jeudi 21 avril 2022

Parce que le monde bouge

 Le Kid ne va pas fort.

Recruté en alternance, pour son master, il tombe de haut, à l'issue d'une licence accompagnée par deux employeurs chez qui il n'avait eu que des éloges.

Il y a un delta énorme entre le discours à l'embauche d'employeurs pressés de percevoir les aides à l'apprentissage, et les missions réelles dans les deux agences où il répartit son temps.

Un temps très long, il y a très peu à faire, à 9.15 la journée est bouclée. Si le directeur est présent, toute l'équipe, friande de pauses en journée, reste jusqu'à 19.00. S'il est absent, à 18.30 l'agence ferme, à 18.34 la grille est fermée et les employés dans leur voiture. Le cauchemar pour un apprenti à qui l'on a fait miroiter de nouvelles compétences à construire, pour le persuader de choisir cette banque plutôt qu'une autre, lorsqu'il avait le choix.

Mais le pire, c'est d'aller travailler la boule au ventre, au sein de deux équipes qui se connaissent et se complaisent dans une forme de maltraitance, considérée comme normale concernant les stagiaires et les apprentis.

Vantardises sur le sort fait à un jeune prédécesseur, provocations diverses -le Kid est boxeur, allons voir s'il sortira de ses gonds...-, insultes sous couvert d'humour. Jugez-en plutôt : "Tu ne veux pas de viennoiseries ? Va te faire enculer !" Si le jeune s'offusque de ces propos à tout le moins peu professionnels, c'est lui qui a l'esprit mal tourné. Il faut savoir accepter, c'est l'usage. Surtout si, troublé, on a un peu perdu ses moyens et commis quelques erreurs, même tout à fait bégnines voire totalement normales dans le cadre d'une formation professionnelle.

Et surtout ne pas faire de vagues.

Personnellement, je ne vois pas en quoi les erreurs d'un apprenti justifierait le mépris, l'insulte, et l'humiliation. Je savais que cela existait hélas dans la restauration et le bâtiment. Je ne m'attendais pas à ce qu'il en soit de même dans une banque qui affiche des valeurs de "solidarité et d'égalité, valeurs qui seraient inculqués" à tous ses salariés. En même temps, les mots "confiance" et "banque" dans la même phrase, comment dire, ça ressemble à du blanchiment social.  

Je me sens triste pour lui, et fière aussi. Après une conversation avec moi, il a réalisé que tout cela tombe en fait sous le coup de la loi. Certes, il ne reste plus grand chose du code du Travail, mais ce sont des faits constitutifs de harcèlement.

C'est ce qu'il a écrit dans une lettre à la DRH, pour demander à changer d'agence, voire d'entreprise.

Le directeur de son école, très compréhensif, lui a assuré qu'il n'y aurait aucun problème à terminer son master dans une autre société. Mais lui a bien demandé de ne pas faire d'histoire, de ne pas envoyer cette lettre. 

Le Kid a un peu atermoyé, dans une tension très déprimante. Je lui ai fait remarquer que le seul remède, c'est l'action. Nous vivons dans un pays d'écrit. Les faits, le droit, tout le reste n'est que polémique. La lettre, finalement, est partie. 

Il attend dorénavant une rupture conventionnelle, quelques mois de chômage, à la recherche d'un établissement aux meilleures pratiques.

Désolant.




2 commentaires:

Barbara a dit…

honteux
il a eu bien raison d'envoyer la lettre ,ne pas laisser passer, ne plus laisser passer ,ne plus courber l'échine ,accepter comme" normal "
eu ce genre d'expérience (vu sur des stagiaires à l'école -presque envie de dire systématiquement:( -et oui ça existe aussi - et dénoncé nan mais oh !

quant à la réaction de son directeur de stage j'ai malheureusement eu la même de la part d'un inspecteur
et aussi un délégué syndical(...) dans une autre affaire d'harcelement me concernant

cyann a dit…

Les écrits, le droit, le reste ne compte pas : je suis tellement d'accord avec cette affirmation !
Ton fils a eu raison de réagir. La vie professionnelle peut et doit être un monde où chacun est respecté. Je lui envoie plein de courage.