"- Comment c'était, le jour de votre venue en France ?
- Ouh là là, moi j'ai beaucoup, beaucoup pleuré. J'ai quitté tous mes amis, ils pleuraient aussi. Une copine nous a donné des hamburgers.
Je croyais vraiment que tous les Français avaient un béret, une baguette et un vélo, et qu'ils mangeaient que des escargots et des cuisses de grenouilles. Vous mangez des cuisses de grenouille madame ?
- Non, pas depuis que je sais comment c'est fait.
- Nous aussi, on croyait ça pour le vélo et le chapeau. Mais ici, il y a pas beaucoup de vélos comme en Hollande hein.
- Et maintenant, qu'est-ce qui vous manque de votre pays ici ?
- Ah, le chocolat déjà. Et puis le lait, le lait qu'on met dans le café, c'est pas le même. La crème non plus.
- Nous c'est le beurre de cacahuète, et les petits trucs (vermicelles, ndlr...) de chocolat qu'on met sur les tartines."
C'était mon dernier cours à Aubusson.
Les Anglaises m'ont offert une fleur en tissu à accrocher à mon sac.
Je me souviens qu'elles s'étaient habilement renseignées sur mes couleurs préférées il y a quelques temps de ça.
Elles ont aussi écrit une carte adorable, bourrée d'erreurs que je ne corrige pas (sauf le chez, dont se charge un autre élève...), et que toute la famille a signé.
Elle me montre sa robe longue de bal, avec une grosse fleur à la poitrine : elle retourne en Angleterre pour la fête de fin d'année, un peu moins angoissée pour la suite, depuis que je lui ai expliqué qu'elle pourra faire ses études d'aquaculture au lycée agricole d'Ahun.
On a terminé les pronoms personnels compléments, parce que c'est très important.
Et puis après, j'ai fait une chose interdite : on est sorti, on a mis les sacs dans ma voiture, et on est partis à pied, tranquillement, à la pâtisserie.
Ils ont commandé des gâteaux, et un "chocolat chaud avec de la chantilly dessus s'il vous plaît".
Il y en a un, je crois qu'il pourrait prendre un bain de crème pâtissière.
Il lèche le papier d'abord, l'assiette ensuite.
On a parlé de tout et de rien.
Il y a une famille, les parents se séparent, le couple n'a pas résisté à la transplantation, ça arrive quelquefois.C'est comme l'arrivée d'un enfant, ou la construction d'une maison, un bouleversement qui cristallise et révèle les frustrations cachées et les non-dits.
J'aime leur confiance et leurs voix quand ils parlent français.
Je suis pleine d'admiration pour cette capacité qu'ils ont maintenant à parler de choses personnelles dans une langue qui les a adoptés, parfois contre leur gré.
Aux Anglaises, je souhaite bonne route, bonne vie, et on se quitte joyeusement,
heureuses d'avoir fait ce bout de chemin ensemble.
Les Néerlandais, je les retrouve vendredi prochain, une dernière fois, dans leur école.
3 commentaires:
merci
pour le partage de ces moments émouvants
(c'est "return" le mot)
Chaud au cœur…
joli morceau de vie
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