jeudi 2 décembre 2010

L'amer d'ici

Comment en sommes-nous arrivés là ?
Je ne sais pas trop. Mes chacras qui se sont un poil trop ouverts sans doute …
Ce dont je me souviens c'est que j'avais le moral en berne et que j'ai pris ma voiture comme ça, sur un coup de tête. Une envie soudaine et irrépressible d'aller voir la mer.
En plein cœur de l'hiver, oui.  En plein cœur, tout simplement. Ce qu'il y a c'est que je voulais prendre un petit déjeuner face à l'océan, et que je savais bien qu'il ne me proposerait jamais une  pareille folie douce, de celles qui vous font comprendre que oui, celui-ci, c'est bien LE prince charmant. Mais ce n'était même pas la peine d'en parler.
Du coup, ça n'a pas traîné.
Galvanisée par la vision de son survêtement en rayonne soigneusement pendu sur un côté de l'armoire, j'ai fourré deux trois fringues dans mon sac de voyage, et je suis partie. Il n'a rien vu, il regardait le journal de FR3. Surtout, ne pas rater la météo, : c'était le maximum de sensualité qu'on pouvait espérer désormais, d'une soirée à deux.
Arrivée sur le parking, pendant que je farfouillais dans mon sac à la recherche de ce satané trousseau de clés, il a ouvert la fenêtre, et a crié, depuis le quatrième étage : « Tu vas où ? ».
J'ai haussé les épaules, et j'ai crié pareil : « Ne m'attends pas pour dîner, je te quitte ! ».
Après, j'ai roulé. La voiture avalait le bitume, comme si elle connaissait la route. Les ombres du paysage nocturne défilaient, celles de mes pensées aussi. Je me suis laissée assaillir, j'étais un peu en pilotage automatique.
Je revoyais tous les hommes qui avaient traversé ma vie. Un bout de chemin, rien d'autre.
Parfois, il m'arrive de demander à une copine : « Mais comment sais-tu que tu l'aimes ?». La réponse n'est jamais très claire, jamais évidente. Elles ont toujours des tas de raisons, un faisceau d'indices en quelque sorte. Plein de petites choses précises, et précisément aucune qui soit décisive. Peut-être justement, que c'est parce que l'amour devrait être une évidence, et ne se nourrit pas d'explication.  De quoi se justifier quand on aime ? On aime, c'est tout. Ce qui est certain, c'est que moi, je ne les aimais pas ces hommes. Enfin pas comme j'imagine l'amour. Mais je n'avais pas le courage d'être seule, face à moi-même, et finalement, je n'étais pas, non plus, si mal accompagnée. On se tenait la main un moment, et sûrement que c'était ce dont, l'un comme l'autre, avions besoin à ce moment.
A force d'aller trop vite, j'avais perdu beaucoup de temps. Et ça, vraiment, ça ne pouvait plus durer.
A un moment, j'ai entrevu le cul blanc d'un chevreuil, j'ai réagi par une embardée, les mains crispées sur le volant. La montée d'adrénaline m'a remise d'équerre. Je me suis dit que, si j'avais revu toute ma vie sentimentale, c'était peut-être que j'allais mourir ? Mais il manquait tout le reste. Alors, j'ai continué ma route avec une conscience accrue et ce fut comme si je prenais aussi conscience de moi-même. C'est dans cet état proche de l'éveil que m'a trouvée le petit matin.
Je n'avais rien emporté de consommable, même pas une thermos de thé. J'avais faim, soif, envie de faire pipi, et on était encore loin de la mer. Le petit déjeuner dans les embruns, c'était pas gagné.
J'ai emprunté la sortie, et je me suis dirigée vers ce grand mur de pierre de granit, animé d'une petite chute d'eau, souligné d'une ligne pointillée de semi-remorques, qui se détache comme une forteresse sur le ciel laiteux -la neige attendait son heure- et qu'un panneau annonce comme l'aire des monts de Guéret.
Je me suis garée sagement, dirigée vers le hall. C'est étrange ces aires de repos la nuit. Tu quittes un moment ta route solitaire, le tunnel obscur de ton parcours dans la lueur grise du petit jour, et tu t'engouffres dans un flot de lumière artificielle, tu croises des gens qui passent sans te voir, et que tu ne calcules pas non plus. Tu sais que tu ne les reverras jamais.
En tout cas, d'habitude, c'est comme ça. Tu ne les revois jamais.
Mais là, quand j'y repense, je peux dire que, c'est exactement quand j'ai franchi la porte, et qu'ils se sont inscrits dans mon champ de vision, oui là, que tout a commencé.
Déjà, j'en connaissais un, au moins.
Et il n'avait rien à faire ici.

3 commentaires:

Barbara a dit…

c'est bien écrit mais c'est pas gai ton histoire

réelle ou fiction ?

ds le premier cas boncourage ♥

Madame Nicole a dit…

tu peux me souhaiter bon courage
pour la fiction aussi
c'est pas si facile d'écrire ...

Barbara a dit…

oui c'est vrai d'autant que c'est vraiment bien écrit (malheureusement pour nous dans les moments diff on écrit mieux aussi ...)
bisous
sincèrement ♥