lundi 8 juillet 2024

Inspirer

 Comme tous les matins depuis des semaines, le ciel était gonflé d'épais nuages gris plombés, à peine perturbés par le vent qui malmènent pourtant la ramure des chênes, des châtaigniers et des hêtres. 

Mais j'ai un petit défi à accomplir : marcher 45 minutes à une heure chaque jour. Quatre kilomètres. Avec les mois d'été (sur le calendrier...), s'arrêtent les activités régulières hebdomadaires, qui ne reprendront qu'à la rentrée. Il me faut d'autant plus préserver une activité quotidienne, marche, piscine ou danse, que je passe de longs moments devant mon ordi. Une enquête publique à boucler, et tout un tas d'histoires à faire éclore, quand on est taillé pour se lever et marcher, on peut dire que la chaise tue.

D'autant que le covid s'est invité à la maison. Trois jours de fièvre intense pour lui, rien pour moi ; et cette conscience aiguë de l'urgence qu'il y a à respirer. J'aime sentir mon corps se mettre en mouvement, servi par une soufflerie en bon état. Inspirer, expirer, c'est la vie en marche.

D'un autre côté, la perspective de remettre mes vêtements d'hiver, de sentir mes chaussettes se scouitcher en éponge, puis de m'extirper de mes chaussures mouillées, qui ne seront pas sèches demain, n'est pas de nature à me motiver.

Je n'ai pas réfléchi bien longtemps : j'ai sorti mes sandales de marche. Les mêmes qui m'avaient propulsée jusqu'à Saint Jacques, j'ai gardé les jambes nues, enfilé mon imper, et je suis partie sous la pluie.

C'est d'abord la chatouille de l'herbe mouillée le long des mollets et de la chevilles. Puis les orteils qui s'enfoncent un peu, en glissant l'un contre l'autre. La délicieuse liberté de traverser les flaques. La terre brune et les feuilles en décomposition qui s'accrochent par ci par là.

Absorbée par ce bouquet de sensations, je me suis laissée surprendre par un afflot de pensées toutes plus créatives les unes que les autres. Une idée de chanson, des bouts d'histoire pour mon roman, des précisions à ajouter dans mon rapport d'enquête....

Le tour a été vite bouclée, pas même raccourci dans le petit virage. Mes pieds sont partis d'eux-même vers la gauche et le moulin. Arrivée à la maison, il n'y avait plus qu'à prendre une douche, sécher les pieds, sans se tracasser pour les sandales, et écrire tout ce qui venait.

Inspirée.


mercredi 3 juillet 2024

Entrée en été

Nous étions au très joyeux fest noz du 50ème anniversaire des Bugale Melrand, un cercle celtique de la Bretagne des bois, perdue au milieu de rien. Il y avait le duo Landat-Moisson, et puis les Blain, je me sentais portée par la musique, l'ambiance, les sourires.

Soudain, j'ai aperçu sa silhouette, restée familière dans un recoin de mes souvenirs. Je suis restée interdite.

On ne s'était pas vus depuis quatre ans, mais j'ai immédiatement reconnu sa grande charpente légèrement penchée vers l'avant, les cheveux longs filasses devant et dégarnis derrière, fagoté comme un miséreux. 

Il était avec une poulette trop jeune pour le gombo (je me comprends...).  Il a dansé un peu, gauche, comme toujours. Il avait l'air ... ailleurs. J'ai laissé passer quelques danses, interloquée par cette synchronicité, cette improbable et très inattendue résurgence du passé. Je me suis souvenue avoir mis le pied en Louisiane, le jour même où sa femme rendait l'âme en France.

Je ne sais pas s'il m'a vue, je crois que non, il y avait vraiment beaucoup de danseurs. 
J'ai attendu quelques morceaux, et puis j'en ai parlé avec mon partenaire. Il a rigolé : "Bah, va lui dire bonjour, je vais nous chercher à boire".

Alors, au changement de plateau, j'ai fendu la foule et j'ai lancé ce "hé là bas" d'usage sur l'autre bord. Il s'est retourné. Je jurerais que, quand il m'a vue, le bleu de son regard vide a étincelé. Il s'est animé en tout cas. Il a vaguement présenté "une copine", laquelle s'est éclipsée trop vite pour que je me remémore son visage. Elle était brune. Il aime bien les brunes.
Il m'a fait la bise, un peu piquante avec sa barbe pas rasée.

- "Qu'est-ce que tu fais là ?
- J'habite ici maintenant.
- Ah tu n'es plus à Château ?
- Non."

Il le savait forcément. La communauté francajun est très communicante. Il a évoqué quelqu'un qui  m'avait entendue chanter, en breton, à Embraud et le lui avait dit. Oui, il savait parfaitement.

Sa copine était de Rennes, mais elle avait des amis par là, voilà pourquoi ils étaient à ce fest noz. Nous avons échangé quelques nouvelles, la santé, la famille, les enfants. Il m'a parlé de Gary, un ami que j'aime beaucoup, veuf aussi, d'une française, depuis longtemps. Mais qui a toujours sa maison en pays de Redon. J'ai compris qu'il y aurait des retrouvailles et de la musique. Je n'avais qu'un mot à dire pour être invitée par le roi des Cajuns.

Le mot ne m'est pas venu. La musique occupait de nouveau l'espace, la ronde du laridé se formait, la danse a pris le dessus sur la surprise et le hasard. J'ai fait demi-tour.
"Bon ben salut, passe un bel été ! " Déjà une paire d'auriculaires crochetaient les miens, m'emportaient loin de ce vieil homme, qui n'a qu'un an et demi de plus que moi. J'ai songé "pourvu que je n'ai pas pris aussi cher !

C'est drôle. On a aimé quelqu'un profondément, sincèrement. Et puis, faute de réciprocité, le cœur s'est découragé jusqu'à l'indifférence, preuve que tout passe et qu'il suffit d'attendre. Surtout si on goûte à autre chose...


Le lendemain, avec le chœur, nous chantions sur la riche côte sud du Morbihan, à Locmariaquer.

Une très jolie église avec vue.


Dimanche prochain, ce sera notre dernier concert, à Landerneau (29), pour le concours des chorales bretonnes de première catégorie.

Cette semaine déjà, il n'y a plus d'activités hebdomadaires, nous sautons dans l'été. Ma Doué, comme les jours filent ! Déjà ils raccourcissent...

mardi 28 mai 2024

Trois petits tours

 Un petit post vite fait pour garder la douceur d'une parenthèse enchantée au  Moulin d'Andé (Eure), un week-end de contradance américaine, joyeusement tonique, et un peu anglaise aussi, plus douce et élégante.

J'y étais l'an dernier, avant le grand saut vers Saint-Pétersbourg. J'ai retrouvé avec plaisir, ce lieu associatif, exceptionnel et inspirant, tout en le vivant assez différemment.

D'abord parce que je n'ai pas cherché à participer à tout. J'ai transformé le séjour en une résidence d'écriture et de danse, alternant les deux, en profitant de l'apaisante vue depuis ma chambre. Je ne voulais pas finir en douleur et fatigue, comme c'est souvent le cas pendant les séjours intensifs de danse, dont je reviens dolente.

Ensuite parce que je connaissais désormais la plupart des danseurs, beaucoup d'Américains, des Allemands, Italiens, Français. J'aime bien.


Les sessions se déroulent en haut, dans l'ancienne orangerie, à 15 minutes d'une jolie promenade en bordure de Seine, puis dans le jardin de rocaille.



En face, sur l'autre rive de la Seine, que traversent les cygnes, le village de Portejoie.


Le banc de Maurice Pons. L'écrivain s'y asseyait tous les soirs, jusqu'à ce que Portejoie s'éteigne.
Il a fini ses jours ici. Le site a accueilli des tournages (Jules et Jim, le Combat dans l'île), et propose toujours des résidences d'écriture cinématographique.




Dans le théâtre, musique vivante, bonne humeur, et concentration pour suivre les enchaînements proposés par le caller (en l'occurrence une excellente calleuse...).
A un moment, la mémoire kinesthésique se met en route, et le mouvement devient fluide.  C'est très agréable.
Je suis restée une nuit de plus, en compagnie plus resserrée. Le dernier dîner s'est prolongé par une veillée chantée.
Au retour, la bulle dans laquelle je me trouvais encore dans le TGV Paris-Lorient, a brutalement crevé quand une femme s'est jetée sous le train, à quelques centaines de mètres de la gare de Vannes. Il paraît que c'est très fréquent. Je ne m'étendrais pas sur l'incident, je préfère me souvenir des jolies choses.


vendredi 24 mai 2024

Pourleth power

 Il y a, dans cette Bretagne des bois, une nette réminiscence de la honte d'être plouc.

Je ne sais pas pourquoi les Bretons passent pour être grincheux et mal aimables. Je ne connais pas toute la région, mais ici, dans ce pays Pourleth, je n'ai rencontré que gentillesse et curiosité.

Personnellement, je n'ai jamais eu à essuyer de reproches en tant qu'envahisseuse. Il est vrai que je précise toujours que, n'ayant rien à faire en Bretagne, de moi-même je ne serais jamais venue m'exiler ici, loin de tout ce qui faisait un quotidien que j'appréciais. Il est vrai que j'ai suivi un Breton. Il est vrai que je m'intéresse vraiment à la culture au-delà des boîtes de gâteaux. Il est vrai que je danse et je chante breton.
Et que je porte un regard affectueux sur les bretonnismes qui envahissent leur parler, des erreurs intelligentes engendrées par la transposition de leur belle langue sobre, sonore et imagée, en galleg (en français).
Il se trouve que le parler Pourleth ne s'est pas totalement dissout dans la communication en français normatif.  L'Argoat, ce n'est pas la côte, on s'y est moins mélangé, même s'ils sont nombreux à avoir travaillé à Paris. C'est l'épicentre des bretonnismes et de la voix bretonne, un peu dans le nez (à cause de la prononciation des voyelles et diphtongues), mais pas nazillarde non plus, avec un accent plus ou moins prononcé selon les terroirs.
Pour qui, comme moi, s'est toujours intéressé à son environnement linguistique, allemand, luxembourgeois, limousin, louisiannais, bourbonnais, l'oreille ne pique pas quand ils "envoient" (emmènent) leurs enfants avec eux, que les fils sont "en pendant" après la tempête, quand quelqu'un est resté (tombé) malade, éventuellement malade au lit (très grave), a pris ses louzous (médicaments, ça vient des herbes médicinales) quand il y a du reuze (du boucan), qu'ils sont autour de leur jardin (en train de jardiner) ou qu'ils proposent "un café vous aurez".
La langue, c'est le miel de l'esprit. Elle témoigne d'un regard sur le monde, de la place qu'on y occupe, de l'échelle des valeurs, elle met des mots sur les émotions, les concepts, sur ce qui compte ou pas.

Or, toute une génération a perdu sa langue, qu'elle ne retrouvera jamais vraiment, même avec la militance brezhoneg, même avec les écoles Diwan. Les gens de ma génération y ont été fortement exposés. Sauf s'ils étaient élevés par leur grand-mère totalement non francophone, tout leur entourage parlait breton, mais pas à eux. A eux on parlait un français croche, transposé du breton. Non ce n'est pas l'école qui a tué le breton. C'est le souci d'élévation sociale, la honte devant les cousins parisiens puis les touristes. Maintenant on enseigne le breton surunifié, normatif, qui contribue à fossoyer la belle musique des mots des anciens. C'est le prix à payer, une histoire un peu triste que j'ai déjà rencontrée en Louisiane.

Pourquoi je vous raconte cela ? C'est que je viens de passer trois jours avec une portée de Pourleth à vélo (je vis près de la Mecque du vélo). Les hommes ont pédalé jusqu'à Erquy (dans les Côtes d'Armor, 120 km), et sont revenus en pédalant aussi. Entre les deux, les femmes en voiture les ont rejoint pour manger, mobilhomer, rigoler et se promener. On perd tout repère diététique. Leur capacité à boire et à manger avant de se remettre en selle m'a impressionnée. Elle mériterait un post à elle seule... 
A table, c'est drôle, les hommes se mettent ensemble et les femmes d'un autre côté. C'est à cause des conversations. Moi j'étais un peu au milieu, aimantée à mon cycliste. Il était très content d'être accompagné pour une fois.

Et donc, comme d'habitude, passé l'intérêt poli, est arrivé le moment où ils ont compris que ça m'intéresse bien tout ça. Que ce n'est pas la peine de faire genre. Et qu'est ressorti le breton. Oh, à petites doses. Mais on voit bien que c'est juste là, sur le bout de la langue. Quand est levée la peur de passer pour un plouc, les choses sérieuses commencent. Chacun est qui il est, comme il est.
Le dernier soir, au retour à la maison, on a tous dîné d'omelette, de lard, de frites et de salade, dans la ferme retapée d'un des cyclistes. Çа a trop bu c'est sûr, trop mangé, parlé trop fort. 

Ne ket fall ! (Le k se prononce tcheu par ici.) Traduire par "c'est pas mauvais". Qu'on comprendrait comme c'est super génial. Quand je vous dis que le breton est sobre (en paroles n'est-ce pas, parce que sur la lagoutte ou la lodevi... c'est une autre histoire, celle des bonbons kredans, les bonbons de l'armoire, les cerises à l'eau de vie).






Le dimanche matin, randonnée des plages sauvages jusqu'au port d'Erquy


Vue sur Fort La Latte depuis le Cap Fréhel




Cap Fréhel












Fort La Latte


Au retour, avec les femmes, détour par l'abbaye de Bon repos.

Puis par les Forges des Salles, où a été tourné le récent film Rosalie (la femme à barbe)




Pêle-mêle, des paysages, j'ai retenu les bancs de brumes soudainement dissipés, d'où émerge la silhouette du fort La Latte. On est dans un nuage, et, soudainement c'est la soleil. Depuis le cap Fréhel, c'est comme un château voguant sur des terres fantastiques, peuplées de fées, de sirènes, de géants et de korrigans.

En grimpant sur le talus d'enceinte du fort, le regard saisit l'immensité bleue, à peine ridée par un zéphyr égaré. Un écrin pour les rochers émergés, un velours qui vient s'alanguir au pied des falaises déchiquetées, de noir, de rose et de ce vert printanier qui enchante et éblouit le regard.

Parfois c'est une nappe de lande nue jetée sur les pierres, qui ondoie en pans de vert anglais, de malachite, de Véronèse et d'amande. Soudain, sur un nouveau versant, la bruyère se mêle aux genêts déjà fleuris. Que le soleil se montre, dans un moment de grâce, la chaleur fait embaumer tout le landier

mardi 14 mai 2024

Fête de la rivière

 Oh, cette année, l'eau était courante.

Si haute et si rapide que les bouchures s'étaient par endroit effondrées. L'île au centre avait presque disparu. Les bateaux étaient montés sur la berge.

Nous sommes arrivés mercredi soir, après la longue route. J'étais heureuse de retrouver la rivière. A la nuit tombée, le bruissement de plus en plus sonore, crissant, criant, coassant, de la nature, à nul autre pareil. Pourtant, en Bretagne, nous vivons dans une campagne qui n'est pas silencieuse. Mais pas si foisonnante que ce bocage qui enserre la rivière sauvage. 

C'est en marchant sous le ciel obscur de la lune nouvelle que j'ai réalisé à quel point cet environnement me manque.






Le lendemain, c'était la fête de la Rivière. Des chants, des danses, des bateaux, des tartes du four à pain. Du soleil et de la joie. 



Vous n'en verrez pas grand chose. J'ai de moins en moins souvent mon téléphone à la main. Mais nous en avons bien profité, vous pouvez me croire. Nous avions choisi de dormir au dortoir d'Embraud, tout à nous à cette saison.

Le jour d'après était pareil à tous les jours d'après.
Laver. ranger.


Aller voir mon berger, rigoler.
Puis aller voir Jacky, à l'Ehpad, et sentir les larmes affleurer.

Samedi, un petit tour au marché de Bourbon, qui me manque aussi beaucoup.
Et l'après-midi, le mariage d'une copine.
Ma première cérémonie druidique (deux heures en pleine cagne...), dont j'ai retenu "saurez-vous affronter le feu cruel du changement /  le flux et le reflux des sentiments / le silence et la contrainte / l'éclat de la lumière".
Ils ont dit que oui, ils sauraient.
Quelqu'un a conclu avec un "Mariage plus vieux, mariage heureux".
Je le leur souhaite.
Nous concernant, nous nous sommes sentis confortés dans notre non demande en mariage quotidienne : tous les matins nous nous épousons pour la journée. Pas de cérémonie, pas de stress, pas de sous dépensés, juste la joie matinale d'être ensemble et de se promettre tendresse et fidélité jusqu'au soir.



Et puis retour...
La pluie drue en continue, après cette parenthèse bienvenue de grand soleil et de sourires...

Petit souvenir de la mairie avec une autre copine de la mariée...

jeudi 2 mai 2024

Une écrivaine, ça écrit

Je vous présente Leila et Sophia. Chacune son vécu, chacune son projet. 

On parle d'histoires, de technique, d'inspiration, de personnages, de dialogues, de journal d'écrivain, et de notre intimité de femmes aussi. C'est très inattendu. Un petit cadeau de la vie.

C'est la première fois que j'ai des copines écrivaines comme moi (à part mon amie Hilly !)

Des personnes en plein processus d'écriture. Nous étions ensemble au stage Déclic. Trois membres d'un groupe un peu plus large, mais aujourd'hui j'étais de passage. A Montparnasse est venu qui pouvait.

Un jour nous serons autrices. Nous serons publiées. Pour l'instant nous sommes écrivaines. Nous écrivons. Tous les jours. Avec ardeur.


Le Kid s'envole, un rendez-vous impromptu

J'avoue que c'était un peu foufou et un peu dispendieux aussi.
Mais bon, après tout, j'ai une carte SNCF senior non ?
Me voici donc dans le train du retour, après un voyage express et une courte nuit parisienne, juste pour prendre le petit déjeuner avec le Kid, 27 ans dans cinq jours, qui s'envolait ce matin pour 18 mois de Volontariat International en Entreprise (VIE) à New-York.
Ce poste, il en rêvait.
Il ne le doit qu'à lui-même. 
Belle revanche sur tous les petits crevards de sa jeunesse qui le prenaient un peu de haut, et qui sont resté en rade depuis.

Depuis septembre, au moins 60 CV et presqu'autant de lettres de motivations en anglais, un ratissage quotidien des sites des banques qui l'intéressaient, des dizaines de tests-écrémages en ligne sans se décourager.
La hot line maternelle pour les débriefings, et, à la fin, plusieurs entretiens, et un choix à faire entre trois propositions.

Et puis, envers moi, une immense appréciation : "Merci maman, tu m'as énormément encouragé. Cela m'a beaucoup aidé. Tu as cru en moi, tu ne m'as pas fait peur avec le chômage et tout ça".
Je n'ai pas grand mérite : il était déterminé, je SAVAIS qu'il y arriverait. 
Tout faisait sens : son séjour aux USA avec moi, puis avec mon ami Mike, son master en Banque. En septembre dernier, il m'avait dit : "J'ai fait cinq ans d'alternance, pas question de rempiler derrière un guichet avec des types qui sortent de fac sans jamais avoir travaillé, et pour gagner une mendicité. Je veux m'expatrier, je sais que je peux." 
Il était donc resté à France Travail (qui avait promis une formation qu'on attend encore...) et je lui avais expliqué que, réussir, c'est souvent une affaire d'autoprogrammation de notre cerveau : des objectifs, des moyens.
Et il l'a fait.

Il faut savoir laisser partir les gens qu'on aime. Poser des actes sur cette liberté de vivre sa vie tant qu'il est temps, quand on peut, sans les retenir dans les filets de notre amour.

En janvier,  je lui ai offert une belle valise en avance sur son anniversaire. Depuis, on était constamment en contact, mais on ne s'était pas revus en vrai. Pour moi ce n'était pas possible, même si maintenant, avec les visios, on n'est pas coupé du monde. Je lui ai proposé ce rendez-vous impromptu et il en a été très heureux : "Je ne te l'aurais pas demandé, mais je suis super content".
Ce matin il ne réalisait pas bien, même s'il est archi préparé. Il a trouvé un logement, un club de boxe.
J'ai un très bon ami sur place qui veille au grain in case of.
Mais il laisse derrière lui son adorable jeune compagne, qui ne pouvait pas le suivre. Ils ont décidé malgré tout de continuer leur histoire à distance, avec des visites américaines.
Nous nous irons le voir en septembre.