"Maintenant, je suis décidé. Je veux partir d'ici."
Loup y es-tu ?
Mon camp de base est désormais la Bretagne des bois. Dans le Bourbonnais je m'étais réparée. Ici je veux m'épanouir. Ce n'est pas toujours facile. Allées et venues du quotidien de Madame Nicole en pays Pourlet.
lundi 15 avril 2024
Les Mots Déclic
"Maintenant, je suis décidé. Je veux partir d'ici."
dimanche 14 avril 2024
Avatar
On voit que le lavabo de faïence, les toilettes suspendues, la cabine de douche quart de rond étaient flambants neufs il y a encore quelques mois.
La cabine n'a probablement jamais été nettoyée. Ses parois sont maculées de traces diverses, et d'une sorte de moisissure rougeâtre qui semble s'être propagée à une vitesse fulgurante. Le receveur n'est plus visible. Il est recouvert d'une bonne centaine de flacons de gel douche vides. De ces marques très masculines, au parfum assez prononcé pour être censé attirer regard et attention. Comment fait-il pour se doucher si souvent ?
Stupéfaction violente. Que s'est-il passé ici ?
Deux bouteilles pleines de gel wc trônent sur l'étagère qui surplombe les toilettes suspendues. Une pauvre brosse à chiottes a été oubliée sur le sol carrelé, entre deux rouleaux de papier cul en voie de décomposition. Le couvercle est ouvert sur une lunette encore blanche. Mais la cuvette est tellement maculée de pisse et de merde qu'on se demande comment elle a pu échapper au massacre. Étonnamment, le poussoir de la chasse d'eau est resté propre.
Le lavabo a pris une curieuse teinte verdâtre, sous des couches successives de substances indéfinissables, plus ou moins poudreuses, les résidus de rasage quotidien peut-être.
Sur le côté droit, un mikado géant de cotons tiges mielleux a commencé à s'effondrer en dégueulant sur le sol poisseux, entre les bouteilles vides de soda et de jus d'orange, tout un tas des flacons de produits et de piluliers contre la chute des cheveux. On pressent que la lutte contre les golfes temporaux est acharnée.
Tout comme celui pour la blancheur des dents et l'hygiène buccale. Côté gauche, en équilibre précaire, une bonne dizaine de tubes de dentifrice « blancheur éclatante », écrasés, presque broyés, dépouillés des bouchons, s'empilent têtes-bêches. À en juger par les cadavres de flacons géants terrassés, des litres de bains de bouche ont été gargarisés ici, après l'usage appuyé de la brosse à dents électrique abandonnée dans un panier.
Il accorde grand soin à son apparence. Dans la vasque, les fioles exsangues de sérum hydratant tiennent compagnie à une gourde, un casque de vélo, un liniment camphré de récupération. Au-dessus du lavabo, le miroir moucheté de dentifrice et de mousse à raser ne reflète sûrement plus grand chose de ses cheveux soigneusement lissés au gel.
En dessous, les portes du meubles sont ouverts. Sur rien. Enfin presque : des boîtes de lessive vides en plastique vert coincent les tiroirs ouverts, ou jonchent le sol.
Quelles larmes, quels hurlements se sont étouffés ici ? Les immondices en indices d'une indicible ordure tue et contenue. Derrière le sourire étale d'un charmant avatar sans peur et sans reproche, paravent d'amour propre donné à voir à qui préfère fermer les yeux, fermentent les pensées les plus tourmentées.
Sans se retourner, il a fermé la porte et jeté les clés, tourné le dos à la douleur pour tenter de se reconstruire ailleurs.
Seulement voilà, aussi loin qu'on aille, on s'emporte toujours avec soi.
Une lettre des propriétaires au garant, et l'avatar s'est dissout dans la cruelle réalité, laissant abasourdis et infiniment tristes, ceux qui croyaient le connaître.
Les tourments, la douleur, le chagrin, la souffrance, c'est comme les poubelles : il faut les sortir. Sinon ce sont les asticots qui l'emportent...
Entre les gouttes
Moi j'avais d'autant plus envie d'aller voir ailleurs que mes enfants ne pouvaient pas venir.
Mais l'un des ses fils s'était annoncé. Celui qui prévient toujours au dernier moment et ne précise jamais quand il arrive. Ça m'a gonflée. Je me suis donc offert un stage de chant le samedi, pendant lequel il a organisé une petite chasse aux œufs pour les enfants de sa fille.
lundi 29 janvier 2024
L'oracle des pâtes alphabet
Rahan avait son coutelas.
Les mois de décembre et janvier sont propices aux bilans. Et le mien est sans appel : je ne veux pas rester dans la maison où nous vivons. Je partirai en septembre.
Bien qu'il n'y ait pas de loyer ou de crédit à rembourser, elle est un gouffre financier pour mon compagnon, ce qui reste son choix. Cependant son entretien quotidien est extrêmement et inutilement chronophage et ça, c'est sur moi que cela pèse, en prenant trop souvent le pas sur le reste, et notamment le temps que je souhaiterais consacrer à l'écriture.
A notre âge, le temps file. Quand nous avions engagé notre relation, il avait clairement formulé son envie de partir et je l'avais cru. D'autant plus qu'il avait souvent évoqué les tentatives avortées de départ, dont sa défunte femme ne voulait pas. Un an plus tard je le rejoignais ici, dans mon esprit temporairement, en attendant d'écrire de nouveaux chapitres ailleurs.
Seulement voilà, mon arrivée à induit de nombreuses améliorations et transformations. Et maintenant, finalement, il s'y trouve bien. C'est que, d'un milieu modeste, il aura travaillé toute sa vie pour payer cette maison qui ne lui appartient même pas vraiment. Je respecte son envie de laisser quelque chose à ses enfants. Mais c'est déjà leur propriété. Et laisser un poids, ce n'est pas forcément la bonne option.
A la lourdeur astreignante de l'entretien, s'ajoute l'isolement. Quoi que l'on fasse, il faut prendre son véhicule. Et dans cette voiture, je passe beaucoup trop de temps. Pratiquement tout ce que je fais, activités ou suivi médical, exige un trajet de 15 à 45 minutes. Ces distances ont un impact tant sur ma disponibilité d'esprit, que sur la pathologie de ma hanche : je ne peux pas aller si souvent à la piscine, j'ai moins le temps de marcher...
Cela n'a jamais été mon choix de vie. Je suis une femme autonome et libre, et là, non seulement je me sens prisonnière de choix qui ne sont pas les miens, mais, en outre, la situation a, pour moi, un désagréable relent de déjà vu : je sais trop comme les hommes, finalement, ont surtout besoin de compagnie pour éponger un deuil. Ils sont souvent prêts à toutes les promesses. Et puis, finalement, le temps passant, ils recréent leurs anciens repères, retrouvent une forme de confort. Même si leur lieu de vie ne leur plaisait pas, même s'il n'est plus en adéquation avec l'évolution de leur quotidien, ils préfèrent rester dans ce qu'ils connaissent, que tenter l'aventure d'un avenir toujours aléatoire. Quand il a dit "je n'arrive pas à me projeter", j'ai cru revenir dans une autre relation, cinq ans en arrière. Et c'était plus blessant que plaisant. J'éprouve parfois un intense sentiment d'injustice : pourquoi est-ce toujours à la femme de tout sacrifier ?
Pourtant, et j'aurais dû commencer par là, il y a ici un paramètre très différent : c'est la douceur sans réserve de la vie quotidienne avec un homme doux, respectueux, drôle et attentionné. Les petits gestes tendres, les repas préparés ensemble, les concerts, les festou-noz et deiz, les rigolades, les conversations à bâtons rompus, les expérimentations en cuisine, les balades ici ou là, tous ces petits riens qui comptent tellement dans une relation. En plus il est beau et il a appris à danser ! Vraiment, non, je ne voudrais ni mettre un terme à cette relation là, ni l'obliger à prendre une décision précipitée en lui mettant le couteau sur la gorge...
Voilà pourquoi, en septembre, je vais louer un pied à terre à Quimperlé (ou éventuellement à Lorient, mais j'aime moins) que j'apprécie beaucoup, qui est à une demi-heure d'ici, pas plus loin des Boys et à un quart d'heure de la mer (au lieu de 45 minutes d'ici...) Dans l'idéal, ce serait pour nous deux, le temps de vérifier que c'est le lieu qui nous convient. Nous avons entendu trop de plaintes de connaissances qui ont tout vendu, déménagé et le regrettent aujourd'hui. Notamment ceux qui sont partis sur la côte, où l'on n'est jamais vraiment tranquille.
Il faut maintenant espérer que je trouve un logement décent et que nous le testions à deux...
dimanche 28 janvier 2024
La grossitude ça n'existe pas # 17 Les biais de diagnostic de la grossophobie
De la même manière qu'on hospitalise plus facilement un homme blanc présentant les mêmes symptômes qu'une femme noire, les gros font l'objet d'une attitude biaisée de la part des soignants.
En remontant aux premières douleurs à la hanche droite, je me suis aperçue, avec effarement, que c'était... il y a dix ans ! Or, ce n'est que le mois prochain qu'une échographie viendra confirmer les suppositions de ma ... podologue et de ma kiné : une tendinopathie du moyen fessier, pathologie assez classique de la jambe plus courte, mais aussi, hélas pour moi, des coureurs.
Evidemment, quand on me voit, on ne pense pas, de prime à bord, à des séquelles de courses à pied....
Bien sûr, il y a eu mon expatriation, la crise sanitaire, mes déménagements, qui n'ont pas facilité un suivi correct. Cependant, quand je rassemble mes souvenirs, j'entends : "à votre âge et avec votre poids, c'est de l'arthrose". Ah ben non, c'en n'était pas. J'ai un peu d'arthrose cervicale et dorsale, mais rien aux hanches.
Et puis il y a eu la version sciatique chronique. Mais finalement non plus, même si certains symptômes peuvent se superposer.
Je vous passe l'épisode de l'IRM du rachis dorso lombaire, dans une machine où je passe tout juste. Je me demande comment font les patients encore plus gros.
Mêmes si les médecins ne sont pas forcément hostiles, le poids de leur patient influence leur diagnostic. Ils prescrivent davantage d’examens complémentaires, mais passent moins de temps avec les personnes en surpoids qu’avec les autres. Alors que l'obésité est une maladie chronique en soi, elle semble être perçue comme un choix de vie. Comme tout est, plus ou moins consciemment, mis sur le compte de l'absence de volonté de l'obèse, on le considère rarement dans son entièreté.
Et je ne parle pas des discours culpabilisants ou sentencieux. Je finis par me demander si la surmortalité des obèses ne serait pas aussi liée à cette grossophobie qui finit par les éloigner du soin.
C'est finalement une jeune podologue qui m'a dit : "je ne comprends pas, vous avez plein de clichés, qui écartent toutes ces pistes, mais aucune image du siège de la douleur."
Dix ans après, me voilà revenue au point de départ...
Avec un peu d'espoir.
La grossitude ça n'existe pas #16 Le serment d'hypocrite
Alors voilà : depuis un an que je suis en Bretagne, j'ai perdu tous mes anciens repères. Et progressivement, après presque quatre années de stabilité heureuse, j'ai pris du poids. Oh pas énormément, mais juste assez pour me sentir serrée, gênée, entravée.
Comme par ailleurs, j'ai tout repris à zéro pour une douleur persistante à la hanche, je me suis dit qu'il fallait régler ce souci, qui n'est pas la cause de mes maux, mais qui représente, tout simplement, une charge inutile supplémentaire. Ne pouvant hélas plus retrouver le giron de l'hôpital de Saint Pourçain où j'avais retrouvé la faim, le plaisir et l'envie, j'ai donc demandé de l'aide à mon médecin traitant, qui m'a orientée vers une consultation à l'hôpital de Lorient.
Par ailleurs, quarante années d'errance alimentaires, de restriction cognitive entre crises de boulimie et diètes de toutes sortes, ayant fait de moi l'obèse que je suis, il ne saurait, une seule seconde, être question de recommencer quoi que ce soit qui ressemblerait à un régime, même "équilibré". Le moindre "plan", la moindre tentative de me restreindre déclenche inéluctablement des compulsions alimentaires aussi douloureuses que contre-productives. Le cerveau est puissant. Et très malin. Impossible de se contraindre toute une vie, sans mettre en jeu l'un de ses réflexes de survie : le stockage...
lundi 8 janvier 2024
Encore une année qui passe...
Depuis septembre, le temps a filé.
Ce qui est vraiment différent des dernières années, c'est qu'il n'y aura pas eu les répétitions autour du poêle d'Embraud, avant les concerts de Noël en costume, que j'aimais tant. J'ai cependant intégré une chorale bretonnante de Lorient, avec laquelle je répète chaque semaine avec un plaisir immense.
Je suis aussi retournée à Tallinn pour un cours intensif de russe, en restant dans les frontières européennes.
Et voici qu'est arrivé décembre, avec cette récompense des concerts à la cathédrale de Vannes puis dans une église lorientaise, pour ce dernier accompagné à l'orgue et la bombarde.
Et le dernier retour de l'année à la case Limoges pour Noël,
avec un détour à la Chavannée, en spectatrice cette fois-ci. Et c'était bien.