mardi 31 mars 2020

Le grand confinement de Madame Nicole # 16 Rose dit à sa mère


Chanter en plein air c'est vraiment un exercice.
Le vent s'engouffre dans le micro, et essaie de prendre toute la place.
Dans l'écran peu efficace de mon téléphone, je vois passer des cigognes.
Le vol des grands oiseaux, ou des hérons, c'est toujours un réconfort.



La proximité de l'eau aussi.




Bal de prairie
Bal de chemin
Jour 16 : une bourrée 3 temps du Limousin


Caminho Portugues # 7 De Rubiães à Tui - Vendredi 28 février 2020

Etape plus douce, derniers pas portugais.
Je pars sans petit déjeuner, juste une des pommes offertes par Nikola.


Quelques enjambées plus loin, Antonio, un de ces pépés qui guettent la pèlerine, m'annonce en touchant plus ou moins discrètement mes seins :
"Un cafesinho in 10 minutos".
"Obrigada" (en reculant prestement)...
Antonio n'a pas menti, le café est là, Nikola aussi, on se fait une photo souvenir, un thé, un pain au chocolat...

Je reprends le chemin vers mon objectif du jour, dernière étape portugaise, Valença do Minho...
sa forteresse, sa rue shopping, mes deux derniers pasteis de nata, ses passages souterrains.




J'ai pas envie de dormir là, je passe le pont de la frontière avec l'Espagne.


Et j'arrive à Tui.
Là où se rejoignent officiellement chemin central et chemin côtier.
Moitié, mas o menos.
Je suis bien fière de moi.




On est en Espagne, changement d'heure.
Il fait nuit plus tôt.
 Immense albergue, comme souvent dans un monument historique, avec vue sur l'église.
Je passe la soirée avec Emilio, un jeune Italien qui vit en Australie.
L'auberge est VRAIMENT espagnole ! 
Rien en cuisine, pour chauffer ne serait-ce que de l'eau...
Et un tas d'interdits...


Certains s'en sont un peu agacés apparemment...


Et un dilemme : les restaurants ne servent pas avant 20.00, l'auberge ferme à 21.00...
On se dépêche, le serveur s'embrouille, je demande un para llevar...
Pour finir ce sera dîner de la lose pèlerine, 
calmars froids, mangés avec les doigts  sur un coin de table.
Bonne nuit tiède (il y a du chauffage...) et sécurisante, car la tempête fait rage au dehors.

lundi 30 mars 2020

Le grand confinement de Madame Nicole # 15 La petite Rosalie


Je pédale tous les jours dans les alentours.
J'explore.
Je m'arrête, je respire, l'anxiété s'estompe.
Bal de bocage
Bal de grand vent, où la voix s'effiloche...
Dans ma mémoire, sonnent la cornemuse de Manu, l'arrangement de Fredo.
Une de mes scottish favorites.

Caminho portugues # 6 De ponte de Lima à Rubiães - jeudi 27 février 2020

J'ai rencontré Dieu deux fois.
La première sous les traits d'un homme surgi de nulle part en courant.
Il s'arrête, me parle beaucoup, en portugais, je comprends moyennement.
Mais il sort son téléphone et me montre une photo de... Sacha l'Urkrainienne !
Je finis par saisir qu'il me met en garde contre un passage de pierres difficile à franchir.
Il m'accompagne un peu, puis s'en va comme il est venu.
En courant.

La deuxième fois,
sous les traits de João.
Un vieux pépé, assis sur un banc, près d'une jolie cascade.
Il veut des besinhos, et il veut m'épouser.
Il est peut-être patoula (Pas tout là en cadjin...), pas agressif, sûrement très seul.
Je le serre un moment dans mes bras.
Et voila que de sa poche, il sort... une orange, puis deux....
Je meurs de faim, je n'avais pas assez de ravitaillement aujourd'hui...
Merci de ce cadeau inattendu !

C'est que ce matin, je me suis mise en route après le petit-déjeuner partagé avec Emil.
En deux jours, j'ai appris l'essentiel de sa vie, et de la raison pour laquelle il est entré en chemin.
De ces conversations intimes que l'on a entre pèlerins inconnus, qui nous lient sans nous attacher.
Après s'être donnés rendez-vous à Rubiães,
on partage et on remballe les restes du ravitaillement d'hier soir.
Heureusement !
Car je crois partir juste pour 19 km, sans savoir qu'il me faudra traverser la Sierra de Labruge.
Des pierres de torrent en chamboultout, qui grimpent, et grimpent encore.




Mon sac, pourtant peu chargé, tire en arrière, me déséquilibre.
Arrivée en haut... il faut redescendre évidemment.



Je croise Nikola, une jeune Tchèque rencontrée hier à Ponte de Lima, qui avait momentanément cheminé avec une Russe pas très sympa, laquelle l'a quittée brutalement sans autre forme de procès.
Elle avance plus vite.
Elle sera à Rubiães ce soir. Où elle me fera cadeau de deux pommes qu'elle a eu le temps d'aller acheter à la supérette du village.
Emil n'est pas au rendez-vous. Il a dû pousser plus loin.
Bravo ! ça lui pesait de ne pas avancer plus vite.
Le soir, je descends manger au petit restaurant du village.
Des homme se rassemblent autour d'un plat de poulet frit, pour regarder un match.
Encore un jour sans les informations...

Edit : au mardi 17 mars, la chanson du deuxième jour

dimanche 29 mars 2020

Le grand confinement de Madame Nicole # 14 Improvise


Il fait froid.
La neige s'est essayée à tomber.
Mais le loup n'est pas au bois.
Juste un chevreuil...
Jour 14 : une valse à 11 temps, pour passer le temps...
Improvise, c'est sont nom.
Paroles et musique Madame Nicole

Caminho portugues # 5 De Lugar do Corgo à Ponte de Lima - Mercredi 26 février

Cinquième jour de marche.
Aujourd'hui j'ai appris qu'il suffit de se défaire de la peur,
et tout ce dont tu as besoin, tu le trouves sur ton chemin.
Tout est parfait, ne te tracasse pas.


Le corps s'ajuste.
Je suis un point qui avance entre ciel et terre.
Comme un compas ancré au sol, les pieds se mettent en route, malgré la douleur du départ, pour une petite étape de 17 km.
C'est drôle, j'ai noté dans mon carnet : "Soleil, pluie, vent, je suis toute la journée dehors...".
A ce moment là, je ne savais pas que, les semaines suivantes, je passerai presque toutes mes journées enfermée.
Comme quoi seul compte vraiment le moment présent...
(Bien qu'aujourd'hui je sois heureuse de pouvoir revisionner ce beau film...)

C'est presque à regret que je quitte le cocon familial de la maison de Fernanda.
Mais je me sens fière d'être déjà arrivée jusque là.
D'avoir franchi le cap du jour de découragement...


Pas de ravitaillement sur cette portion, pas de restaurant où faire une pause.
Quelqu'un a mis des biscuits, un point d'eau et un banc derrière sa maison.
Ecrit "Cantinho del peregrino..."
Merci...


Je me pose aussi un peu à l'un de ces tas de galets où chacun écrit son nom.




Au détour d'un virage, un petit bois plein d'arums, une splendeur.
Certaines images resteront toujours gravées dans ma mémoire.


Comme à la fin, la rivière Lima, qui prend l'allure des bords d'Allier...

 



L'albergue, peu accueillante, mais fonctionnelle, se trouve un peu après l'ancien pont de pierres.


J'y retrouve Emil, qui va au ravitaillement pour nous deux, pendant que je profite de la douche.
On dîne ensemble au restau en face, avec Janke, assistant parlementaire allemand, bobo chic mais sympa.
Ah ! Mais c'est lui que les Slovaques d'hier avaient appelé en panique... 
Janke a un guide papier, et c'est lui qui leur avait indiqué la maison de Fernanda...
Le monde du pélérinage est aussi petit que vaste...
Pas de télévision dans ce restaurant. On ne sait rien encore de la panique qui se répand depuis l'Est...
Emil et Janke boivent beaucoup de vin, dévorent mon assiette de poulpe.
On rit de bon coeur, et puis on rentre, car les portes de l'auberge ferment à 21.00...

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Edit : si tu retournes un peu en arrière, tu trouveras les chansons que je poste chaque jour sur FB, que j'ai réussi à récupérer, malgré un petit souci technique qui boulotte un peu la fin...
La première est au lundi 16 mars.

samedi 28 mars 2020

Le grand confinement de Madame Nicole # 13 C'est demain dimanche


Pas de jour 12.
Le douzième jour fut un jour de tristesse.
Pas d'apéro non plus, paraît que la Quézac diminue les défenses immunitaires.
Mais non, je déconne.
Jour 13 : C'est demain dimanche.
Parce que je pense à Embraud, et que j'entends l'accordéon dans ma tête.
Passée à la traverse dans les herbes encore rases, je trouve l'eau qui me réconforte toujours.
Bien que les abords de tout étang ou plan d'eau soient interdits.
Sauras-tu repérer le moment où la voix défaille d'émotion ?





Caminho portugues # 4 De Barcelinhos à la casa da Fernanda - Mardi Gras 25 février 2020

Hier, c'était encore la lumière douce du soleil.



Tout change.
La pluie du matin n'arrête pas la pèlerine.
Mais elle lui met quand même bien bien la misère...




Je ne pensais pas que ce serait si long aujourd'hui.
Dès que ça fait plus que 20 km, je peine vraiment.
Pause déjeuner dans un restau au col de Portela, le patron me dit qu'il ne me reste que 6 ou 7 km.
C'était bien plus loin, et je me suis sentie très découragée.
J'ai commencé à chanter.
Les paysages sont vraiment très beaux.



Les vignes...

Les ponts romains...

Et tout d'un coup, sur ce joli chemin qui n'en finit plus, un panneau à l'arrière d'un jardin.



Je suis arrivée à la maison de Fernanda.
Son mari, Jacinto, a construit un dortoir près de leur cuisine d'été.
J'y retrouve Nadine et Tommy, les Allemands d'hier soir  avec leur chien tranquille, Emil le Néerlandais, un autre jeune allemand, Roberto, qui trimbale, dans son sac, un pot géant de Nutella, ainsi qu'une boîte d’œufs durs.




On dîne dans la cuisine familiale.
Vers 21.00, Jacinto part chercher deux slovaques un peu déjantés, plus touristes que pélerins, qui se sont perdus. Ils sont pressés et font des étapes de 40 km, qui ne se terminent donc pas toujours à pied...
Tout ce petit monde se mélange en riant beaucoup.
La nuit on se blottit sous les couvertures : pas de chauffage dans les gites portugais.
Vraiment un lieu particulier, un de mes meilleurs souvenirs du chemin.


Je précise que pour tout cela, on donne ce qu'on veut.

vendredi 27 mars 2020

Caminho Portugues # 3 De Saõ Pedro de Rates à Barcelinhos - Lundi 24 février

Jolie étape, campagne dans la lumière du matin, jardins potagers, forêts d'eucalyptus...




Cueilli un citron sur un arbre, un parfum délicieux.
Reposé mes pieds à un arrêt de bus.
Pleuré en voyant la vierge noire de 1966 dans son alcôve de granit,
qui me renvoie à la petite fille que je fus.
Une chanson commence à s'écrire doucement.
Désolée devant l'avis funéraire d'une jeune fille de 22 ans.

Aujourd'hui, j'ai appris qu'il faut jouer avec les cartes qu'on a.

Pieds endoloris, ampoule ouverte...je suis lente, mais j'avance.
moyennant quoi je viens à bout de cette troisième étape.
Mais à Barcelinhos, 
j'ai changé mon idée devant la très moderne albergue "les amis de la montagne".
Passée la porte sécurisée, en entrant, je me suis sentie comme en prison.
J'ai fait demi-tour vers le vieux dortoir (et la douche à peine chaude) du groupe folklorique local.


Le long de la rivière.


Et le dortoir qui me rappelle Embraud.


J'y suis seule jusqu'à la nuit tombée.
Quand arrive un couple d'Allemands avec un grand chien setter irlandais.
Ils se sont fait refouler de la magnifique auberge ...
Je tique un peu, c'est leur choix de voyager avec un chien, pas le mien.
En réalité, très égoïstement, j'ai envie d'être seule demain matin.
Ils devront donc, soit camper dehors dans le froid, soit marcher 5 km de plus vers le prochain hébergement, pas forcément plus accueillant.
Avec les mains essentiellement, l'hospitalero me fait comprendre que si je suis d'accord, 
ils peuvent rester.
Il fait nuit, il fait froid, je n'ai pas le cœur de dire non.
En allemand, je leur explique pour demain matin : j'ai besoin de temps, je me lève tôt.
Ils sont très compréhensifs et décident en plus de s'installer à l'étage du haut.
La nuit est très calme, leur présence apaisante.
Parfois le chemin nous renvoie juste à un peu plus d'humanité.




le blason d'une ancienne quinta en ruine


Doux aux pieds, les chemins sablonneux des premières forêts d'eucalyptus 


jeudi 26 mars 2020

Le grand confinement de Madame Nicole # 11 En attendant les gariguettes


Aujourd'hui j'étais de garde.
Pas de vélo.
Sortie de toute proximité, car en rentrant (avec un seul enfant...) je suis cuite.
C'est la charge mentale que représente la distanciation sociale.
Bal pour enfants donc.
Jour 11 : l'alouette est sur la branche  !
Ramène ta fraise si elle sait danser... (Si bête se reconnaîtra... )


PS. Il n'y aura pas de jour 12. Enfin si, il y en aura un, mais sans sortie chantée...

Caminho Portugues # 2 De Vila Cha à Saõ Pedro de Rates - Dimanche 23 février

Dernier tronçon littoral jusqu'à Vila do Conde, avant de repartir au nord-est, rejoindre le caminho historique, le caminho central, à Saõ Pedro de Rates.
Route difficile, signes vieille manière et frôlée par un tas de voiture du dimanche, pressées.
C'est le week-end du carnaval, apparemment très prisé des Portugais.
La fin est plus agréable, malgré les pavés qui tuent les pieds.
J'arrive dans une albergue avec deux hospitaliers, allemand et portugais.
Ivo oublie le timbre sur mon credencial, je ne m'en apercevrai que le lendemain.
Mais ils ont préparé une bonne soupe.
Tant mieux, j'aurais pas eu le courage de ressortir dîner.
Une ampoule à l'arrière de mon pied droit s'est arrachée.
Je partage le dortoir avec Sacha l'Ukrainienne mystérieuse, que je ne reverrai pas.
Et Emil, un néerlandais de mon âge, avec qui je ferai un bout de chemin.



Dernière pause de plage...


La senda littoral est belle. Mais le vent de face, le froid qui empêche de se baigner, la marche sur des planches de bois... au bout d'un moment deviennent ennuyeux...



Pause en bord de rivière. Laisser refroidir les pieds, vérifier les pansements...regarder la lumière.



Premiers paysages de campagne, avec des cigognes en patrouille.

Pas de coquilles, de vieilles flèches jaunes à flanc de poteaux...
Pas d'espace où marcher, la vigilance est constante et stressante.


Eglises recouverts d'azulejos 


Des havres liquides...

 La campagne prend des airs de douceur

J'espère que les cairns, sur le muret de pierres sèches, ne représentent pas les pèlerins fauchés dans le virage...