Voilà, aujourd'hui se termine mon tour des villes de l'Anneau d'or, Золотое кольцо.
Des kokochniks (clochers bulbes), des monastères, des cathédrales, et on recommence...
Si j'en ai eu marre ? Non.
Quand on en a vu une on les a toutes vues,...Non
Pourquoi ne pas se limiter à une ou deux au départ de Moscou, comme le font généralement les visiteurs de la capitale ?
Parce que je n'avais pas envie d'y passer deux semaines, alors que le pays est si grand. Je voulais voir des petites villes, la province, loin des vitrines de Peter et Moscou.
Alors bien sûr, elles ont des points communs : les églises, les monastères, les arcades...
Mais elles ont aussi chacune un caractère propre, à cause d'un lac, de la Volga, du décor champêtre, ou de leur passé industriel, et surtout de leur histoire.
Oui j'ai saisi beaucoup de ces cités États et de leurs princes rivaux, des conflits qui ont précédé, pendant près de mille ans, la fondation de la Russie moscovite, de la ferveur qui unit les Russes, de leur sentiment d'appartenance à un grand tout et de l'impact de la religion sur la vie politique, même après l'oppressante parenthèse soviétique.
Cela ne fait pas de moi une admiratrice. J'éprouve la même curiosité que quand je vivais aux États-Unis.
Je remarque cependant que les Français ont une image très datée de la Russie, caricaturale le plus souvent, soit exagérément romantique, soit haineuse. Elle ne correspond pas du tout à l'idée que s'en font la plupart des gens. Je me garderais bien d'avoir moi-même un avis tranché, dont mes compatriotes sont friands, spécialement ceux qui n'ont jamais mis les pieds dans ce pays.
Pour ce que j'en ai vu -le pays est grand et je n'en connais qu'une infime partie- , j'observe seulement qu'il y a ici une vraie classe moyenne qui vit, consomme, voyage, subit l'inflation, comme chez nous. Mais dont les gens de ma génération n'ont oublié ni les années portes closes, ni le chaos après l'effondrement de l'URSS. L'Europe aurait dû tendre la main, elle a tourné les yeux de l'autre côté, laissant la porte grande ouverte au libéralisme américain, venu soutenir le pays comme la corde soutient le pendu.
C'est une erreur lourde, et totalement datée, d'imaginer que Poutine soit encore au pouvoir parce que la population ne sait rien de ce qui se passe hors de ses frontières. C'est bien plus complexe que cela.
D'abord, dans cette partie de la Russie au moins, les gens, les jeunes comme les autres, sont éduqués, instruits, et occupés à travailler. Ils sont à la fois respectueux, discrets et curieux, ouverts, dès lors qu'on s'intéresse un peu. Ils aiment leur pays et ne passent pas leur temps à le dénigrer. L'Etat n'est pas dans l'assistanat, mais il permet aux plus modestes de se soigner, de faire des études. Des primes importantes sont versées à la naissance des enfants.
Avec les VPN que tout le monde a sur son téléphone, il est facile de s'informer en regardant par exemple les chaînes estoniennes en langue russe, ou en accédant aux réseaux sociaux. Finalement, quels sont les citoyens européens qui s'informent vraiment de ce qui se passe ailleurs et ne s'en tiennent pas à la voix officielle de la boîte à malheurs ? La-bas c'est pareil : les citoyens ont le nez dans le guidon, et ils pédalent pour avancer.
Sauf en zone frontière, on circule librement. J'ai publié tous les jours sur FB, il ne s'est rien passé, à part quelques publications avalées par le néant, sans que je sache si c'était du fait des autorités locales ou de Meta. Les magasins sont bien approvisionnés. C'est un pays en guerre et pourtant, assez incroyablement, on s'y sent plus en sécurité que dans pas mal de nos villes...
A Moscou, j'ai croisé quelques couples homosexuels, qui marchaient tranquillement dans la rue, mais on est à des lieux du quasi prosélytisme de la minorité "queer" occidentale. Cette retape incessante est interdite en Russie, ou elle est du reste très mal vue. La vie intime reste privée.
Alors entendons nous bien : ce que j'écris là ne fait pas du gouvernement russe un modèle de démocratie loin de là, ni des citoyens des nostalgiques de l'URSS. Mais nous, quel usage faisons-nous de cette démocratie ? Elle s'use parce qu'on ne s'en sert pas, tandis que nos institutions s'étiolent. Personnellement, la répression violente des Gilets jaunes, ou des opposants aux méga-bassines me laisse un souvenir très amer.
Mais c'est une grave erreur d'appréciation que d'avoir pu penser un instant mettre cette nation à genoux... Les Russes sont habitués à jouer avec les cartes qu'ils ont. Et ils n'ont pas le plus mauvais jeu.
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