lundi 15 avril 2024

Les Mots Déclic


Nous étions assis dans la voiture, en revenant de la gare de Lorient. Le tsunami de la semaine dernière avait reflué, mais il avait laissé des traces indélébiles et il faisait encore des vagues.
"Maintenant, je suis décidé. Je veux partir d'ici."
J'ai compris qu'enfin, nous allions quitter cette maison boulet, dans laquelle je n'éprouvais aucun plaisir à revenir après mon intense semaine parisienne. 

Un peu sur un coup de tête, je m'étais offert une résidence, à point nommée "Déclic", de l'école d'écriture Les Mots à Paris.

photo site de l'entreprise 

J'en avais assez de ressasser cette perte de l'envie d'écrire ; de regretter de n'avoir fait aboutir aucun de mes projets d'histoire. Depuis que je suis en Bretagne, c'est la panne sèche, un peu déniée.
Ce n'était pas une panne d'inspiration, au contraire. Mais plutôt une douloureuse déconnexion d'avec mon monde intérieur. Rappelée à l'ordre par mon corps, depuis janvier je n'ai eu de cesse de me recentrer sur mes besoins en me créant de nouveaux repères.

Quand on y croit, les planètes s'alignent. 
Je ne voulais loger avec personne d'autre que moi-même. J'ai aisément trouvé un hébergement monastique, à une demi-heure à pieds de l'école. Un lieu calme, sécurisant, propre, propice à la réflexion et très bon marché. Matin et soir, dans la douceur incertaine d'avril à Paris, j'ai arpenté mon ancien quartier d'étudiante, pour rejoindre le groupe et la merveilleuse formatrice avec lesquels j'ai partagé cette semaine.

Une semaine sans voiture : je me suis sentie revivre.









J'ai retrouvé l'envie, le plaisir et surtout la joie d'écrire. Je me suis nourrie des expériences et des textes des autres, j'ai binômé avec enthousiasme (on lit son texte à l'autre, qui nous pose plein de questions. Puis on inverse les rôles).

Je suis surtout repartie avec ma petite flamme rallumée, éclairant le chemin vers l'aboutissement de du premier projet dont je distingue l'horizon.
C'est un jeu de patience, il ne faut ni compter son temps, ni s'impatienter, ni penser à une éventuelle édition. Il faut seulement... finir son manuscrit. Et le travailler encore et encore après une longue décantation. Il faut recommencer à écrire tous les jours, comme avant. En cas de blocage, il y a un tas de techniques pour avancer au lieu de s'éteindre. Et je m'y plonge avec bonheur.

Mon objectif c'est d'avoir fini ce manuscrit à la fin de l'été. Et de quitter cette maison.
mais avec lui. On ne sait pas encore où, on a une vague idée de comment. Mais, ce qui change tout, c'est qu'il est un deuxième moteur, au lieu d'être un frein. Et j'en suis très heureuse, confiante et soulagée.

Evidemment, cela n'a pas été sans douleur. Comme souvent, il faut que quelque chose s'écroule pour bâtir autre chose. Et on peut dire que le ciel lui est violemment tombé sur la tête juste avant mon départ.
Au sortir d'un profond abattement, il a ouvert les yeux sur l'urgence qu'il y a à vivre pour nous, maintenant. Ce serait trop compliqué et personnel à expliquer ici.
Disons que c'est juste un bénéfice collatéral de la salle de de bains de l'horreur en somme.

dimanche 14 avril 2024

Avatar

 On voit que le lavabo de faïence, les toilettes suspendues, la cabine de douche quart de rond étaient flambants neufs il y a encore quelques mois.

La cabine n'a probablement jamais été nettoyée. Ses parois sont maculées de traces diverses, et d'une sorte de moisissure rougeâtre qui semble s'être propagée à une vitesse fulgurante. Le receveur n'est plus visible. Il est recouvert d'une bonne centaine de flacons de gel douche vides. De ces marques très masculines, au parfum assez prononcé pour être censé attirer regard et attention. Comment fait-il pour se doucher si souvent ?

Stupéfaction violente. Que s'est-il passé ici ?

Deux bouteilles pleines de gel wc trônent sur l'étagère qui surplombe les toilettes suspendues. Une pauvre brosse à chiottes a été oubliée sur le sol carrelé, entre deux rouleaux de papier cul en voie de décomposition. Le couvercle est ouvert sur une lunette encore blanche. Mais la cuvette est tellement maculée de pisse et de merde qu'on se demande comment elle a pu échapper au massacre. Étonnamment, le poussoir de la chasse d'eau est resté propre.

Le lavabo a pris une curieuse teinte verdâtre, sous des couches successives de substances indéfinissables, plus ou moins poudreuses, les résidus de rasage quotidien peut-être.

Sur le côté droit, un mikado géant de cotons tiges mielleux a commencé à s'effondrer en dégueulant sur le sol poisseux, entre les bouteilles vides de soda et de jus d'orange, tout un tas des flacons de produits et de piluliers contre la chute des cheveux. On pressent que la lutte contre les golfes temporaux est acharnée.

Tout comme celui pour la blancheur des dents et l'hygiène buccale. Côté gauche, en équilibre précaire, une bonne dizaine de tubes de dentifrice « blancheur éclatante », écrasés, presque broyés, dépouillés des bouchons, s'empilent têtes-bêches. À en juger par les cadavres de flacons géants terrassés, des litres de bains de bouche ont été gargarisés ici, après l'usage appuyé de la brosse à dents électrique abandonnée dans un panier.

Il accorde grand soin à son apparence. Dans la vasque, les fioles exsangues de sérum hydratant tiennent compagnie à une gourde, un casque de vélo, un liniment camphré de récupération. Au-dessus du lavabo, le miroir moucheté de dentifrice et de mousse à raser ne reflète sûrement plus grand chose de ses cheveux soigneusement lissés au gel.

En dessous, les portes du meubles sont ouverts. Sur rien. Enfin presque : des boîtes de lessive vides en plastique vert coincent les tiroirs ouverts, ou jonchent le sol.

Quelles larmes, quels hurlements se sont étouffés ici ? Les immondices en indices d'une indicible ordure tue et contenue. Derrière le sourire étale d'un charmant avatar sans peur et sans reproche, paravent d'amour propre donné à voir à qui préfère fermer les yeux, fermentent les pensées les plus tourmentées.

Sans se retourner, il a fermé la porte et jeté les clés, tourné le dos à la douleur pour tenter de se reconstruire ailleurs.

Seulement voilà, aussi loin qu'on aille, on s'emporte toujours avec soi.

Une lettre des propriétaires au garant, et l'avatar s'est dissout dans la cruelle réalité, laissant abasourdis et infiniment tristes, ceux qui croyaient le connaître.

Les tourments, la douleur, le chagrin, la souffrance, c'est comme les poubelles : il faut les sortir. Sinon ce sont les asticots qui l'emportent...









Entre les gouttes

C'était le week-end de Pâques.
Moi j'avais d'autant plus envie d'aller voir ailleurs que mes enfants ne pouvaient pas venir. 
Mais l'un des ses fils s'était annoncé. Celui qui prévient toujours au dernier moment et ne précise jamais quand il arrive. Ça m'a gonflée. Je me suis donc offert un stage de chant le samedi, pendant lequel il a organisé une petite chasse aux œufs pour les enfants de sa fille.
Bien sûr, le fils prodigue n'est jamais venu et s'est décommandé au dernier moment.
Une fois de plus, la viande avait été décongelée pour rien, et on en mangerait toute la semaine. Ça m'a encore gonflée. 
Comme on s'est promis de cultiver la joie entre nous, j'ai dit : "Viens, on se barre !".
On a déplié la carte de Bretagne, direction pas trop loin vers l'ouest.  
Scroller  les offres sur l'appli de réservation hôtelière. 
Tomber d'accord sur le gîte de charme.
Et partir sous la pluie bien sûr. Comme d'habitude depuis six mois.

Nous voici arrivés à Pont Aven, la cité des peintres.
Le temps de pique-niquer dans la voiture, la pluie cesse et nous voilà partis pour trois heures de marche.









C'est la première fois depuis décembre que je marche si longtemps. 
Sans y penser. Sans douleur. C'est très agréable. 
Nous traversons le bois d'amour, pour arriver jusqu'à la chapelle de Trémalo.



Et nous voilà repartis, vers Concarneau, Konk Kerne, la baie de Cornouailles.
Nous faisons halte à la pointe de Trévignon.










C'est un doux soleil de printemps, dont nous profitons avec bonheur.
Un peu plus tard nous posons nos sacs au petit manoir de Keriolet, dans l'une de ces chambres de charme installées dans les anciennes dépendances du château du même nom.



C'est là que ma route recroise celle de l'histoire de la Russie.
Cette très jolie pièce néo-gothique née de la rencontre, à St Pétersbourg, entre un roturier français, et la princesse Zénaïde Narychkine veuve Youssoupov.
Le romantisme slave leur offrit un mariage, mais en exil. 
Ils s'installèrent en France, et, pour qu'il puisse satisfaire ses ambitions politiques, elle lui acheta deux titres de noblesse, qui firent blasons aux frontons de cette demeure qu'il avait acquise sur ses propres deniers.
Voici comment ce château permit à Félix Youssoupov, descendant et héritier de Zénaïde, meurtrier de Raspoutine fuyant la révolution, de se refaire une fortune en vendant le domaine morceau par morceau.


Un petit tour en ville close le soir






Il ne pleuvait toujours pas.

Le lendemain, nous sommes partis aux pointes de Cap Coz 



et de Beig Meil.





Cela nous a donné envie de revenir au prochain été.
Nouveau pique-nique dans la voiture.
La pluie était revenue.
Nous sommes rentrés un peu fatigués, 
mais heureux,
d'être passés entre les gouttes.


lundi 29 janvier 2024

L'oracle des pâtes alphabet

 Rahan avait son coutelas.


Moi j'ai les pâtes alphabet.
Ce sera donc :

Les mois de décembre et janvier sont propices aux bilans. Et le mien est sans appel : je ne veux pas rester dans la maison où nous vivons. Je partirai en septembre.

Bien qu'il n'y ait pas de loyer ou de crédit à rembourser, elle est un gouffre financier pour mon compagnon, ce qui reste son choix. Cependant son entretien quotidien est extrêmement et inutilement chronophage et ça, c'est sur moi que cela pèse, en prenant trop souvent le pas sur le reste, et notamment le temps que je souhaiterais consacrer à l'écriture.

A notre âge, le temps file. Quand nous avions engagé notre relation, il avait clairement formulé son envie de partir et je l'avais cru. D'autant plus qu'il avait souvent évoqué les tentatives avortées de départ, dont sa défunte femme ne voulait pas. Un an plus tard je le rejoignais ici, dans mon esprit temporairement, en attendant d'écrire de nouveaux chapitres ailleurs.

Seulement voilà, mon arrivée à induit de nombreuses améliorations et transformations. Et maintenant, finalement, il s'y trouve bien. C'est que, d'un milieu modeste, il aura travaillé toute sa vie pour payer cette maison qui ne lui appartient même pas vraiment. Je respecte son envie de laisser quelque chose à ses enfants. Mais c'est déjà leur propriété. Et laisser un poids, ce n'est pas forcément la bonne option. 

A la lourdeur astreignante de l'entretien, s'ajoute l'isolement. Quoi que l'on fasse, il faut prendre son véhicule. Et dans cette voiture, je passe beaucoup trop de temps. Pratiquement tout ce que je fais,  activités ou suivi médical, exige un trajet de 15 à 45 minutes. Ces distances ont un impact tant sur ma disponibilité d'esprit, que sur la pathologie de ma hanche : je ne peux pas aller si souvent à la piscine, j'ai moins le temps de marcher... 

Cela n'a jamais été mon choix de vie. Je suis une femme autonome et libre, et là, non seulement je me sens prisonnière de choix qui ne sont pas les miens, mais, en outre, la situation a, pour moi, un désagréable relent de déjà vu : je sais trop comme les hommes, finalement, ont surtout besoin de compagnie pour éponger un deuil. Ils sont souvent prêts à toutes les promesses. Et puis, finalement, le temps passant, ils recréent leurs anciens repères, retrouvent une forme de confort. Même si leur lieu de vie ne leur plaisait pas, même s'il n'est plus en adéquation avec l'évolution de leur quotidien, ils préfèrent rester dans ce qu'ils connaissent, que tenter l'aventure d'un avenir toujours aléatoire. Quand il a dit "je n'arrive pas à me projeter", j'ai cru revenir dans une autre relation, cinq ans en arrière. Et c'était plus blessant que plaisant. J'éprouve parfois un intense sentiment d'injustice : pourquoi est-ce toujours à la femme de tout sacrifier ?

Pourtant, et j'aurais dû commencer par là, il y a ici un paramètre très différent : c'est la douceur sans réserve de la vie quotidienne avec un homme doux, respectueux, drôle et attentionné. Les petits gestes tendres, les repas préparés ensemble, les concerts, les festou-noz et deiz, les rigolades, les conversations à bâtons rompus, les expérimentations en cuisine, les balades ici ou là, tous ces petits riens qui comptent tellement dans une relation. En plus il est beau et il a appris à danser !  Vraiment, non, je ne voudrais ni mettre un terme à cette relation là, ni l'obliger à prendre une décision précipitée en lui mettant le couteau sur la gorge...

Voilà pourquoi, en septembre, je vais louer un pied à terre à Quimperlé (ou éventuellement à Lorient, mais j'aime moins) que j'apprécie beaucoup, qui est à une demi-heure d'ici, pas plus loin des Boys et à un quart d'heure de la mer (au lieu de 45 minutes d'ici...) Dans l'idéal, ce serait pour nous deux, le temps de vérifier que c'est le lieu qui nous convient. Nous avons entendu trop de plaintes de connaissances qui ont tout vendu, déménagé et le regrettent aujourd'hui. Notamment ceux qui sont partis sur la côte, où l'on n'est jamais vraiment tranquille.

Il faut maintenant espérer que je trouve un logement décent et que nous le testions à deux...

dimanche 28 janvier 2024

La grossitude ça n'existe pas # 17 Les biais de diagnostic de la grossophobie

 De la même manière qu'on hospitalise plus facilement un homme blanc présentant les mêmes symptômes qu'une femme noire, les gros font l'objet d'une attitude biaisée de la part des soignants.

En remontant aux premières douleurs à la hanche droite, je me suis aperçue, avec effarement, que c'était... il y a dix ans ! Or, ce n'est que le mois prochain qu'une échographie viendra confirmer les suppositions de ma ... podologue et de ma kiné : une tendinopathie du moyen fessier, pathologie assez classique de la jambe plus courte, mais aussi, hélas pour moi, des coureurs.

Evidemment, quand on me voit, on ne pense pas, de prime à bord, à des séquelles de courses à pied....

Bien sûr, il y a eu mon expatriation, la crise sanitaire, mes déménagements, qui n'ont pas facilité un suivi correct. Cependant, quand je rassemble mes souvenirs, j'entends : "à votre âge et avec votre poids, c'est de l'arthrose". Ah ben non, c'en n'était pas. J'ai un peu d'arthrose cervicale et dorsale, mais rien aux hanches.

Et puis il y a eu la version sciatique chronique. Mais finalement non plus, même si certains symptômes peuvent se superposer. 

Je vous passe l'épisode de l'IRM du rachis dorso lombaire, dans une machine où je passe tout juste. Je me demande comment font les patients encore plus gros.

Mêmes si les médecins ne sont pas forcément hostiles, le poids de leur patient influence leur diagnostic. Ils prescrivent davantage d’examens complémentaires, mais passent moins de temps avec les personnes en surpoids qu’avec les autres. Alors que l'obésité est une maladie chronique en soi, elle semble être perçue comme un choix de vie. Comme tout est, plus ou moins consciemment, mis sur le compte de l'absence de volonté de l'obèse, on le considère rarement dans son entièreté.

Et je ne parle pas des discours culpabilisants ou sentencieux. Je finis par me demander si la surmortalité des obèses ne serait pas aussi liée à cette grossophobie qui finit par les éloigner du soin.

C'est finalement une jeune podologue qui m'a dit : "je ne comprends pas, vous avez plein de clichés, qui écartent toutes ces pistes, mais aucune image du siège de la douleur.

Dix ans après, me voilà revenue au point de départ...

Avec un peu d'espoir.

La grossitude ça n'existe pas #16 Le serment d'hypocrite

Alors voilà : depuis un an que je suis en Bretagne, j'ai perdu tous mes anciens repères. Et progressivement, après presque quatre années de stabilité heureuse, j'ai pris du poids. Oh pas énormément, mais juste assez pour me sentir serrée, gênée, entravée.

Comme par ailleurs, j'ai tout repris à zéro pour une douleur persistante à la hanche, je me suis dit qu'il fallait régler ce souci, qui n'est pas la cause de mes maux, mais qui représente, tout simplement, une charge inutile supplémentaire. Ne pouvant hélas plus retrouver le giron de l'hôpital de Saint Pourçain où j'avais retrouvé la faim, le plaisir et l'envie, j'ai donc demandé de l'aide à mon médecin traitant, qui m'a orientée vers une consultation à l'hôpital de Lorient.

Il faut savoir que je suis de ces gros en bonne santé qui défient les pronostics. Certes, la douleur chronique exige une discipline physique pour le maintien de la mobilité. Néanmoins, à 63 ans, je n'ai ni diabète, ni cholestérol, ma tension est parfaite et je ne prends aucun traitement, à part un peu de magnésium et de radis noir de temps en temps. On est donc loin de l'obésité létale qui appellerait des solutions lourdes.

Par ailleurs, quarante années d'errance alimentaires, de restriction cognitive entre crises de boulimie et diètes de toutes sortes, ayant fait de moi l'obèse que je suis, il ne saurait, une seule seconde, être question de recommencer quoi que ce soit qui ressemblerait à un régime, même "équilibré". Le moindre "plan", la moindre tentative de me restreindre déclenche inéluctablement des compulsions alimentaires aussi douloureuses que contre-productives. Le cerveau est puissant. Et très malin. Impossible de se contraindre toute une vie, sans mettre en jeu l'un de ses réflexes de survie : le stockage...

Je suis donc allée à cette consultation de nutrition hospitalière, pensant, naïvement, qu'ici, comme ailleurs, les pratiques ont certainement évolué. Eh bien que nenni !
Après avoir brièvement exposé mon long parcours et la délivrance, j'ai conclu en disant qu'il était inutile de refaire encore et encore plus de ce qui ne marche pas, et que je ne venais pas pour qu'on m'imprime des menus avec 200 g de légumes et 100 g de viande. Déjà que les vieux démons refont rapidement surface. Ma demande était claire : être remise gentiment sur le chemin de l'alimentation intuitive.
J'ai senti le désarroi de la jeune femme face à moi.
Alors elle m'a proposé une alternative :
" - Vous avez moins de 65 ans, vous pouvez encore avoir recours à la sleeve (opération irréversible d'ablation d'une partie de l'estomac).
- Certainement pas ! Ce n'est pas une option et c'est même une double peine. Je vous explique que je suis parfois dissociée de mon corps, à cause d'un viol dans l'enfance, et vous me proposez une mutilation ...
- Pour vous c'est une mutilation ? 
- Ce n'est pas comme cela que l'on désigne l'ablation d'un organe sain ?"

Elle n'a pas insisté et m'a proposé sa botte secrète :  le médicament miracle.
Oui, miracle, c'est le mot qu'elle a employé.
L'Ozempic, le Wegovy, le Saxenda, tous produits par le laboratoire Novo Nordisk, sont des imitateurs d'une hormone gastro-intestinale, prescrits depuis assez longtemps contre le diabète. 
"- C'est un traitement très efficace. Une piqûre par semaine. Mais il est en rupture de stock, on nous a demandé de ne plus le prescrire à de nouveaux patients."
Personnellement je trouve cela très dommageable pour les diabétiques, surtout quand on sait que cette pénurie est due au mésusage, à grande échelle, du produit vanté à tous vents par les influenceuses. Mais, en quoi cela me concerne-t-il ?
"- On s'est aperçu qu'il est efficace aussi pour perdre du poids. Les personnes qui le prennent n'ont plus envie de manger.
- Euh mais moi je veux encore avoir envie de manger. Toute l'autorégulation repose là-dessus justement. Et puis, s'il ne peut pas être prescrit, à quoi ça sert ?
- Ah mais c'est que le laboratoire Novo Nordisk a le même produit en injection journalière, non remboursé."
Nous y voilà...
"- Alors écoutez, déjà l'expression "produit miracle", pour quelqu'un de ma génération qui a connu l'Isoméride, franchement c'est très inapproprié.
- Oh mais ce n'est pas pareil, on a du recul, il n'y a pas risques. En plus on obtient de très bons résultats sur les pathologies cardiovasculaires associées au diabète."
Au delà du fait que des pathologies cardiovasculaires et du diabète, je n'en ai pas, là, on est carrément dans le mensonge. Des risques, il y en a. De simples désordres gastro-intestinaux, à la pancréatite aigue, les troubles biliaires ou l'occlusion intestinale. Sans compter une suspicion sur les idées suicidaires et l'automutilation.
Tandis qu'elle tripotait la plaquette du laboratoire en récitant la leçon apprise dans leurs conférences, je ne me suis pas gênée pour lui porter l'estocade :
"Vous avez tout de même conscience que l'obésité est un marché j'espère ?"
Plus elle se dépêtrait en justifications diverses, plus son élocution devenait difficile. J'ai proposé qu'on en reste là, en acceptant poliment l'inscription à des ateliers thérapeutiques avec une diététicienne et une psychologue spécialisée dans les addictions.
Mais j'ai décliné quand ils m'ont appelée. Je n'irai pas : peut-on parler d'addiction pour la nourriture, une fonction nécessaire à la survie, contrairement aux écrans, au jeu, à l'alcool ou à la drogue ? Décidément...
Je suis sortie totalement désabusée de constater que, quarante-cinq ans après ma première consultation, on en soit toujours au même point.
Le point mort.

Édit : alors une petite précision sur le seul effet bénéfique de cette consultation : elle m'a permis de réaliser que, finalement, non, je ne suis pas au fond du désespoir. Pas suffisamment en tout cas pour accepter ces conneries.

Photo "les influenceuses et le produit miracle", prise sur le site "What's up doc"


lundi 8 janvier 2024

Encore une année qui passe...

Depuis septembre, le temps a filé.

Ce qui est vraiment différent des dernières années, c'est qu'il n'y aura pas eu les répétitions autour du poêle d'Embraud, avant les concerts de Noël en costume, que j'aimais tant. J'ai cependant intégré une chorale bretonnante de Lorient, avec laquelle je répète chaque semaine avec un plaisir immense.

Je suis aussi retournée à Tallinn pour un cours intensif de russe, en restant dans les frontières européennes.



En compagnie d'un Américain, d'un Français et d'une Canadienne.


Et de notre excellente prof, Diana, Sibérienne, mariée à un Estonien.



Et c'était vraiment une belle expérience. 
Mon prochain rêve serait d'aller en Sibérie l'hiver, mais, pour l'instant, j'ai quelques soucis de santé, pas graves, mais qui demandent à être gérés avant d'aller plus avant.

Et puis le mois de novembre s'est présenté sans frapper, tout de pluie et de gris. Ce fut un mois d'automne assez ordinaire, avec cette petite escapade limougeaude que je m'offre toutes les deux lunes environ, pour aller voir ma famille.
En compagnie de mon Breton, nous en avons profité pour visiter ce site poignant qu'est Oradour.
Le temps s'y est figé sur une horreur sans nom, à laquelle, hélas, l'actualité ne cesse de renvoyer.
Dieu que l'Homme est capable du pire ...





Et voici qu'est arrivé décembre, avec cette récompense des concerts à la cathédrale de Vannes puis dans une église lorientaise, pour ce dernier accompagné à l'orgue et la bombarde. 

Et le dernier retour de l'année à la case Limoges pour Noël, 

avec un détour à la Chavannée, en spectatrice cette fois-ci. Et c'était bien.





Et puis, près Noël, nous avons pris la direction de la nouvelle année, en dansant au fest-noz d'Assérac, un des derniers bals traditionnels de Saint-Sylvestre de Bretagne.



Le lendemain, c'est normalement la baignade du jour de l'an, plan contrecarré par la météo....
L'océan, ce n'est pas la rivière Allier.
Alors j'ai attendu la marée haute et l'Epiphanie.
Et maintenant, je peux vraiment, entrer en 2024, en vous souhaitant une belle année !