Sans titre pour l'instant...
- Voilà ! C'est pour toi !
Campée devant lui, les poings sur les hanches, elle le regarda avec cet air faussement narquois et vaguement grave qu'elle arborait souvent.
Il n'en crut pas ses yeux.
- Où t'as trouvé ça ?
- Là-bas, au fond du terrain vague. tu sais, ils en ont laissé plein.
- Oui, mais j'en ai jamais trouvé en aussi bon état.
- Et c'est pas tout, regarde !
Elle actionna la poignée, l'engin se cambra comme une bête, dans une joyeuse et indécise pétarade; puis, le moteur se mit à ronronner doucement.
Il ouvrit des yeux grands comme des soucoupes, surpris et un peu affolé aussi :
- Arrête ça tout de suite ! T'es pas folle ? Si on nous entendait ?
- Bah, ils sont tous partis chercher à bouffer, t'inquiète...
- La benzine, où tu l'as trouvée ?
- Il y en a plein aussi je te dis, une dizaine de bidons au moins.
- Mais c'est pas possible. J'ai exploré chaque recoin de ce terrain, et je n'ai jamais rien vu, que des carcasses rouillées, mêmes pas bonnes pour la récup de pièces. Montre-moi !
- OK, as you want. Très déçue je suis. Moi, ce que je voulais, c'était faire une balade, assise derrière toi, collée contre ton dos. Tu sais, comme dans ce vieux film indien qu'on a vu l'autre fois. Mais t'en as pas envie apparemment.
- Stupid girl ! Bien sûr que si, mais plus tard.
Elle avait l'air déçu, et il détestait la décevoir. Il lui attrapa un poignet, l'attira contre lui, déplia délicatement son poing serré, et embrassa tendrement la paume de sa main.
- Je te promets qu'on la fera cette balade rien que tous les deux. Quelque chose ne va pas, viens !
Elle avait coupé les gaz. Il planqua la mobylette sous l'escalier, tira la porte et claqua le verrou, avant de l'entraîner sur le parvis.
La main de Żywia toujours emprisonnée dans la sienne, il commença à gravir l'éboulis de l'ancienne tour. Il la lâcha de l'autre côté de la butte, pour dévaler les blocs de pierre, et elle le suivit en sautillant, sans jamais perdre l'équilibre malgré l'instabilité du chaos de gravats.
Ils traversèrent ce qui avait dû être une école autrefois. Quelques lambeaux de dessins d'enfants délavés s'accrochaient encore à des débris de vitres, et un tricycle rouillé, tombé sur le flanc, comme endormi, semblait attendre, pour s'animer, qu'une petite fille vienne l'embrasser.
Mais des enfants, on n'en voyait plus guère, et même les jeunes comme eux commençaient à faire figure de rareté.
Ils contournèrent la piscine asséchée, à demi effondrée, colonisée par un fatras de ronces et de lianes enchevêtrées.
Caleb, parfois, croyait se souvenir du plaisir de la fraîcheur de l'eau, et de la voix de sa mère qui l'encourageait au moment de plonger. Ce n'était pas un vrai souvenir, pas comme celui de la première fois où il s'était allongé à côté de Żywia par exemple. Plutôt une image fugace qui le faisait balancer entre la résurgence d'un passé réel et familier, et un fantasme nourri du désir d'insouciance qui aurait dû encore l'animer à son âge.
- Amène-toi, c'est par là.
Elle avait de nouveau confié sa main à la sienne, et elle l'entraîna joyeusement, avant de s'engouffrer sous une arche de béton. Elle réapparut de l'autre côté, en dévoilant son trésor, jusque là dissimulé par une vieille bâche.
- Tu vois ! Qu'est-ce que je te disais ?...
Caleb n'était pas tranquille.
- Chut, fais moins de bruit. Je suis absolument certain que ce n'était pas là la dernière fois que je suis venu.
- D'accord, je te crois. Mais écoute, on va juste en prendre un bidon, et on file.
- Non, si on prend un bidon, ça va se voir, et en plus, on ne peut pas le déplacer à deux, c'est trop lourd. C'est mieux que je revienne tout seul en siphonner un peu. Allez, on se casse maintenant.
Ils repartirent dans l'autre sens, en essayant de se faire plus discrets.
- Tu sais quoi ? La mobylette, on va aller la planquer près de la vieille route, celle où personne ne va jamais. Comme ça, quand on voudra aller se promener, on n'aura pas à l'exhiber devant tout le monde. Qu'est-ce que tu en penses ?
- Tu sais bien que je suis toujours d'accord avec toi pour ces trucs là. Mais faut qu'on se dépêche, les autres vont bientôt revenir.
Depuis quelques temps, la nourriture se faisait plus rare, ils étaient obligés d'aller de plus en plus loin, pour fouiller les ruines et rapporter des trucs pas terribles mais nourrissants.
- J'ai pensé à un truc un peu fou, lança Żywia. Avec la mobylette, puisqu'on peut sortir de la ville, on pourrait se trouver un petit bout de terre à cultiver.
- Cultiver ? Tu sais faire ça toi, cultiver ?
- Non, mais je me souviens que mon grand-père le faisait. Et puis on pourrait trouver des livres là-dessus non ?
- Tu sais bien que les livres sont interdits. Ils sont mauvais.
- C'est pas vrai, ils disent ça parce qu'ils ne savent pas lire. Mais moi je sais, ma mère m'a appris, et je peux t'apprendre aussi si tu veux.
- Il faudra des outils aussi...
- On en trouvera, il faut juste chercher aux bons endroits. Caleb, cultiver, c'est être sûr d'avoir à manger. Un jour, c'est sûr il n'y aura plus rien de comestible dans les ruines. Et puis, je ne veux plus dépendre du groupe, leurs règles ne me plaisent pas.Tu me suivras ?
- J'irai où tu iras, tu le sais bien.
3 commentaires:
Atmosphère d'après catastrophe…
J'expérimente une nouvelle façon d'écrire : je laisse venir, et je n'ai aucune idée de la fin.
Mais, tu as raison, c'est post catastrophe.
Tu as bien raison de laisser venir, "ça" vient bien !
Tes descriptions de paysages me parlent tout de suite. Je pense à un album de photos "Petites agonies urbaines"...
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