mardi 27 octobre 2020

Le jour de Pôle emploi

Devenir écrivain (oui, j'ai encore une forme d'ambition...),
et à mi-chemin écrivain public (... mais ancrée dans la réalité)
ça commence en immersion dans les tracasseries administratives et les courriers contradictoires.

Introduction
L'inscription

1er octobre, une bonne heure à renseigner les formulaires en ligne.
Au moment de valider, blocage.
Trente minutes d'appel téléphonique, dont quinze d'attente :
" - Ouh là, là non, fallait rien faire, vous avez déjà une vieille inscription de ...1999 !
- Oui mais si je ne valide pas aujourd'hui, vous êtes certain que c'est la date du 1er octobre qui sera le point de départ du délai de carence ?
- Non.
- Je fais quoi alors ?
- Rien je vais vous donner un rendez-vous. Ah non, pas possible, aucun créneau dans l'immédiat.
- Ah... donc pour la date ? 
- Je ne sais pas, je ne suis pas conseiller indemnisation, seulement inscription.
- Passez-moi un conseiller indemnisation alors.
- Je ne peux pas, votre inscription n'est pas encore validée.... vous devez attendre le rendez-vous."
Dans le doute, et sans courriel reçu, je valide, une semaine plus tard, mon formulaire en ligne, bien daté du 1/10.
Deux convocations de validation d'inscription plus tard, sur deux jours différents, l'une à mon patronyme, l'autre à mon nom d'usage, je me présente au guichet.
Bienvenue chez Pôle emploi !
Heureusement, la conseillère d'accueil est précise et efficace. C'est vite plié.
" -Et pour mon projet ?
- je ne peux pas vous dire, je ne fais que les inscriptions..."
Au moins, ils emploient du monde.

Premier chapitre
L'indemnisation et les réclamations

Pour l'indemnisation en revanche, c'est embrouille et carabistouille.
Je m'y attendais, ma situation est inédite, je suis la première fonctionnaire du département à bénéficier d'une rupture conventionnelle.
Toujours une longueur d'avance Madame Nicole, ça se paie parfois...
Courrier n° 1 : indemnisation à compter d'avril 2021.
Réclamation. 
Oui j'ai touché une indemnité, mais elle est légale.
Courrier n° 2 : au temps pour nous, finalement ce sera à partir du 14 novembre.
Réclamation encore.
Non, je n'ai pas touché plus que le plancher légal.
On voit bien que vous ne connaissez pas l'Education nationale.
Courrier n° 3 : vous réclamez toujours pour le même motif. Votre dossier est clos.
Réclamation insistante.
Je ne crois pas non. Je pense qu'il y a un malentendu et que vous appliquez le calcul des ruptures conventionnelles du privé. Voici une lettre de la directrice des services départementaux qui précise les textes applicables.
Remarquez mon assertivité... aucun énervement décelable. 
Ma carrière d'écrivain public est bien engagée.
Et là je dis merci au responsable des RH de mon département qui a été très efficace et réactif.
L'honnêteté me conduit à préciser que le chapitre "indemnisation/réclamations" s'arrête ici, 
car une conseillère a pris la peine de m'appeler, et tout est entré dans l'ordre.
Entre temps j'ai touché l'indemnité de rupture, je ne suis donc pas sans ressource.
Bien que tout cela se soit réglé finalement assez vite, je me demande cependant comment font les très petits revenus, qui n'ont certainement pas de noisettes chez l'écureuil pour voir venir.
Sans compter que c'est une petite ville de province, avec des interlocuteurs accessibles et disponibles.
Dans les grosses agences, je m'interroge...

Deuxième chapitre
Le projet

Quelques jours plus tard, je profite de l'accès libre aux ordinateurs, à l'imprimante et au photocopieur, pour venir monter mon dossier de formation de l'Association des écrivains publics de France.
Ce sera en décembre, éligible au financement Pôle emploi, mais sans décision de prise en charge à ce jour.
En attendant, je monte le dossier d'agrément.
Surprise n° 1 : tu ne peux rien imprimer à partir de ta clé USB.
Heureusement, il y a Jules.
Jules est un jeune qui aide à être autonome sur les postes informatiques.
Il a l'idée de mettre mes documents sur Google drive, très étonné qu'à mon âge j'ai un compte...
Mais passons, sa solution est efficace.
J'imprime tout.
Surprise  n° 2 : le papier est recyclé donc gris, c'est recto-verso, et d'une qualité affreuse. Je déconseille formellement d'envoyer ce genre de dossier à un employeur.
Mais pour l'usage que j'en fais, ça ira, je préviens juste l'association en m'excusant de ne pas avoir encore d'imprimante.
Surprise n° 3 : la copie de ma pièce d'identité est barrée d'un gros PÔLE EMPLOI en filigrane.
La classe.
La prochaine fois, j'irai à la médiathèque, qui offre un crédit de 50 copies noir et blanc ou 25 couleurs.


Je clos cette journée productive par un de ces petits luxes que j'ai la chance de pouvoir m'offrir : un repas à la brasserie d'en face, qui me sert aussi pour les toilettes, puisque celles de l'agence sont condamnées.




Retour par la forêt d'automne, et collecte de bois flotté.
Je ne le sais pas encore, mais le lendemain ce sera l'annonce du reconfinement.




Edit du 4/11 : Un très bon point quand même pour Pôle emploi : je viens de recevoir mon ARE d'octobre. C'est très méritoire d'être dans les temps après tous ces aller-retour de courriels. J'apprécie.


vendredi 23 octobre 2020

Second souffle

Tarte confectionnée par Franzouski, qui célébrait aussi son anniversaire, la veille du mien...

Soixante ans.
Je suis arrivée jusque là.
Ce ne fut pas toujours simple.


Plus jeune, j'ai souvent pensé mourir. La vie était lourde, dure, injuste.
Mais il y avait toujours la petite flamme.
L'instinct de conservation. 



Le coup de pied au fond de la piscine. Une grande goulée d'air frais. Et nager encore.
La soif d'apprendre, l'esthétique et l'évasion d'un livre, et plus tard les pierres, l'eau, les oiseaux, les arbres, les sourires, les mains tendues, les enfants, l'émotion d'un tableau, la résonnance d'un chant...



Tout ce qui raccroche à la vie, qui la rend précieuse et lui donne un sens.
Tout ce qui nous prouve notre propre valeur, nous accorde le crédit de mériter de vivre une succession de belles expériences.


Et voilà que tous nos repères sont bouleversés. Qu'il faut s'adapter encore. 
Je suis soulagée d'oublier parfois mon masque.
Cela veut dire que je ne m'habitue pas, que c'est réversible, que l'on ne vivra pas toujours comme cela.


Mais pour l'heure, dans cette anxiété environnante, ce déluge d'informations culpabilisantes et infantilisantes, je ne vois pas d'autre voie que l'acceptation.
Espérer.
Je sais bien que tout est majoré par l'incurie de nos dirigeants, par la destruction systématique de nos infrastructures hospitalières.
Mais lutter serait trop coûteux en énergie.
Il faut vivre, c'est la priorité.
Traverser sans s'abîmer, sans perdre notre humanité.


La semaine dernière, il m'a fallu renoncer à une belle fête d'anniversaire en joyeuse compagnie, à laquelle, de toute manière, Franzouski ne pouvait pas venir.

Il n'y avait rien de véritablement contrariant. Juste un changement de perspective. 
A peine rentrée de Savoie, où j'avais véritablement tourné la page de l'école,
j'ai refait mon sac.

En route pour la Corrèze du Quercy.
Des chapelets de villages médiévaux, tous semblables, et tous différents. D'ardoises en tuiles, la couleur et la taille des pierres qui leur donnent une belle identité, flamboyante dans la douceur d'un automne déserté par les flots de touristes.



Me voilà remontée à Limoges où le couvre-feu commence ce soir à minuit.
Largement assez de temps pour célébrer cet anniversaire en famille.
Je vous souhaite le plus de douceur possible par les temps qui courent.



 

mardi 13 octobre 2020

La brigade du rire

 En dehors du contact physique, ce qui m’a le plus manqué pendant le confinement ce sont les fous rires. Les rires aux éclats, les rires de connivence, les rires francs, les rires aux larmes, les grands n’importe quoi qui réveillent notre âme d’enfant.

Le propre de l’Homme, l’antidépresseur de la femme.

J’ai eu la chance de vite les retrouver à Embraud, ainsi qu’avec mes fils, avec qui on rigole souvent d’un tas de bêtises. Je suis heureuse de leur avoir transmis cette capacité à apprécier le loufoque. Je crois que je me suis rarement sentie aussi fière que le jour où le Kid, dans ma voiture américaine, sur un parking de Walmart, m’avait dit : « Vraiment maman, il n’y a personne d’autre avec qui je ris comme avec toi ». J’avais répondu lui souhaiter d’être suffisamment ouvert pour apprécier d’autres compagnons de bonnes barres.

Le rire est un tonique pour le corps,  dans la piscine thermale de Salins, probablement la plus grande de France. L’eau arrive naturellement chauffée à 31 degrés, on peut donc en profiter même en cette saison plus froide. Sa couleur rouille, peu engageante, vient de sa richesse en sels de fer, qui la rendent apaisante pour les douleurs. J’y descends parfois à pieds, 5 km, mais seulement quand le terrain n’est pas trop gras, parfois en bus. C’est déjà un délice. Le corps qui se glisse dans l’eau accueillante… Et les séances d’aquagym, ponctuées de fous rires, en réaction à la frite sauvage qui bondit hors de l’eau, ou aux blagues pince sans rire du maître-nageur.



Et puis le soir au souper, dans la salle à manger de l’hôtel, le rire prépare au sommeil. De souvenirs en jeux de mots, les curistes féminines, toutes d’âge mûr, voire avancé à cette saison,  s’organisent en brigade du rire. C’est à qui racontera le plus drôlement sa journée entre karcher et bubulles, masques et peignoirs, ou nourrira de souvenirs affectueux, la mémoire des convives présents, chacun à sa table, distance barrière oblige.

Dans ce contexte masqué, hautement anxiogène d’après moi, les relations sont biaisées. Au point qu’une dame, à la piscine, m’ait avoué qu’elle parlait à quelqu’un pour la première fois, alors qu’elle était là depuis plus d’une semaine.

Sans rire, sans mot, comment avoir confiance en soi et les autres ?

dimanche 11 octobre 2020

Cahier mémoire

Dimanche matin délicieux.

Joséphine*, s'inquiète, comme beaucoup d'entre nous, de se sentir vieillir. Pas pour l'esthétique. Mais par crainte de ne pas voir grandir ses petits-enfants.

Joséphine, avec son mari, a fait des dizaines de voyages en camion aménagé. Une fois, ils ont embarqué sa mère de 90 ans pour aller revoir son pays natal, côté slave de l'Europe.

Une odeur, une évocation, appelle tout un chapelet de souvenirs touchants et savoureux. 

Je ne les partage pas ici (à part celui relatif à la mode de l'époque)...

Photos du blog "les copains d'abord" là.

... ce sont les siens, mais ils ont éclairé, ce dimanche matin doucement lent et gris, comme la plupart de nos soupers.

J'essaie de la convaincre de les écrire.

Conjurer la peur de partir trop tôt, en laissant quelque chose de tout à fait spécial, un parfum d'enfance, une lignée familiale. 

Et comme c'est un feu d'artifice, se regrouper dans une ou deux pages par réminiscence, à la manière de Philippe Delerm, plutôt que se contraindre à une histoire chronologique linéaire.

C'est que Joséphine a une grande chance.

Moi je ne pourrais pas faire cela. Trop peu de souvenirs, et pourtant tant d'histoires à raconter...

Essuie-glace de la mémoire traumatique.

Alors, j'ai offert un cahier à Joséphine.

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* Le prénom a été changé. 

dimanche 4 octobre 2020

Frenchy mountains

 Un peu plus haut.

Un peu plus loin.

Un peu plus tranquille.

C'est le premier dimanche d'une première semaine de parenthèse aux bains.

L'émerveillement quotidien de la vue depuis mon balcon.


Je devrais être au Québec avec Padna.

Mais la vie prend parfois un tour inattendu.

Et je vois la forêt commencer à roussir sur les Alpes.

C'est beau.


Tant qu'il y aura des chemins à fouler...

Tant que courront les eaux vives...


Tristesse loin derrière.

Souffrance estompée.

Confiance revenue.

Un petit miracle.



A trois semaines de mes soixante-ans, je marche.

 Un peu plus haut, oui.

Un peu plus loin.

Un peu plus tranquille.

Un peu plus secure.




Je suis désormais convaincue que cet univers veut le meilleur pour moi.

Tout ce que j'ai vécu enfant, c'était dur, insupportable, injuste.

Je me suis souvent demandée : pourquoi ? Pourquoi nous ? Pourquoi moi ?


C'était peut-être un prix à payer, une dette à rembourser.
Dans ce dimanche de moyenne montagne,
c'est devenu sans importance.
Ce qui compte c'est maintenant.
Et un peu après aussi.