Ça m'agace toujours quand je suis en pleine séance de lecture et que les enfants s'agitent brusquement en me disant "Maîtresse, maîtresse, les grues !". Ben oui les grues, et alors ?
Mais là, j'étais en grève, j'avais besoin d'un peu de poésie après la manif du matin.
Et donc, je les ai vues se rassembler au-dessus de Fressange.
Au bruit, je suis sortie. Il faisait beau dans le jardin, c'était doux après tous ces jours de grisaille. Elles ont tourné quelques minutes, elles ne semblaient pas décidées sur le chemin à prendre.
Parfois je me demande comment elles font pour le chemin justement, avec toutes ces villes illuminées qui troublent le velours de la nuit, ces ondes qui rayent l'espace en grinçant, le bruit, la fureur des hommes qui couvre l'écho du ressac, toute cette folie.
En tournant, elles se sont déplacées vers l'est, en changeant de formation à chaque rotation.
Et puis finalement elles se sont décidées. Elles sont revenues vers le jardin. J'avais envie de leur faire signe, c'était un peu puéril. Elles ont formé le grand V du voyage et en avançant, c'est devenu une pointe de flèche, et la flèche a filé plein sud.
J'ai songé au grand voyage de Nils. Quand elles reviendront, que serons-nous devenus ? Ce qui est sûr c'est que maintenant je ne m'agacerai plus au passage des grues.
Ce sont les enfants qui ont raison de s'émerveiller et de se réjouir de leurs passages annuels.
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