Âmes sensibles s'abstenir...
Petite
mort
Très chère
Élisabeth,
J'ai
dévoré votre dernière lettre.
Je
sais que vous pensez à moi souvent, et que je compte tendrement pour
vous. J'en suis profondément touché, et croyez bien que je regrette
de ne pouvoir vous offrir plus que ces quelques lignes.
Vous
le savez, je ne suis pas libre.
Depuis
tout ce temps que vous m'écrivez fidèlement d'où que vous soyez,
vous m'abreuvez des nouvelles du monde et je m'autorise, à la nuit
tombée, à imaginer le parcourir à vos côtés, votre main dans la
mienne, délivré de toute entrave.
Sachez
ma douce, que vous n'êtes pas la seule à vous interroger sur mes
motivations. Mais c'est qu'elle me viennent d'un désir si intime et
si profond, qu'il me serait étrange de les partager avec qui que ce
soit.
Sauf
avec vous. Vous m'êtes si proche.
Alors
voilà, en y réfléchissant bien, je crois que c'est quand elle a
dit :
« Viens !
Viens maintenant... »
Elle a
soufflé ça les yeux mi-clos, et je sentais son corps tendu, son
ventre plaqué au mien. C'était compliqué de résister.
Pourtant,
je ne voulais pas. Pas encore, pas maintenant. J'avais peur, je ne
sais pas, de l'abîmer, de m'abîmer, de m'étouffer, de me perdre.
Elle
m'a saisi pour me guider en elle, et je me suis senti glisser dans un
fourreau humide et chaud. Je suis allé jusqu'au fond, comme aspiré
dans une vague dorée, un moment ébloui, puis je me suis ressaisi,
et je suis ressorti.
Elle a
gémi, dans un soupir : « Non, reste ! Viens
encore plus loin, plus profond ! » J'étais juste là, au
bord d'elle, prêt à basculer.
Il
s'en est fallu de peu. Elle avançait, se refermait, m'engloutissait,
mais quand je me sentais partir, je me retirais encore doucement.
Elle
souriait...
Elle
croyait que c'était un jeu, et elle voulait bien jouer.
C'était
ce que j'aimais chez elle, cette fringale de jeu qu'elle avait tout
le temps. Elle était toujours d'accord pour s'amuser. Une
légèreté d'âme incroyable, parfois obscurcie de l'ombre
d'anciennes blessures, qu'elle chassait d'un sourire, même après
avoir beaucoup pleuré.
Elle
n'ouvrait jamais les vannes devant moi, et j'étais à la fois
effrayé et envieux de cette force, cette détermination farouche à
effacer les orages d'un éclat de son rire.
Moi,
je sais faire semblant, elle c'était différent. Elle passait
vraiment d'un état à un autre, de la nausée d'un soir d'automne, à
l'appétit de vivre au petit jour, acceptant le chagrin comme il
venait, et le laissant la quitter par ses yeux, avant de regagner le
rien d'où il était venu.
Elle
était sincère en riant, elle était sincère en pleurant, elle
était sincère en m'aimant.
Mais
moi, non ! Non, je ne voulais pas aller aussi loin, et ne savais
pas comment le lui dire.
Moi,
ce que j'espérais, c'était absorber un peu de cette force. En
goûtant la tendresse charnue de ses lèvres, j'attendais ce moment
délicieux ou j'introduirai ma langue pour savourer la sienne. Son
corps vacillerait entre mes bras, comme affaiblie de m'avoir nourri
de sa vitalité.
Elle
était belle à croquer. Chaque jour, j'étais fier de
l'attendre à la sortie des cours, et de guetter les regards affamés
des autres sur ses hanches qui n'ondulaient que vers moi.
Pour
autant, je restais prudent, je ne la consommais qu'un peu à la fois.
Très doucement, avec précautions, je la dégustais du bout des
lèvres.
Elle
aimait prendre mon sexe dans sa bouche, alors j'écartais ses cuisses
et je m'y plongeais goulument. Plus ma langue l'explorait, plus je me
sentais fort, grand, plein d'énergie. Tout le contraire de ce que je
suis.
Mais
tandis qu'elle se cambrait, emportée de soubresauts, je profitais de
son inattention pour me retirer de ses lèvres. C'était une sorte
d'accord tacite, je n'allais jamais jusqu'au bout et je ne la
pénétrais jamais non plus. J'aurais eu l'impression de commettre
l'irréparable.
Cet
après-midi là, il avait fait très chaud, et elle était restée
pantelante entre mes bras, dans la torpeur d'un crépuscule qui
flamboyait encore derrière les carreaux. Je ne me sentais pas dans
mon assiette, et je n'ai pas compris tout de suite ce qu'elle voulait
quand elle est venue sur moi avec son air gourmand.
« À
ton tour maintenant ! »
Ce
fut comme une bataille. Sa bouche glissait sur ma peau avec avidité,
ses doigts me palpaient, plus elle m'attirait en elle, et se resserrait sur moi, plus je la sentais se délecter de ma chair. Elle
a glissé sur le côté, m'a attiré contre sa poitrine. J'entendais
son cœur battre si fort que j'ai cru un instant qu'il pompait mon
propre sang.
Je
ne pouvais pas la laisser continuer à se repaître ainsi.
C'est
à ce moment, je crois, que j'ai décidé de lui offrir le festin
qu'elle attendait, et de ne pas en perdre une miette.
Le
torse emprisonné entre ses jambes, j'ai réussi à glisser mes mains
sous ses fesses, et je me suis enfoncé violemment.
Elle
a crié.
Elle
était bonne.
J'ai
mangé son cœur et ses yeux en premier.
Si
j'avais eu un congélateur, ils ne m'auraient jamais retrouvé.
Tendrement,
votre
Aiichirō
7 commentaires:
ahh je ne m'attendais pas à cette fin là !
tout ton talent pour les nouvelles d'ailleurs
nous tenir en haleine et surprendre jusqu'au bout
(à ne pas lire au 2e degré svp!)
bravo
(bon si à minuit je me réveille hein je t'appelle !!!)
ps 3 coquilles
elleS ne (elle ne)
où (ou)
goulûment(u)
à relire pour apprécier (j'allais écrire déguster! après la lecture goulue (!) de la découverte
Euh, je passais juste avant de dormir...
Je crois qu'il va falloir que je lise un peu avant !
Ah ben j'avais prévenu hein...
Oui, mais c'était trop dur de pas lire... ;)
Mais la prochaine fois, je saurai à quoi m'attendre !
(enfin, je souhaite pas une prochaine fois, mais, juste au cas où toi si... ;) )
J'ose pas comprendre ce que j'ai cru comprendre :)
Alors, finalement, un bon congélateur, c'est aussi très utile, en plus du lave-vaisselle et du sèche linge.
mais ça c'est historique : c'est ce qu'avait dit l'étudiant japonais qui avait stocké et consommé sa camarade de fac...
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