Deux indiscrétions auxquelles j'aime bien sacrifier
deux péchés véniels qui me seront sûrement pardonnés :
Regarder les intérieurs d'inconnus éclairés pour la nuit et observer mes voisins de terrasse ensoleillée derrière mes lunettes de soleil.
La première adoucit mes trajets de retour dans les crépuscules d'hiver. Silhouettes anonymes se profilant sur les contours fugaces d'une cuisine bonassement kitsch ou délicieusement accueillante, peuplent mon imaginaire de nouvelles histoires à peine ébauchées.
Spots verts sur murs rouges, lueur bleutée de l'écran plat qui parfois occupe tout l'espace, ou lumière dorée d'une petite lampe de table font danser des amours passionnées ou des crimes parfaits balayés par la pluie au rythme des essuie-glaces.
C'est la persistance rétinienne inattendue d'une image plutôt que d'une autre, qui fera naître un récit quelques jours plus tard.
Quand les jours se font plus longs et plus doux, je profite d'un déjeuner seule en terrasse pour écouter la vie autour de moi. A ma gauche les histoires de cœur de deux copines. A ma droite de terribles histoires de famille, de rancœur et d'angoisse.
En face, deux messieurs seuls. Un qui assume, déguste ce qu'il mange, profite du soleil sur sa peau en souriant un peu. A quoi pense-t-il ? A qui ? Peu importe, c'est une pensée heureuse.
L'autre à la table voisine, est dans un stress total. Il a choisi la salade non ergonomique : non seulement les feuilles trop grandes ne vont pas rentrer d'un seul coup dans sa bouche, mais il va devoir aussi gérer le goutte à goutte de la vinaigrette sur sa cravate. Sans compter qu'il s'est mis en tête de lire un bouquin de cinq cents pages en même temps. Pas avant, ni après, ni même en attendant son café, non, en même temps.
Sauf que ce satané bouquin ne tient pas ouvert tout seul, et que le fond de l'air reste quand même un peu venté. Opération coinçage sous le plateau. Le livre : 1 - le monsieur : 0. Manœuvre visant à circonscrire les pages volantes sous le gobelet. Le livre : 2 - le monsieur : 0.
L'autre homme en est au dessert. Il a les yeux mi-clos, et tout son temps.
Dernière tentative désespérée, maîtrise par apposition du portable, qu'il faudra donc déplacer régulièrement pour accéder à toutes les lignes. Le livre se calme, l'essai va-t-il être transformé ? C'est le moment que choisit la salade pour entrer en résistance. Alliance livre-salade : 3 - le monsieur : KO.
A un moment j'ai eu envie de venir m'asseoir en face de lui, pour tenir le livre et en tourner les pages pendant qu'il mangeait. Comme ça j'aurais pu voir le titre de ce captivant ouvrage pour lequel cet homme ne ménageait ni sa personne, ni sa peine. Parfois on lit à table parce qu'on ne supporte pas de déjeuner seul. Parfois parce que c'est le seul moment où l'on aurait le temps de lire sans être dérangé, à condition de choisir la salade appropriée, of course.
A cet instant où j'hésitais entre les deux options de mon histoire interactive unilatérale, je me suis sentie tout à coup intrusive, et je suis partie.
Photo de Guéret la nuit.
7 commentaires:
Que c'est beau, que c'est chouette !
J'aime ce que tu écris.
Je crois que j'ai un petit côté comme ça aussi...
Jeter un oeil sur les fenêtres allumées...
Regarder les gens passer dans leur voiture quand j'étais ado et que j'attendais mon père à la sortie du cours d'Aïkido...
Pour un temps infime croiser la vie de gens qu'on ne connaît pas, entrapercevoir "l'autre"
J'apprécie même quelques émissions de téléréalité... Juste pour voir l'évolution ( ou pas ) des rapports entre les gens, les comportements, les valeurs humaines défendues ou jetées aux orties pour le jeu...
Je suis passée du blog de Coline au blog de lorys03, et en laissant un comm, je me suis retrouvée à penser à Ste Rita...
J'ai retrouvé le message :
http://agnelous.blogspot.com/2011/08/333-code-ste-rita-put-blame-on-her.html
Relu le comm de Cédille
Elle devait y avoir mis de sacrées zondes, puisque... te voilà effectivement en bon chemin pour la conversion mantrale ! ;)
Je trouve que je viens de faire un drôle de parcours, c'est un peu fou comme les choses se relient les unes aux autres...
Et (je trouve) aussi que je vais bien manquer de sommeil demain, mais bon, tant pis, ça valait le coup... C'était un vrai bonheur de retomber sur la phrase de conclusion de Cédille...
Merci à vous 2 (Coline et lorys03) de partager des bouts de vos vies... ouh là, on en revient à notre histoire de voyeurisme, non ?
Et donc avec de nouveau une boucle entre les sujets de mes va-et-vient de cette soirée !? Dingue...
Et pourtant non, je ne dirais pas voyeurisme, c'est plus que ça quand je viens, c'est plus aller à la rencontre, partager, découvrir...
Mais en fait, c'est un peu ce que je disais tout à l'heure, donc... boucle, oui, et j'arrête de cogiter sinon, ça va vraiment être dur demain ! oO
Bise
Oui PimJ, ce n'est pas l'issue qui compte, c'est le chemin
et nul doute que sur le chemin
les Zondes
ça compte bien plus qu'on ne le croit.
Le "quand on a été ensemble, on ne se quitte jamais vraiment" du com de Cédille
ça venait d'une nouvelle qu'elle avait lue sur le blog
très efficacement recyclée en mantra.
J'avais bien aimé le côté private joke.
Alors encore encore un aller-retour d'un esprit à l'autre, d'un coeur à l'autre pour cette belle phrase... trop cool
j'ajouterais juste à vos derniers commentaires oui ♥
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