poche exprès, qui ne se voit pas, parce qu'elle est toute petite. Elle ne grossit que quand il y a un bébé.
Après quand le bébé est prêt, il sort par un trou exprès entre les jambes, et tout redevient petit après. Tu vois, tout est prévu, pas de souci.
- Le bébé il n'est pas dans l'estomac ?
(Sous entendu : donc ma mère m'a menti sur ça ?)
- Ben non, c'est la nourriture qui va dans l'estomac.
- Ah
(et sur quoi d'autre ? Et ça c'est rien, parce que quand elle va savoir pour le Père Noël ...)
- Oui mais alors, la petite graine, le papa, il la met où ?
- Bon, ben tu sais ce qu'on va faire, je vais te prêter le livre, tu l'emporteras à la maison et tu en parleras avec maman. Tu veux ?
- Oui
................
- Maîtresse ....
- Oui ?
- J'ai pas très envie de l'emporter à la maison ...
(je m'en doute)
- Pourquoi ?
- On sait jamais, si j'oublie de le rapporter.
- Mais non, tu n'oublieras pas, je mets un mot dans le cahier de liaison si tu veux.
- D'accord.
Le soir, je trouve le livre sur une étagère près de sa table. Elle ne m'a pas donné le cahier de liaison...

Maintenant on a un banc de la vérité.

Femmes à claques ou naissance d'une histoire

Les violences faites aux femmes sont insupportables.
Loin de moi l'idée de les excuser.
Et croyez-moi j'en croise (derrière les barreaux) des mecs qui disent "oui, mais elle m'avait énervé".
Ce que disent tous les maltraitants.

Mais voilà que ce matin, j'ai pensé à un truc terrible.
Affreux.
D'abord je me suis souvenue d'une fois, chez une copine, on préparait une soirée.
Un type sympa s'amène, il livrait des sirops. Des sirops de fruits, des vrais.
Il était avec sa compagne.
Un gars à l'air doux, que je connais vaguement.
Et il se met à discuter d'une douche solaire bon marché, construite à partir de bouteilles PVC de récup. emboîtées.
Il dit : "J'ai bien envie d'essayer". Et là, elle part d'un grand "PFFFFFFFFF!" bien agacé et rétorque :
" - ça m'étonnerait bien que ça marche !
- ben pourquoi ? ça avait l'air de bien fonctionner ...
- oui, mais TOI, tu ne réussis jamais rien."
Punaise, j'en suis restée sans voix.
C'est dire.
Avec ma copine on s'est regardé, on a eu mal pour lui, on a vite fait changé de sujet de conversation.
J'avais franchement hâte qu'ils s'en aillent, j'étais à deux doigts de dire quelque chose, mais je me suis tue.
Après tout, s'il y en a qui aiment se faire malmener, ça les regarde.
Il sont venus à la soirée plus tard, elle a fait la gueule tout le temps.
Des fois, vaut mieux être seul que mal accompagné.

Ensuite j'ai pensé à nos voisins, de l'autre côté de la rue, pas ceux d'en face, un peu à côté.
On les entend quand ils sont dans le jardin.
On les entend très bien, enfin elle essentiellement, même quand on ne voudrait pas entendre.
Elle a une voix affreuse et surtout, surtout, elle lui crie tout le temps dessus, vocifère des choses très méchantes partagées avec tout le quartier. Des choses qui rabaissent, qui humilient.
Avec Dadou, parfois quand nous sommes tous les deux dans le jardin, à bricoler ensemble, et qu'on est bien, ça nous gâche un peu le paysage sonore.
Dimanche il m'a dit : "Mais enfin c'est pas possible, comment il a fait pour se marier avec elle, si elle avait déjà cette voix là ?"
Et en effet on se demande comment il fait pour survivre aux côtés de cette harpie
Je ne vois que deux explications : il est sourd et /ou il est masochiste.
Sinon, je ne vois pas comment c'est possible de supporter ça au quotidien.
Mais peut-être qu'il ne sait pas où aller ailleurs ? La relation quotidienne victime c./bourreau lui est au moins familière.
Et donc ce matin, je me suis dit que si on ne l'entendait plus un jour, faudrait qu'on aille voir si la terre n'aurait pas été fraîchement remuée derrière la haie.
La haie qu'ils ne taillent jamais, qui envoie ses ronces et son lierre en travers du trottoir.
C'est sûrement pour se protéger.
Des ultra-sons.
Mais ça ne marche pas, je confirme.

Et enfin j'ai resongé à ce gamin là, tout triste.
Elle, elle dit qu'elle l'a quitté parce qu'il la battait.
Je veux bien la croire.
Lui il dit qu'il l'a quittée parce qu'elle le trompait et puis qu'elle ne voulait jamais embrasser, ni lui, ni les enfants.
Je veux bien le croire aussi.
Mais pitié, qu'ils arrêtent de tout me raconter.
Et qu'elle arrête de dire au minot des trucs très vilains sur son père.
Elle, elle lui dit : c'est moi qui les garde, ça ne te regarde pas.
Lui, il me dit : je voudrais voir les cahiers, acheter une photo, payer la cantine.
Et moi je fais rempart de ma voix et de ma plume devant le gosse, pour que tout coule de source.

Quand un homme humilie une femme, en paroles, en public, il finit toujours par lever la main sur elle. Et elle n'a qu'une issue : la fuite. Et c'est déjà pas facile.
Mais quand une femme humilie un homme de cette façon, c'est insidieux. Lui, il n'a pas le droit de faire usage de sa force, c'est normal. Mais il lui est bien compliqué de faire valoir sa position de victime.
Je ne connais aucun foyer d'accueil pour homme vaincu.

Bref, tout ça pour dire que vous venez d'assister à la naissance d'un nouvel écrit : je ne sais pas si ça va se terminer en chanson ou en roman, mais ça finira mal pour elle, ça c'est certain.
Et c'est pas sûr qu'il soit puni.
Une histoire qui ira à l'encontre de mon militantisme féministe.
Mais tant pis.
J'assume.

Humour, humour

Y a des jours comme ça, j'ai envie d'écrire des trucs affreux.
Pour rigoler.

Où est passée Louisette ?
Depuis la dernière fête
On n'la voit plus ici
On a bien du souci
On dit qu'elle était grosse
Elle a p'têt eu un gosse
Un enfant bien caché
Qu'elle n'a pas pu montrer

Dans l'four, dans l'four
Elle a fini dans l'four
Gueule béante de l'amour
Un jour, un jour
Dans ses plus beaux atours
Son cœur s'est enflammé pour toujours


Où sont passés les gens
Qui habitaient avant
Là au troisième étage
Ils étaient de mon âge
On dit qu'ils n'ont laissé
Ni perles, ni chandelier
La guerre leur a fait peur
Se sont enfuis ailleurs

Dans l'four, dans l'four
Ils ont fini dans l'four
Gueule béante sans retour
Toujours, toujours
Ils priaient pour un secours
Mais leur Dieu est resté sourd


Où est passée cette fille
Qui prom'nait son p'tit chien
C'était pas des guenilles
Qu'elle avait sur les reins
Elle s'est vantée un jour
D'avoir trouvé l'amour
Que par un homme un vrai
Elle s'était révélée

Dans l'four, dans l'four
Elle a fini dans l'four
Gueule béante à ses cris sourds
Au s'cours, au s'cours
Dans le plaisir des corps lourds
Une p'tite mort qui vaut le détour

Où vont ces hirondelles
En déployant leurs ailes
Sur leur petit vélo
Dans la nuit des sanglots
Ils ont vu la fumée
L'incendie consumait
Des tonnes de valises,
Des bijoux, des chemises

Le four, le four
Ils ont trouvé le four
Du bon docteur de l'amour
Ils courent, ils courent
Ils refont le parcours
De ces voyageurs sans retour




Beaucoup de photos viennent de là :
http://guillotine.cultureforum.net/
Louisette a vraiment existé
Le Dr Petiot c'était pas un four mais une chaudière
Mais j'aime bien le son que ça fait et ça m'est venu comme ça, alors ...

lundi 25 mai 2009

Juste avant l'orage


Vite vite,
avant que l'orage ne s'abatte violemment sur nous
une photo des dernières pivoines
fermées ce matin
offertes ce soir
ma couleur préférée






et des roses un peu sauvages
arrivées là, on ne sait pas comment
sur le gris vert velouté
des coquelourdes qui n'ont pas encore déployé
leurs petites croix soyeuses

dimanche 24 mai 2009

Ordinary sunday


J'aime que mon bureau soit dans le jardin
et le jardin dans mon bureau.
On peut presque sentir
le parfum de cette lumière.

samedi 23 mai 2009

Es aici lo mes de mai *

Elle a passé l'hiver entre solitude et pleurs.
Elle n'en pouvait plus d'être seule, de s'accrocher à l'idée de quelqu'un qui n'était pas pour elle.
Je me souviens, le matin du premier janvier, comme elle sanglotait.

Elle a voulu partir, finalement elle est restée.
Heureusement, sinon, ils se seraient ratés.

Elle a attendu la fin du mois de mai.
Et puis, elle est tombée amoureuse !
Quand elle me l'a dit, ce matin, au téléphone, les larmes me sont venues aux yeux.
Je suis si contente pour elle.
Plus de nuit seule, ou mal accompagnée.
"Il faut que je te dise, ça y est, j'ai un amoureux.
On se connaît depuis un mois.
On était un peu réticents tous les deux.
Et puis là, depuis cette nuit, on est vraiment, vraiment amoureux.
Tu es la deuxième personne à qui je le dis."
Merci pour cet honneur.
Et surtout, surtout, profite !

* C'est maintenant le mois de mai

Ordinary saturday

Supermarket vs marché
Le premier, je déteste.
Mais chouette, cette semaine ce n'était pas mon tour.
Aujourd'hui, pour moi, c'étaient "petits bonheurs de marché".

Être en sandales et T-shirt et regretter quand même amèrement de ne pas avoir opté pour une robe.




En attendant les miennes ...







... retrouver les meilleures fraises de la Creuse, celles qui viennent directement de ... Dordogne ! (dans la camionnette du producteur).
Faire la queue une heure chez Sophie, la chevrière qui fait ses fromages.
Passer le temps en expliquant aux touristes comment on mange le fromage blanc de chèvre et prendre un pot de vraie crème fraîche.
Recommencer ailleurs pour le Comté et le St Nectaire.
Entendre la petite voix de Juliette "c'est maîtresse !" et s'offrir un vrai gros bisou.
Pouvoir acheter juste 20 grammes de pistaches décortiquées et 5 figues sans se faire mal voir.
Investir quelques centimes dans un pied de verveine, pour remplacer celui qui n'a pas passé l'hiver.
Dire que oui, on laisse les fanes des carottes, parce qu'on ne va pas jeter de la nourriture gratuite quand même ...
Repartir dans le soleil et croiser avec plaisir Isabelle, mon atsem de compétition de quand j'avais les petits d'une maternelle (qui va fermer en juin).

vendredi 22 mai 2009

Mon père ce héros

Hier soir, on voulait tous regarder ce film superbe : Indigènes.
Obligés de changer de pièce.
A cause des réflexions de papa.
Papa qui a pourtant connu cette époque, et même la suite, la guerre d'indépendance en Algérie.
Qui sait donc que c'est vrai, mais qui ne l'admet pas.
Bon, à presque 85 ans, on ne le fera pas changer d'avis.
Mais devant sa mauvaise foi crasse, mieux vaut éviter certaines conversations avec lui : sur les enseignants, sur la politique, sur les errements médiatico-démago du nabot dont on ne doit pas prononcer le nom chez moi, sur le comportement de l'État français dans certaines circonstances ...
Quand j'étais plus jeune, impossible d'avoir le dernier mot, ni même une idée personnelle pour peu qu'elle fut différente de la sienne.
Évidemment, maintenant, à nos âges, j'ai quand même le dessus.

Papa aime l'ordre établi.
Il parle fort, il parle vite, il a du vocabulaire.
Il ferait mieux de s'en servir pour me dire de vraies choses, celles que j'aurais besoin de savoir, sur maman par exemple.
Il parle beaucoup, mais il ne dit rien.
Faut le cuisiner.
Exiger de savoir qui sont ces quatre sœurs que je n'ai pas connues.
Pourquoi il a abandonné sa première femme, dont j'ai découvert l'existence par hasard, quand j'avais 21 ans, en lisant attentivement le livret de famille.
Comprendre toute seule pourquoi maman était si jalouse alors qu'elle avait quinze ans de moins que lui.
C'est long, c'est épuisant, je prie qu'il me reste assez de temps pour aborder tout le reste.

Chaque dimanche soir, il passe la tête par la porte de mon bureau, tard :
- qu'est-ce que tu fais ?
- un truc pour ma classe
- ah ?
- .....
Oui, pour papa, je n'ai pas un vrai travail qui exige d'y être encore le soir tard.
Mon frère, son seul fils, oui.
Il est donc bien légitime qu'il ait abandonné nos parents puisqu'il n'a pas le temps. Il appelle ça s'en occuper à sa façon, et papa a l'air de trouver ça normal.

Mais quand j'étais petite, et même plus tard, pour les chagrins d'amour, et quand j'ai perdu mon bébé et toutes ces choses difficiles, papa savait faire une chose étonnante : il savait ouvrir ses bras et les refermer sur mes sanglots.
Ce qui fait qu'aujourd'hui, je sais le faire aussi, parfois même pour des inconnus.
Je n'ai pas peur de ça.
Et puis aussi, il se levait toutes les nuits, parce que dans mes rêves, quand je partais avec Peter Pan par exemple, les bras en croix, tout en travers du lit, je saccageais les draps. Alors il venait me recouvrir.
Je me souviens aussi -quelques flashes- comme il me soignait, quand j'étais malade, avec maman puis tout seul, quand elle n'a plus été en état de le faire. J'ai su une fois que très jeune, il avait failli mourir, et que c'était mon grand-père qui s'occupait de lui, jour après jour et nuit après nuit.
Donc, les bonnes choses qu'on fait pour ses enfants, ça reste, et on les transmet.
Et c'est bon de se rendre compte de ça quand on est un peu perdu.

Une fois, j'avais onze ans, et ça je me le rappelle très clairement, j'ai entendu un drôle de bruit qui m'a réveillée et qui ne s'arrêtait pas.
Je me suis levée.
Il y avait de la lumière dans la salle à manger.
Papa était assis sur le fauteuil rouge, le bras droit plié sur l'accoudoir noir, sa tête dans la main.
Il pleurait.
Des pleurs d'homme, comme un violent hoquet qui secouaient profondément ce grand corps échoué là, aussi contenus que violents, parce qu'il faut rester silencieux.
Mais des pleurs quand même.
C'était quand maman était toute fracassée, dans le coma, et que nous étions si seuls et abandonnés de tous.
Si c'était maintenant, je m'approcherais et je poserais en silence ma main sur son épaule.
Mais je n'avais que onze ans, je ne savais pas comment faire, il ne m'a pas vue, et je me suis recouchée.

Quand même je crois que c'est pour ça que je lui ai fait une place chez moi, maintenant qu'il est vieux et qu'il ne va pas en s'arrangeant. Parce que je sais que, derrière son indifférence apparente il y a un homme capable d'ouvrir les bras et que je l'ai vu pleurer.
Une fois.

jeudi 21 mai 2009

L'amour de tous les jours

Quand on est deux pour faire le chemin
Il faut pouvoir se tenir la main
Et pour affronter les éléments
Se blottir l'un dans l'autre un moment
La tempête, les violents orages
N'empêchent ni d'entrouvrir la cage
Ni de partir où le vent nous mène
Que le désir un jour nous ramène

Ça n'suffit plus de s'aimer vraiment
C'est pas assez, même depuis longtemps
Il faut pouvoir dire sincèrement
Tout ce qui manque à nos firmaments
De nos chagrins, nos cris, nos tourments
Ouvrir nos cœurs et nos bras tout grand


Même quand l'amour est très raisonnable
Refuser qu'il soit juste acceptable
Souffler la braise du feu qui est mort
Et s'endormir au creux de son corps
Vivre ensemble autrement qu'à l'amiable
Ne pas toujours se sentir coupable
D'avoir besoin d'un peu de chaleur
Et que nos nuits se rêvent en couleurs

refrain

Rompre la digue des malentendus
Sans reprocher tout ce temps perdu
Et pour ne pas devenir féroce
Pouvoir se dire même les choses atroces
Déchaîner un flot pur et intense
Sur les remparts de l'indifférence
Anéantir cette forteresse
Sans se juger bannir la détresse

refrain

Le seul havre digne d'un vrai repos
C'est quand les corps se passent des mots
C'est quand nos draps dessinent une baie
Où jeter l'ancre sans s'échouer
Là où nos âmes enfin font la paix
Réparées des brûlures des secrets
La tendresse qui conjure la tristesse
Évapore les larmes sous les caresses

refrain

mercredi 20 mai 2009

Vacances en Creuse, vacances heureuses *

Deux ou trois trucs que j'aime par chez moi :

les vaches,
peinturées en brun
pour s'assortir au jaune des boutons d'or :
ça s'appelle la race limousine










la trouée du chevreuil
que je croise chaque matin
















les fleurs dans les sous-bois,
"plaisir des yeux, moins cher que gratuit"









les chemins d'amoureux que,
même si on n'est pas amoureux,
on peut suivre
(faut juste aimer les champignons)












les pleins et les déliés des collines, toujours vertes, même l'hiver (sauf quand il neige ) parce que chez nous il n'y a ni vignes, ni céréales




* les schtroumpfs grognons complètent par "vacances ailleurs, vacances meilleures ..."

Quand l'amour ne rime plus qu'avec tous les jours

Quand on attend, pour se coucher, que l'autre soit endormi.
Quand on ne se parle plus que de choses utiles : les enfants, le pain, l'argent et l'emploi du temps.
Quand on espère un geste, un mot, un sourire qui ne viennent pas.
Quand on cherche ailleurs ce qu'on n'a plus chez soi, la tendresse et le désir.
Il faudrait savoir se le dire.
Il faudrait avoir appris à demander sans avoir peur de la réponse.
Il faudrait se souvenir de toutes ces années sur le même chemin pour se faire confiance à nouveau.
Proposer une ballade après dîner, parce qu'il fait encore jour, et beau, et se tenir la main.
Partager un ciel d'étoiles.
Écouter l'autre aussi, qui a sûrement des choses à dire.
Même si ce n'est pas là tout de suite.
Même si on a oublié comment faire.
Dans la pénombre de la chambre, se blottir contre son corps et murmurer qu'on aurait besoin de ses doigts pour sentir les contours de notre visage, de ses lèvres sur nos paupières, de son souffle dans notre cou, et caresser doucement son dos.
Dire les choses douces et le chagrin qu'on a en soi.
Dire qu'on est capable d'entendre, et de comprendre.
Retrouver le contact en même temps que la parole.

Parce que, depuis que l'Homme s'est mis debout, il a besoin d'utiliser ses mains.
Et que, s'il a inventé la parole, c'est qu'il avait l'intention de s'en servir.
Le zéro, le nombre du rien, n'est venu que beaucoup plus tard.
J'en conclus que le néant n'est pas une nécessité, mais la relation oui.

mardi 19 mai 2009

Maîtresse au bord de la crise nerf

Juste à gauche en sortant de l'école, une boîte à lettres.
Au portail, prêts à sortir et à s'engager sur le passage piéton, 24 élèves impeccablement rangés, les GS tenant sagement la main des CE1.
De la droite arrive une virago blondasse qui coupe la route pour se garer à gauche et s'arrête pile poil sur le passage piéton.
Elle ouvre sa portière, une lettre à la main.
- "Madame vous êtes sur le passage piéton qui nous permet de traverser".
Sourire mielleux et fourbe :
- "J'en ai pour 30 secondes.
- NON je ne fais pas attendre toute une classe pour vous économiser trois pas. RECULEZ ! MAINTENANT!"
Le tout sur un ton peu amène, sourcils froncés et regard aussi noir que je peux ...
Tout contre la portière, je sens ma chemise rétrécir, Hulk n'est pas loin ...
Et l'autre bêtasse :
- "Non mais dites donc, je ne suis pas une de vos élèves.
- Oui, ben c'est bien dommage, sinon vous seriez sûrement plus polie."
Elle se rassied, ferme la portière, recule, furiblonde.*
Je fais traverser les enfants, elle trépigne, obligée qu'elle est d'attendre qu'ils soient tout passés.
-"Dis donc, elle est en pétard la maîtresse, elle a crié fort..."
Oui, c'est comme ça.
J'aime pas ceux qui prennent la place d'un enfant dans la queue à la boulangerie comme s'ils ne le voyaient pas.
J'aime pas qu'on se moque des gamins qui disent bonjour l'un après l'autre en arrivant dans le car, pour se plaindre ensuite qu'ils ne sont pas polis.
J'aime pas qu'on crie toute la journée sur mes loulous et mes pépettes.
J'aime pas qu'on leur dise qu'ils sont bêtes, que ce sont des cochons.
J'aime pas qu'on se gare sur le passage piéton devant l'école.

Et j'aime pas qu'on m'emmerde.
Voilà.


* le l c'est exprès ..

dimanche 17 mai 2009

Au pays des chats borgnes

Chez nous, les chats n'ont qu'un œil. C'est comme ça.

Trouvée sur la route, grosse comme le poing.
Avec un œil qui pendait, au bout de son petit tuyau, comme dans les films d'horreur.
Une veille d'Halloween. C'était un signe ça.
Vétérinaire. Énucléée.
Mâchoire fracturée.
Nourrie à la seringue.
Bercée, câlinée.
Ce n'est pas vrai que les chats soient indépendants et indifférents. Elle, elle est toujours avec moi, quand je travaille, quand je suis dehors. De tous les autres, elle se méfie, surtout s'ils ont balai dans la main.
Mais c'est vrai qu'ils ont neuf vies.
Il lui en reste donc huit, et comme elle est revenue d'entre les morts, on l'a appelée Isis.

Un jour, on voit dans le journal sa photo à elle, pour adoption.
Aucune chance de trouver preneur quand on est borgne.
Mais celle-ci, elle s'appelle Isis.
C'est pas encore un signe ça ?
Alors je suis allée la chercher.
Seule rescapée d'une portée éliminée à coups de pelle.
Mâchoire et colonne vertébrale déviées.
Démarche, toilette, gamelle : tous ses mouvements sont très, très, étranges.
On a changé son nom : parfois c'est Minnie, ou Cochonnette, ou Bêtassote, ou Topinambour à ressort.
De toute façon elle s'en fout, elle comprend rien.
Elle est très bête.
Un vrai bourrin.
Mais chasseuse hors-pair, même avec un œil.
Pas de pitié pour les mulots.

Je kiffe aussi mon jardin


Marre de désherber le jardin de simples.












Voilà, ça y est, le chemin du potager est réapparu.









Du genêt rouge.
Je ne savais pas que cela existait.
Il s'évade un peu du jardin du voisin.
Les fleurs sont très douces, comme de la soie.

Trou (béant) de mémoire

Celui dont on ne doit pas prononcer le nom nous avait promis qu'il effacerait jusqu'au souvenir de mai 68.
Facile.
Les Français ont la mémoire très courte.
Par exemple, ils ont oublié que François Mitterrand était ministre de l'Intérieur pendant la guerre d'Algérie...
Les Français ont la mémoire courte, leur président aussi.
Mai 1968 : accords de Grenelle
Mai 2007 : (grand) Grenelle de l'environnement
Mai 2009 : (grand) Grenelle des ondes
juin 2009 : (grand) Grenelle de la mer ...
Heureusement qu'ils ne s'étaient pas réunis à Montcuq !*


* En référence à l'inoubliable visite de Daniel Prévost pour le Petit Rapporteur.
En vrai on dit [mɔ̃kyk] et c'est dans le Lot.


samedi 16 mai 2009

Langage sans tenue

Candide comme je suis, je ne connaissais jusqu'à l'an dernier que trois registres de langue : le familier, le courant et le soutenu.

Ce n'est qu'en pénétrant dans le monde du rap, par la porte de service, celle du pénitencier, que j'ai découvert, ébahie, un quatrième registre : celui de la tesse (cité).

Quelques exemples pour bien vous faire comprendre le propos : si vous pensez que la "caillasse" signifie "caillou" (de ceux qu'on jette sur les pompiers qui viennent éteindre la voiture en feu du voisin) c'est que vous vous exprimez en langage familier. En effet, en langage tesse, la caillasse c'est l'argent, qui rime, d'après ce que j'ai compris, à bon escient avec le mot pétasse (pour avoir des pétasses, faut d'la caillasse)
Car dans ce monde où l'on occupe l'essentiel de son temps à niquer la police, et ta mère par la même occasion, si vous prenez la trace, ce n'est pas que vous descendez gracieusement les pistes d'une station très classe, mais qu'en vitesse tu te casses.
Le comico n'est pas l'artiste invité du dernier spectacle des Enfoirés, mais le commissariat, qu'on finit toujours pas approcher un jour de près.
Dans le même registre, le charasse (ou zetla) n'est pas un ancien ministre des finances, mais un truc qui se fume, assez couramment semble-t-il, et qu'on appelait jadis shit ou chichon, ce qui convenons-en, était déjà le comble de la vulgarité.
Ainsi, mesdames, si un jour de grève des transports en commun, vous vous égariez dans la zone, n'allez surtout pas confondre le stick d'édulcorant que vous mettez dans le café, avec celui qu'on roule, après le café.
Quant à vous messieurs, si une panne subite de GPS vous laissait en rade dans un quartier, loin, loin du Pont de Neuilly, sachez que les plaques ne sont pas celles qui indiquent l'immatriculation de votre 4 x 4 (toutefois, si on vous dérobe ces dernières parce que vous avez commis l'erreur de vous arrêter au feu rouge, c'est que vous l'aurez bien cherché).

Heureusement, comme en langage tesse, les meufs sont toutes des pétasses (tass ou chiennes), nous pouvons trouver des zones de rapprochement sur le terrain des vieux concepts évangéliques, selon lesquels la femme est soit vierge (Marie) soit prostituée (Madeleine).
Moi qui nourrit une passion dévorante pour l'histoire des trois religions de Livre, me voilà tout à fait rassurée.

Cela étant dit, le plus intéressant, pour les artistes de la rhétorique, ceux qui aiment jouer avec les mots, reste que, les quartiers, comme on dit (ça franchement je n'ai jamais compris pourquoi...), ont leur propre dictionnaire de rimes. Ainsi, si vous voulez pousser la chansonnette, vous pouvez utilement et abondamment ponctuer le lexique précédemment évoqué d'expressions imagées telles que "ta race, sale race, dans ta face, quelle face", etc.
Dans vos chaussettes vous planquerez vos barrettes (heu non, pas celles pour attacher les cheveux) et des plaquettes (pas de freins), vous vous habillerez en survêt., et comme elle est peut être mise à prix (votre tête), surtout vous n'oublierez pas votre casquette.

De marque bien sûr.
Oui, parce que sans marque ce n'est même pas la peine de mettre le nez dehors, on verra tout de suite que vous n'êtes qu'un trimard, ce qui rime avec connard (qui travaille, autant dire un clochard -langage soutenu-, clodo -langage familier-, SDF -langage bobo people-).
En ce qui concerne la chose du sexe, je n'ai pas encore tout décodé, il vous faudra donc attendre un prochain article. Mais ne vous attendez pas à du croustillant. A mon avis ce sera plutôt trash, voire gore.

Ce n'est pas que je veuille faire ma mijaurée.
J'ai poussé, comme j'ai pu, dans une cité de banlieue, point trop zonarde cependant, à une époque révolue que les moins de vingt ans n'ont pas connue : le temps où tout le monde était content de parler français, surtout les étrangers. De toute façon, on n'avait pas le choix : c'était la langue commune quand on se croisait dans l'escalier.
Le seul ascenseur qu'on utilisait à l'époque était social et se trouvait à l'école.
Comme je vis en Creuse depuis dix ans maintenant, je n'avais pas vraiment mesuré l'expansion de la zone de pratique de ce nouveau registre de langue.

Certes, au cours d'un récent périple aux sources de mon ancienne banlieue, j'avais bien noté que je ne comprenais pas tout ce qui se disait dans le bus. Néanmoins, comme j'étais occupée à expliquer à ma progéniture, le système des transports en communs, que nous ne pratiquons que très rarement chez nous, je n'avais guère eu le loisir d'y prêter attention.

Pour ceux qui ne connaissent pas notre désert vert, je précise qu'en dehors de trois gros bourgs de 6000 habitants, il n'y a qu'une seule ville qui en compte plus de 10000, Guéret. Quatorze mille habitants depuis trente ans dans le dico, une ville de préfecture, une ville de fonctionnaires donc.
Avec quelques mini zones.
Une maison d'arrêt.
Deux lycées.
Or donc, l'autre jour, mon fils invite un copain de 16 ans à la maison. Le genre chevelu, teint en noir corbeau avec plein de greffes dans les oreilles, qui croit (comme mon fils) avoir inventé le look rebelle des ados. S'apercevant de ma présence au moment de descendre dîner, il songe -un bon point pour lui- à venir me saluer.
Je lui tends la main, il l'attrape et m'attire vers lui :
"Allez on s'tape la bise !"
Sidérée, j'obtempère (non ce n'est pas un gros mot).
A ce moment, il m'apparaît comme une évidence que, en dépit des cinquante années de retard dont les gens de la ville nous affublent, nous avons été rattrapés par le progrès.
Et après je me regarde dans la glace, et je compte mes rides (la bonne nouvelle étant que, pour l'instant on peut encore les compter.)

Allez les miss et les rageux, j'vous kiffe tous. A mort.

A l'ombre du figuier

Dans mon jardin, il y a un figuier
tout petit, tout petit
planté là, un jour de pluie
à la place d'un thuya
affreusement laid
taillé en balai
et qui cachait
la lumière de mon ciel
de lit.
C'est une bouture que Marilor m'a donnée
quand elle était si mal,
et qu'avec Hilly,
on la tirait vers nous
pour qu'elle se tienne debout,
qu'elle se laissait mourir
de son chagrin d'amour
et de vie.
Il a passé l'hiver
et Marilor aussi
Il a pris racine, s'est planté ici.
Elle a essuyé ses larmes, elle est partie.
Chaque jour, quand j'ouvre mes volets
je regarde l'arbre de l'amitié et je vois
Marilor
qui me sourit.
Loin d'ici,
elle revit.
Et lui il déploie ses feuilles dans mon soleil,
pour me faire de l'ombre, quand je serai vieille.
Merci ma belle.
Souris à la vie, pour qu'elle te sourit.

vendredi 15 mai 2009

Primary male teachers preservation


En primaire, huit enseignants sur dix sont des enseignantes.
Lassée des combats tous azimuts pour les droits de ceci et la protection de cela, j'ai donc décidé de me recentrer sur un fondamental unique : la préservation et la réintroduction au sein du premier degré, d'une espèce rare, en voie de disparition: le maître.
En effet le maître est un élément non négligeable du biotope scolaire, en l'absence duquel les conditions de vie du milieu peuvent se trouver gravement détériorées.
Dans une école, la présence d'un maître a toujours un effet apaisant, voire même euphorisant, notamment sur les collègues sans mari et les enfants sans papa. Mais pas que ...
Il faut donc en prendre soin, et veiller à son bien-être, d'autant plus qu'il n'est pas génétiquement programmé pour certaines tâches, indispensables pourtant à la survie de l'espèce.
Ainsi le maître -et surtout le maître directeur -ne sait pas faire le café sans la machine S....o, très peu répandue dans les écoles en raison du coût élevé des consommables. Il doit donc déléguer cette mission à une personne plus qualifiée pour la mener à bien : une collègue, une Atsem, ou mieux l'EVS, puisqu'il s'agit d'une aide à la direction.
Sur ce chapitre on peut donc constater que le maître diffère assez peu dans ses mœurs de l'autre "non autonomous coffee male " : l'employé de bureau.
De même, on évitera de placer un maître en milieu maternelle hors la présence d'une Atsem, car la nature ne l'ayant pas doté des attributs permettant de faire face aux petits accidents quotidiens (les flaques de boue, les pipis, les cacas et les vomis) il ne sait même pas où sont rangés la serpillière et les vêtements de rechange.
En revanche, en présence de parents belliqueux, la musculature, même peu développée du maître, permet de dissuader bien des belligérants. Pour bénéficier de sa protection, il faut donc penser à attirer le maître à proximité des zones sensibles en lui laissant quelques appeaux sensoriels appétents. De simples biscuits et du chocolat feront l'affaire, puisque les boissons spiritueuses sont interdites dans l'enceinte scolaire.
Autre atout non négligeable, en l'absence du cantonnier, le maître sait déplacer une échelle double au-dessus des tables d'une classe exiguë, mouvoir une armoire pleine, transbahuter des sacs de terreau, des caisses de livres et des ramettes de papier, toutes sortes de manœuvres qu'il est recommandé aux maîtresses de se dispenser d'accomplir afin de préserver à la fois leurs ongles et leur dos. Retenez que le maître s'arrange toujours pour assurer, même s'il ne sait pas.
En principe.
Car il est des maîtres qui ne savent ni planter un clou, ni changer une ampoule, et peuvent même se révéler remarquablement démunis devant l'outil informatique. Dans ce cas ils font appel à leur mère dans l'établissement : la collègue éthologiste, celle qui sait murmurer à l'oreille des ordinateurs et de la photocopieuse.
On se demande alors comment ils feraient pour survivre dans l'éducation nationale sans mesure de protection adaptée...
Mais si l'on est assez ouvert pour faire abstraction des quelques défauts de conception du maître, et à moins de tomber sur un football addict, on n'aura que des avantages à s'offrir la compagnie de l'un d'entre eux.
En effet, le maître n'ayant pas les cordes vocales alignées sur la fréquence des crécelles il ne braille pas comme une poissonnière à travers la cour. Et s'il lui arrive, bien malgré lui, d'élever la voix c'est uniquement pour manifester son autorité, toujours légitime.
Par ailleurs, le maître se révèle très vite être un excellent confident, car, même avec charge d'âmes et de famille, il s'étend toujours très peu sur la question, ce qui laisse tout le temps de la récréation disponible pour le bassiner avec nos histoires.
Enfin, on notera que le maître, comme la maîtresse, est toujours beau, même quand il n'est pas gâté par la nature. C'est normal, c'est le maître.


NDLR. Toute ressemblance avec des collègues existant ou ayant existé serait purement fortuite.
Ou pas.

jeudi 14 mai 2009

Route buissonnière

Mon école n'est pas buissonnière.
Mais j'aime
la route

qui y mène ...



et me ramène.
Même dans le gris.
Même sous la pluie.

mercredi 13 mai 2009

Débarquation dans le demon du rap *

Si jeune, pas fini, 4 mois pour un délit mineur.
La bougeotte, les yeux au bord des larmes.
- ça ne va pas monsieur ? Vous n'êtes pas bien ?
- Je ne suis pas sorti de la journée.
- Pourquoi n'êtes-vous pas allé en promenade ? Vous pouvez venir dans le groupe suivant.
- C'est le surveillant, il m'a pas dit. Je suis primaire (première condamnation, NDLR) c'est pour ça, je sais rien de toutes ces règles là. Déjà on n'est pas sorti ce matin parce qu'il pleuvait. Même s'il pleut j'ai besoin de prendre l'air.
- Pas grave. Je vais demander au surveillant de vous emmener en promenade, et vous reviendrez ensuite.
- Y va pas vouloir, y m'aime pas.
- Si, si il va vouloir, je vais le lui demander gentiment, ça va marcher, vous verrez.
Je sonne.
Trois fois en une demi-heure.
Heureusement qu'il n'est pas en train de m'étrangler.
On meuble.
Sa famille, quittée à 16 ans, ses études chaque fois interrompues au moment du diplôme, par peur d'échouer, la rue ... sa femme ... son ennui, rien, absolument rien à faire dans sa cellule où il est tout seul.
Il a l'âge d'être mon fils et il est prêt à pleurer.
Je lui prête des BD, je lui conseille la bibliothèque.
Il regarde la porte, il n'y croit pas trop à ce rattrapage de promenade.
- Alors, qu'est-ce que vous attendez de moi pour ces cours de français ?
- Je voudrais écrire.
- ...
- J'écris des chansons.
- Ah, super, bon d'accord on va faire ça.
- Oui, mais ...
- ????
- C'est du rap vous savez (je fais si vieille que ça ?)
- Pas de problème ! Du moment que vous écrivez.
- Oui mais ...
- ???
- Ils ont fouillé ma cellule, ils m'ont pris tous mes textes, et ils m'ont dit que si je recommençais j'irais au mitard.
- Ah ? Et ils parlent de quoi vos textes ?
- Ben de la justice de la police, (il oublie de dire de sexe - hardcord- ) vous voyez ? C'est du rap quoi ...
- Bon ben, je vous donne un cahier, vous écrivez dedans, je le garde ici, comme ça pas d'histoire, on ne pourra pas vous accuser de faire circuler.
- Je pourrai le récupérer en sortant.
- Bien évidemment.
Bruit de clé.
- Vous avez sonné ? (oui trois fois ...)
Mon sourire le plus avenant possible :
- Oui, ce monsieur ne peut pas travailler dans cet état, il faut qu'il sorte. Vous pouvez l'emmener en promenade et le reconduire avec le deuxième groupe ?
Le surveillant, un jeune type sympa et toujours courtois avec moi, a un peu le masque là. Mais il fait contre mauvaise fortune bon cœur, et il y retourne.

.................
Une heure plus tard, le même, aéré, me noircit cinq pages du petit cahier. Ma plus grosse production d'écrit (la seule ?) depuis que je suis là.
Pendant ce temps, syllabes à deux et trois sons avec un autre et masculin/féminin sur l'ordi pour mes deux FLE.
On rit.
On rit souvent pendant ce cours, parce que tout le monde en a bien besoin.
Et j'aime ces petits moments.
Voici venu le temps de la relecture et des corrections.
J'enrichis mon vocabulaire, je ne savais pas qu'il y avait autant de mots pour dire chichon et pétasse.
J'aime bien ce qu'il écrit, ça a du sens, même si c'est violent.
Mais je cale un peu sur la vision de la gente féminine.
- C'est vraiment ce que vous pensez des femmes ?
- Pas du tout, au contraire même.
- Ben alors pourquoi écrivez-vous cela ?
- C'est que si je disais des trucs gentils, ça plairait pas aux gens.
- Moi je n'écris pas des idées que je n'ai pas.
- Oui, mais vous madame, vous, vous ne faites pas du rap.
Et toc ! Bien envoyé ...
Et en plus c'est dit très respectueusement.
Un indice supplémentaire que j'ai atteint la date limite de péremption.

* Débarquement dans le monde (ou démon, au choix) du rap.

Faites le buzz ! Enfin du trad. aux Francofolies de la Rochelle

C’est pas trop tôt, pour la première fois les Francofolies de la Rochelle invitent les chansons de tradition orale française, et c’est Évelyne Girardon qui s’y colle. Elle a donc carte blanche l’espace d’un concert exceptionnel le 11 juillet prochain (17h : Salle bleue de La Coursive. 4 rue Saint Jean du Pérot, 17000 LA ROCHELLE)

Il faut absolument soutenir ce projet en leur laissant un mot sur le Blog du festival :
http://www.francofolies.fr/billetterie/commenter.html?numConcert=106

10 places sont à gagner, délivrées à ceux qui enverrons une copie leur texte laissé sur le blog à : contact{a}ciebeline.com

Créez le buzz et faites passer l’information à tous vos réseaux.

Pas de réchauffé, avec Evelyne ce n’est jamais le cas, mais une nouvelle création, « L’ailleurs de l’avant » : Soig Sibéril, François Lazarevitch, Gilles Chabenat s’y retrouvent réunis pour la première fois et accompagneront les chanteuses amies, aux cotés d’Évelyne : Sylvie Berger, Yannick Guilloux, Soraya Mahdaoui, Cécile Bach, Eva Durif, Christine Lurquin. « La tendresse, l’amour, la malice du folk français d‘Évelyne Girardon (Franck Bergerot) » seront au rendez-vous de cette création.

http://www.francofolies.fr/billetterie/artiste-262-une_creation_folk_develyne_beline_girardon___lailleurs_de_lavant.html

http://www.ciebeline.com/infos/l-ailleurs-de-lavant-aux-francofolies-de-la-rochelle-le-11-juillet-09-a-17h

mais pour réserver dès maintenant des places c’est là :

http://www.digitick.com/francofolies-salle-bleue-2eme-seance-festival-pop-rock-salle-bleue-la-rochelle-11-juillet-2009-css4-francofolies-pg101-ri209579.html

mardi 12 mai 2009

On the radio

Si vous aimez, c'est là :
http://radiopaysdegueret.fr/category/emissions/lheure-du-trad/



L'affiche c'est Jack, qui sévit là :
http://dangerecole.blogspot.com/

Démerdensiesich



50 élèves, deux toilettes (le maître est obligé d'utiliser celui des filles, le seul muni de verrou), deux lavabos.
Même pas à la taille des plus petits.
Mais ça va, ils ne se laissent pas mourir de soif ...

Jardin durable

Ephémère jardin

Marc Pouyet, c'est lui :
Les dessins sont aux crayons, à l'encre, aux pastels ...














Shame on me


" - Maîtresse, tu l'aimes bien mon cadeau ?
- Quel cadeau ?
- Ben tu sais, celui que je t'ai fait quand tu es revenue ...
- Ah oui ! Le bonbon ? Je ne l'ai pas mangé, j'aimais bien le joli paquet.
- Pfff ! C'était pas un bonbon !...
- Ah bon ?
(...)



- Ouah ! Super, des boucles d'oreilles ! Bon ben je les mets tout de suite alors."
Il doit se demander depuis une semaine pourquoi je ne les porte pas alors qu'elles ont été choisies spécialement pour moi ...
La honte ...

lundi 11 mai 2009

Cadeau II le retour

Décidément, c'est le jour des bonnes surprises.
Dans mon courrier le diplôme pour le concours de musique traditionnelle du massif central et surtout le prix : un week-end de stage de chant, offert par la Fédération des arts et traditions populaires Centre et Massif central, avec Anne-Lise Foy, LA Lisou que j'adore (vielliste hors pair et sublime chanteuse).
C'est une belle journée qui s'achève.

Garden party

Ce matin, un problème à questions multiples pour les CE1 : en combien de petits carrés de 30 cm de côté peut-on partager les grands ? Combien de morceaux de ficelles un groupe doit-il demander pour son carré ? Et combien l'EVS doit-elle couper en tout pour faire ces carrés, avec un piège parce qu'un carré n'a ni papa, ni maman.


Cet après-midi, validation dans le jardin, avec un gabarit, par les GS et CP, sous la tutelle des CE1.
Quand on a compris le système du pavage on doit calculer le nombre de ficelles et de bâtons pour son carré.

Il faut aussi fabriquer les cordeaux et les installer.












"Ouah ! ça fait un quadrillage maîtresse !"
Trop forts ces CP.





Et moi j'ai passé un super bon moment.
Cahier journal lundi p.m : mesures, géométrie, vocabulaire
mardi : land art, avec Marc Pouyet.



Décidément, j'aime le mois de mai (enfin sauf si l'orage éclate juste demain ...)