« Écoutez tous petits et grands
l'histoire du mal marié
qui a rêvé d'amour longtemps
sans pouvoir y toucher »
L' histoire de la mal mariée, tous vous la connaissez. Lo davantal pissou, lo cotilhon merdou, prisonnière de sa belle mère et battue par son homme, on vous l'a maintes fois chantée.
Mais pitié prenez de celui qui aimait, et qui jamais ne recevait, ni caresse, ni amitié.
Aqui l'historia de Gustau que amolherada femna de fusta.
C'est l'histoire de Gustau, qui avait pris femme de bois.
Oui, oui, une femme de bois, rencontrée dans son plus jeune âge.
« Tendez l'oreille petits et grands
le sort en est jeté
sur celui qui pour femme prend
une jolie poupée »
Elle était la fille unique et chérie d'un châtelain que la vie avait privé trop tôt de sa jeune épouse. Déchiré de chagrin, il lui avait semblé qu'aucune princesse, aucune reine, jamais, ne pourrait remplacer la sienne. Et comme elle était morte avant ses premières couches, et qu'il se sentait seul, il se fit faire un enfant de bois. Une petite fille, sculptée, à l'image de sa mère, dans un cep de vigne, par un maître ébéniste des environs dont on disait qu'il était issu d'une lignée de fées.
Et il devait y avoir un peu de vrai dans cette légende, parce que les années passaient, et que la poupée grandissait, prenant peu à peu tournure de demoiselle, puis de dame.
Et donc Gustau avait pris cette femme, qui trois enfants lui donna, qui n'étaient pas enfants de bois.
« Soyez patients, petits et grands
et apprenez comment
Gustau bientôt fut en tourment
d'une femme sans émotion »
Ce que Gustau ignorait, c'est que sa femme avait un secret, qu'elle n'avait jamais partagé avec lui, parce qu'avec son cœur de bois, elle l'aimait malgré tout.
Un cœur de bois, ce n'est pas un cœur de pierre.
Et lui, il ne savait pas que la vie, les couleurs et le semblant de chaleur de sa femme de bois lui venaient de sa sève fée. Et que chaque vie de chair qu'elle donnait, ça lui prenait un peu de ce sang magique et précieux.
Et des fois Gustau, quand il prenait la main de sa femme, il la sentait glisser et s'échapper.
Comme ça, pffff !
Et aussi, quand il voulait lui parler ou l'embrasser, elle tournait la tête.
Comme ça, pfff !
Et plus le bois séchait, et plus le cœur de Gustau se serrait.
Le sommeil de l'amour empêché n'est pas un refuge pour ceux qui ont besoin de chaleur dans leurs bras. Après de longues nuits de larmes silencieuses, il s'en fut dormir dans la grange, dans l'odeur chaude des bêtes et de la paille, qui lui rappelaient, il ne savait pas pourquoi, quand il était petit.
Et c'est une des ces nuits pendant laquelle il s'endormit sur son chagrin, qu'il la vit pour la première fois.
« Elle avait les yeux couleurs d'ambre
Et le ciel coulait de ses membres*
un manteau de nuit étoilée
qu'il faisait bon s'y enrouler
et quand elle ouvrit grand ses bras
lui il n'eut qu'à s'y réfugier
à s'y laisser envelopper
à voguer sur sa voie lactée ».
Et chaque jour, Gustau attendait la nuit, pour retrouver ce rêve de chaleur et de bienveillance.
C'est drôle pourtant, parce que, cette femme de rêve de nuit , il ne pouvait pas plus l'atteindre que sa femme de bois de jour …
« Tu voles aussi haut qu'une hirondelle
et mon cœur ne peut s'approcher d'elle.
Tu voles aussi haut qu'une hirondelle,
je voudrais qu'à mon cœur il pousse des ailes.** »
« Prenez pitié petits et grands
c'est une âme qui s'éteint
et dont le souffle dans le vent
dit la vie qui revient ».
Chaque nuit, dans la grange, il lui parlait à cette image aux yeux d'ambre qui lui semblait chaque fois plus réelle.
Et même, elle chantait maintenant.
« Tu chantes comme chantent les enfants,
et mon cœur en ferait bien autant.
Tu chantes comme chantent les enfants,
je voudrais la clef pour remonter le temps.** »
Elle chantait, elle chantait tant et si bien qu'une nuit, ce chant pur et clair réveilla la femme de bois, qui descendit l'escalier, sortit pieds nus dans l'herbe mouillée pour aller jusqu'à la grange.
Elle sentit, et c'était la première fois, l'odeur de l'herbe, du foin et elle leva même les yeux au ciel pour regarder les étoiles scintiller.
Elle ouvrit la porte, se faufila et trouva Gustau, son Gustau, les bras serrés sur son rêve de femme.
Il pleurait.
Oui il pleurait, comme peuvent pleurent les hommes.
Et ça lui fit mal à la femme de bois de voir son Gustau pleurer, en serrant l'image d'une autre.
C'était aussi la première fois qu'elle avait mal.
Enfin, c'est-à-dire qu'elle avait le vague souvenir d'avoir déjà eu mal longtemps auparavant, mais elle n'arrivait pas à se remémorer pourquoi.
« Tu voles aussi haut qu'une hirondelle,
et mon cœur ne peut s'approcher d'elle.
Tu chantes comme chantent les enfants,
et mon cœur en ferait bien autant. **»
Elle s'approcha.
Elle leva sa main de bois, jusqu'à la main de ciel.
Et elles furent touchées.
Et comme elles furent touchées, elles basculèrent de l'autre côté.
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PS. * et ** parties écrites par André Ricros, à partir desquelles consigne était donnée de construire une histoire (atelier chant et conte) en les mettant en musique.
Les parties entre guillemets sont chantées.
Si j'ai le temps j'enregistrerais le tout une autre fois.
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