j'ai demandé ce qui était prévu dans l'établissement.
11h55, un rassemblement dans la cour,
quelques phrases de la principale,
très sobres, très justes, très claires aussi sur la tolérance et le respect,
Dissolution des rangs,
je suis descendue avec une collègue au rassemblement sur l'esplanade Nelson Mandela,
juste à côté de la médiathèque.
Je pleure,
Quand je suis seule.
Comme Bénédicte que j'ai croisé au rassemblement du soir,
j'ai le cœur au bord des larmes.
Tout ce gâchis.
Ils sont nombreux les responsables,
Ceux qui ont humilié les pères.
Ceux qui ont instrumentalisé les communautarismes pour en tirer un profit politique.
Les discours décomplexés ou fourbes sur la violence de l'Islam,
qui finalement autorisent symboliquement que des jeunes se conforment à ce qu'on attend d'eux.
Sont-ils vraiment conscients qu'ils ont du sang sur les mains ?
On a semé des graines dans un terreau fertile.
C'est l'heure de la récolte sanglante.
Je trie,
je ne me laisse pas submerger par le flot d'informations.
Je ne veux pas céder à la peur.
Mais j'ai cette image,
toute une culture du rire, de l'économie, de la question gênante décimée
et je prends conscience de ce que je n'avais pas saisi avant :
ils savaient qu'ils étaient en danger,
rappelés à cette réalité par une présence policière permanente,
et pourtant ils n'ont pas faibli.
On peut mourir de rire.
Je réfléchis.
Et l'école ? Qu'a-t-elle manqué dans tout ça ?
Un charter pour les camps d'entraînement
à défaut d'un ascenseur social bridé par un plafond de verre ?
Alors hier, je me suis aussi recentrée sur la seule chose que je sois à même de faire :
enseigner.
Je suis partie d'un support institutionnel ;
Et puis j'ai fait une séance de compréhension orale.
Qui parle à qui ?
Où?
Quand ?
De quoi parle-t-il ?
Les questions ont fusé. Le vocabulaire déjà,
fondamental pour des primo-arrivants non francophones :
fusillade, attentat, terroriste, République, c'est quoi ?
"Liberté, en France, ça veut dire quoi madame, qu'est-ce qu'on a le droit de faire ici ?".
La place de la religion dans notre société.
Le sens des dessins publiés.
Quand la séance a été terminée,
j'ai dit : "Maintenant on va faire de la grammaire".
"Venir de..."
Le verbe et ses prépositions.
Parce qu'il faut avancer.
Mais un peu plus tard, une rencontre dans les couloir,s après la minute de silence, m'a troublée.
Deux élèves de l'an dernier,
des musulmans,
qui sont venus me voir.
"Madame, qu'est-ce qui s'est passé hier ? De quoi on parle là ?".
Alors aucun collègue n'en avait parlé dans leur classe ?
J'ai expliqué.
Ils ont blêmi.
J'ai dit : "il faut en discuter avec vos parents ce soir, et puis vendredi, à la mosquée, votre imam vous
en parlera certainement".
Et mon cœur a saigné pour eux aussi.
Edit : Ici, un lien vers la page Eduscol qui propose des ressources pour enseigner et débattre sur la liberté de la presse, la liberté d'expression, la laïcité et les droits de l'Homme, avec notamment un lien vers la page du CLEMI.
Je reste très gênée par une interview entendue en début d'après-midi, d'une collègue qui avait agi à chaud (comme beaucoup d'entre nous), en accueillant ses élèves avec au vidéo projecteur, les caricatures de Mohamed publiées par Charlie Hebdo, et qui s'est étonnée de n'être arrivée à rien de constructif pendant sa séance, concluant que ce n'était quasiment pas possible de parler de tout cela dans une classe avec beaucoup d'élèves turcs et maghrébins.
Personnellement j'en conclus plutôt que le support n'était pas adapté, surtout frontalement comme ça.
De mon point de vue, rajouter de l'émotion à l'émotion, ça ne crée pas un climat propice à des débats apaisés et argumentés.
Si le plan c'est de faire dire "à des turcs et à des maghrébins" qu'ils désapprouvent, ce n'est plus de la pédagogie. Je préférerais qu'on se recentre sur l'enseignement du cadre juridique de tout exercice de la liberté.
5 commentaires:
en effet
parler parler parler
s'ouvrir
et agir
Merci Coline. Je compte préparer un billet sur comment en parler aux enfants, je te mettrai en lien…
Je t'embrasse.
@Doremi j'en ai qq uns aussi je les fais suivre à Coline elle en fera ce qu'elle veut
Merci Barbara. Un copine documentaliste a publié ça sur le blougui de son collège :
http://journalducollegegramon.eklablog.com/la-liberte-de-la-presse-attaquee-a114209542
Mon quotidien propose une édition gratuite aujourd'hui : http://www.monquotidien.fr/infos/les-infos-du-jour-free/
et le ministère propose ça : http://eduscol.education.fr/cid85297/liberte-de-conscience-liberte-d-expression-outils-pedagogiques-pour-reflechir-avec-les-eleves.html
merci à toutes les 2 pour ces liens que j'avais vus également très bien faits
à partager
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