jeudi 6 décembre 2012

Mayrig

Ce sont des piroshkas.
Je ne garantis pas l'orthographe
mon arménien reste encore très limité.

C'est comme les pirojkis russes, mais plus volumineux : des chaussons farcis de pomme de terre et d'abats hachés, qu'on mange après les avoir saupoudré de poivre.

Ces gens
ils n'ont rien
mais ils partagent tout
le principe étant que, sur la table, il doit y avoir beaucoup plus que ce que tu as vraiment.

On a parlé longtemps
pourquoi ils sont partis
comment
la fille qu'ils ont laissée là-bas
parce qu'ils n'avaient pas assez d'argent pour quatre,
- un tampon sur un passeport : 5 000 euros par personne -
leur ancien statut
elle enseignante
lui directeur commercial d'une usine agro-alimentaire.

Il faut tout recommencer,
accepter que ce ne soit plus jamais pareil.
Pour vivre en sécurité.

Ils parlent plusieurs langues
le russe, l'anglais
mais ils ont choisi la France.
Je crois que c'est à cause du handicap de leur fils.
La France, ils lui sont reconnaissants de ce qu'elle fait pour lui, sa médecine, le centre de rééducation.

Chez eux
les voisins sont tout le temps les uns chez les autres
la table est ouverte
il y a toujours du monde.
Ici le temps passe si lentement,
dans l'incertitude
du titre de séjour
de l'avenir.

Alors quand des Français toquent à la porte
et viennent s'asseoir
parler un peu
de la cuisine
des enfants
des projets
c'est comme une petite flamme vacillante qui se mettrait à briller en grand format
en éclairant les coins d'ombre de nos propres vies.
J'oublie mes dérisoires petits soucis d'occidentale trop bien nourrie
et je mesure la chance que j'ai de vivre ici
en liberté.

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