mardi 31 décembre 2024

2024 qui va

 Ah je n'ai guère le temps de jeter un regard en arrière sur l'année qui se clôt ! Juste celui de me sentir reconnaissante pour tout ce qu'elle m'a donné, la santé, le plaisir retrouvé de la marche, les voyages, l'amour, et d'espérer que ce qui doit se régler, quitter l'endroit où nous vivons, dégager du temps pour écrire au long cours vraiment, trouvera sa solution dans les prochains mois. 

Je me sens tellement étouffer dans ce lieu qui ne me convient pas, que j'ai tenu ma promesse : je n'y passe pas l'hiver. Il y a un prix à payer : l'errance, le sac que l'on pose ici ou là. 

Chez des amis, en pointillés, pour rechanter cette année encore. 

(Toutes photos page FB de la Chavannée)


Une décision un peu folle, induite par un événement familial à Limoges, qui m'a permis de revenir à mes anciennes amours, en les considérant presque de l'extérieur. Quelle émotion de nous voir entrer dans le sillage bourdonnant des grandes cornemuses, les regards captivés tournés vers nous !







Chez mes enfants à Limoges, pour m'occuper de mon petit-fils et admirer sa petite sœur, Marie (Macha en russe), née le 29 novembre.

Nous avons passé Noël en famille, Daniel avec les siens, moi avec les miens. Il y avait cette vie en plus, et le Kid, rentré quelques jours des Etats-Unis où il travaille jusqu'à la fin de l'année prochaine.

Je n'ai pas eu beaucoup de temps pour voir des copines finalement. Juste celui d'un aller-retour à la capitale pour déposer une nouvelle demande de visa, et cheminer tranquillement d'une illumination à l'autre.




vendredi 1 novembre 2024

Россия2024 #19 Partir, revenir

1er novembre

L'hiver russe est au rendez-vous.
Passage de la frontière à Ivangorod-Narva.
Cet après-midi retour à Tallinn.




jeudi 31 octobre 2024

Россия2024 #18 Escale moscovite

Москва
Des trottinettes et des vélos.
Comme partout.



Москва
Красная площадь


Гум, le goum, ancien magasin d'état, reconverti en centre commercial de grand luxe
Plaisir des yeux...

Parmi les luxueuses devantures, Cartier, Dior, etc, ont toujours leur vitrine et ses lumières.

Mais les boutiques sont vides : il n'y a rien à vendre.


En revanche chez Max Mara (marque italienne), c'est carton plein.


Москва
Étape ultime du jeu "Trouver Lénine" : le mausolée de la place Rouge.



Ah mince, encore des travaux, c'est carrément fermé.
Gros show en mode défilé et musée en plein air pour les commémorations du 4 novembre (c'est écrit : Moscou ville héroïque).


Je ne suis pas fan de Moscou, capitale froide et distante pour le touriste de passage.


C'est cependant une très belle ville, où j'apprécie de passer deux nuits, dans un quartier où je me sens à l'aise, Tchistye Proudy, à deux stations de métro du centre ville. 


Il me reste un tas de lieux à visiter, comme le musée d'histoire de l'Etat, très riche et intéressant, qui a hélas renoué avec les pratiques d'avant Covid : 600 ₽ pour les Russes, 2000 ₽ pour les étrangers. Cela me fait 20 €, mais je ne regrette pas, car on y trouve beaucoup de très belles pièces

Allez, un échantillon de ma propre sélection avec ce sceau d'Alexandre Nevski, ce prince qui, pour moi, symbolise un de ces paradoxes qui font le sel de la Russie : un héros sanctifié, dont on trouve des reliques un peu partout (à croire qu'ils l'ont découpé...), vainqueur des Tatars et des Teutons, figure emblématique du roman national. Un pilier de la féodalité tsariste, mais adoubé par le soviétisme.



Cette petite toile de la fin du XVIIIème sur l'équilibre entre les pays...


À droite, plusieurs pays européens, qui ne pèsent pas lourd dans la balance, même avec toutes leurs bourses pleines.
À gauche, allez, je vous laisse deviner quel pays pèse plus lourd que tous les autres à lui tout seul...(en écrasant la Turquie qui crie на помощь! Au secours !)

Au deuxième étage, une exposition temporaire sur le petit père de la dictature du prolétariat : j'ai quand même trouvé Lénine !




Москва
Le musée Pouchkine n'est pas du tout consacré au poète, mais il est comme un petit Ermitage.
Un bâtiment séparé est consacré à la peinture européenne, avec une collection incroyable d'œuvres impressionnistes.
Parfois je me demande si nos plus belles pièces ne sont pas à l'étranger finalement
Beaucoup de Matisse en Russie, car sa secrétaire, muse, modèle Lydia Delectorskaya, était sibérienne.







Elle a fait acheter beaucoup de de ses œuvres à des collectionneurs russes, et prodigué des dons après le décès d'Henri.


Monnet
Notamment une suite de vues de la cathédrale de Rouen.





Degas
Les danseuses bleues




Tableau La Kermesse
Peinture flamande
David Teniers II - 1650



Le cornemuseux bien sûr, mais aussi le type qui vomit contre la palissade....





Magnifiques Van Gogh







mercredi 30 octobre 2024

Россия2024 #17 Золотое кольцо


Voilà, aujourd'hui se termine mon tour des villes de l'Anneau d'or, Золотое кольцо.

Des kokochniks (clochers bulbes), des monastères, des cathédrales, et on recommence...

Si j'en ai eu marre ? Non.

Quand on en a vu une on les a toutes vues,...Non

Pourquoi ne pas se limiter à une ou deux au départ de Moscou, comme le font généralement les visiteurs de la capitale ?

Parce que je n'avais pas envie d'y passer deux semaines, alors que le pays est si grand. Je voulais voir des petites villes, la province, loin des vitrines de Peter et Moscou.

Alors bien sûr, elles ont des points communs : les églises, les monastères, les arcades...

Mais elles ont aussi chacune un caractère propre, à cause d'un lac, de la Volga, du décor champêtre, ou de leur passé industriel, et surtout de leur histoire.

Oui j'ai saisi beaucoup de ces cités États et de leurs princes rivaux, des conflits qui ont précédé, pendant près de mille ans, la fondation de la Russie moscovite, de la ferveur qui unit les Russes, de leur sentiment d'appartenance à un grand tout et de l'impact de la religion sur la vie politique, même après l'oppressante parenthèse soviétique.

Cela ne fait pas de moi une admiratrice. J'éprouve la même curiosité que quand je vivais aux États-Unis.

Je remarque cependant que les Français ont une image très datée de la Russie, caricaturale le plus souvent, soit exagérément romantique, soit haineuse. Elle ne correspond pas du tout à l'idée que s'en font la plupart des gens. Je me garderais bien d'avoir moi-même un avis tranché, dont mes compatriotes sont friands, spécialement ceux qui n'ont jamais mis les pieds dans ce pays.

Pour ce que j'en ai vu -le pays est grand et je n'en connais qu'une infime partie- , j'observe seulement qu'il y a ici une vraie classe moyenne qui vit, consomme, voyage, subit l'inflation, comme chez nous. Mais dont les gens de ma génération n'ont oublié ni les années portes closes, ni le chaos après l'effondrement de l'URSS. L'Europe aurait dû tendre la main, elle a tourné les yeux de l'autre côté, laissant la porte grande ouverte au libéralisme américain, venu soutenir le pays comme la corde soutient le pendu.

C'est une erreur lourde, et totalement datée, d'imaginer que Poutine soit encore au pouvoir parce que la population ne sait rien de ce qui se passe hors de ses frontières. C'est bien plus complexe que cela.

D'abord, dans cette partie de la Russie au moins, les gens, les jeunes comme les autres, sont éduqués, instruits, et occupés à travailler. Ils sont à la fois respectueux, discrets et curieux, ouverts, dès lors qu'on s'intéresse un peu. Ils aiment leur pays et ne passent pas leur temps à le dénigrer. L'Etat n'est pas dans l'assistanat, mais il permet aux plus modestes de se soigner, de faire des études. Des primes importantes sont versées à la naissance des enfants. 

Avec les VPN que tout le monde a sur son téléphone, il est facile de s'informer en regardant par exemple les chaînes estoniennes en langue russe, ou en accédant aux réseaux sociaux. Finalement, quels sont les citoyens européens qui s'informent vraiment de ce qui se passe ailleurs et ne s'en tiennent pas à la voix officielle de la boîte à malheurs ? La-bas c'est pareil : les citoyens ont le nez dans le guidon, et ils pédalent pour avancer.

Sauf en zone frontière, on circule librement. J'ai publié tous les jours sur FB, il ne s'est rien passé, à part quelques publications avalées par le néant, sans que je sache si c'était du fait des autorités locales ou de Meta.  Les magasins sont bien approvisionnés. C'est un pays en guerre et pourtant, assez incroyablement, on s'y sent plus en sécurité que dans pas mal de nos villes...

A Moscou, j'ai croisé quelques couples homosexuels, qui marchaient tranquillement dans la rue, mais on est à des lieux du quasi prosélytisme de la minorité "queer" occidentale. Cette retape incessante est interdite en Russie, ou elle est du reste très mal vue. La vie intime reste privée.

Alors entendons nous bien : ce que j'écris là ne fait pas du gouvernement russe un modèle de démocratie loin de là, ni des citoyens des nostalgiques de l'URSS.  Mais nous, quel usage faisons-nous de cette démocratie ? Elle s'use parce qu'on ne s'en sert pas, tandis que nos institutions s'étiolent. Personnellement, la répression violente des Gilets jaunes, ou des opposants aux méga-bassines me laisse un souvenir très amer.

Mais c'est une grave erreur d'appréciation que d'avoir pu penser un instant mettre cette nation à genoux... Les Russes sont habitués à jouer avec les cartes qu'ils ont. Et ils n'ont pas le plus mauvais jeu.

Россия2024 #16 AndreÏ Roublev

Il faut que je vous raconte l'histoire de cette icône du moine Andreï Roublev (1360-1428 ?), dit St André l'iconographe. C'est un de mes chouchous, je n'y peux rien.
Il aimait jouer avec l'espace, les formes, les couleurs, exprimer une certaine liberté spirituelle.


Il faut savoir que, quand on entre dans un lieu de culte orthodoxe, l'icône en bas à droite de la porte de l'iconostase est celle qui donne son nom à l'église.
Celle-ci date du XVème siècle, 1m de large sur 1,5m de haut. A l'issue d'une longue errance, elle est revenue dans la cathédrale de la laure de Serguiev Posad, dernière étape de ma visite des villes historiques de la Russie moscovite.

Après l'incendie de la cathédrale par les Mongols, puis sa reconstruction (les Russes sont d'infatigables rebâtisseurs), Roublev en a peint les fresques (disparues aujourd'hui) et cette icône.
La Trinité, le père, le fils à sa gauche, et le Saint esprit à sa droit, est représentée par les trois anges venus annoncer à Abraham la venue d'un fils.
À part une vague tristesse du fils, ils ont le même visage, et on ne voit ni Sarah, ni Abraham autour de la table.
La perspective est inversée : elle n'est pas au fond du tableau mais vers le spectateur.

Décision ultra politique en pleine guerre contre l'Ukraine, ce chef d'œuvre a été rendu l'an dernier à l'église orthodoxe russe par Poutine, pour continuer à s'assurer de son soutien.
Il a quitté la galerie Tetriakov où il était conservé depuis 1929 (et une évacuation à Novossibirsk pendant la deuxième guerre mondiale) pour être exposé un an à la cathédrale du Christ Sauveur de Moscou.
Finalement, l'icône est revenue en son giron initial, la cathédrale de la Trinité de Serguiev Posad, où j'ai pu l'admirer derrière sa vitrine climatisée (elle est très fragile), un peu éclipsée par la file d'attente pour embrasser le tombeau d'argent de Serge de Radonège.
C'est drôle, c'est un peu comme si, au fil de mes voyages, je l'avais suivie.

Les photos étaient strictement interdites, celles-ci ne sont pas de moi.
La deuxième : Maxim Shemetov pour Reuters parue dans la Croix.
La première : Wikipédia.


Comme Alexandre Nevski, Andreï Roublev est un peu partout.
Par exemple ici au musée d'histoire de l'Était de Moscou, deux évangiles enluminés par son art.



Donc Andréï Roublev, le voilà représenté presque sur ses terres, à Vladimir, première étape de mon tour des villes de l'Anneau d'or.


En 1408, avec un autre moine, Daniil dit le Noir, il y a peint les
fresques de la cathédrale de la Dormition.



Les fragments de ce jour du jugement dernier sont remarquables. Aucune épouvante face au châtiment. Plutôt une représentation du triomphe et du pardon.

Ici, l'immanquable film d'Andrei Tarkovsky sur Roublev.