Hier encore,
sur la route de Bâton Rouge,
pour une journée de formation
je me disais que le bayou c'est beau,
mais c'est loin de tout ce pourquoi je suis venue ici.
Hier, donc,
je me suis renseignée sur l'éventualité d'un transfert pour la deuxième année.
Et j'ai compris qu'il y a moyen de moyenner.
Hier à la conférence, j'ai appris que la langue, c'est comme la terre en Louisiane.
Elle s'érode.
La terre wetland, c'est 40 km2 de moins par an.
Merci l'industrie pétrolière et gazière qui les fait vivre et les enterre...
La langue pareil.
Mais hier j'ai aussi fait une toute petite chose qui,
je le sais, va changer tout de suite ma vie ici.
Je me suis achetée un vélo.
LE vélo californien dont je rêvais,
quand même le modèle avec les freins au guidon.
Ici on trouve généralement celui que les frenchies pensent être sans frein,
mais qu'en vrai, il est au pédalier.
Tu pédales en arrière, tu freines.
Une roue libre d'inattention, et hop...rapatriement
Pas pour moi.
J'irai désormais à l'école à bicyclette.
Hier, en revenant avec mon deux roues dans le coffre de la chevrolet,
j'ai passé en revue toutes les autres petites choses que je peux changer
pour profiter à fond du bayou,
que je doive y rester ou pas.
Et j'ai fait une liste :
- acheter un enregistreur vocal qui sera financé par le consortium adossé au Codofil,
le confier aux enfants qui le souhaitent,
pour collecter auprès des grands parents francophones -c'est le bayou, il y en a beaucoup-
de vieilles chansons de leur enfance,
des comptines, des jeux de doigts...
- imprimer des photos d'animaux locaux, et pareils, demander aux enfants de collecter les noms louisiannais.
- rencontrer des indiens Houmas, la communauté qui parlent encore le plus français ici.
- aller voir une personne dont j'ai le contact, dans le village à côté, pour voir si elle pourrait me donner des cours de cadjin.
- venir à bout du petit fond de la bibliothèque locale (à portée de vélo, hé hé),
avec ses recueils de chansons, d'histoires...
- faire du tourisme local pour explorer les alentours déjà
- contacter le Bayou journal pour proposer de courts articles en français (les cadjins ou les créoles parlent français mais sont rarement lecteurs/scripteurs, puisqu'ils n'ont pas appris)
Bref,
oublier tout ce que je n'ai pas parce que je ne suis pas en ville,
et profiter à fond de ce que j'ai et que je n'aurai plus si je suis transférée.
Et ça me rend très joyeuse.
Comme le jardin par exemple (avec son mignon petit lapin qui a boulotté tous les choux,
mais qu'aime pas les tomates et le basilic.
Les petits pois ont survécu.