Je veux savoir.
Je veux savoir ce qui va se passer
maintenant.
Il n'est pas loin pourtant, juste à
portée de main. Il suffirait de tendre le bras pour renouer avec le
dénouement.
J'aurais dû faire comme d'habitude.
Commencer par la fin.
C'est malin !
Maintenant, je suis là, à
un bras à peine de l'épilogue, et c'est comme si un océan nous
séparait. Un océan de ténèbres et de voiles, un océan
d'interdits. J'entends le souffle de mon frère, là-bas de l'autre
côté de la chambre, autant dire sur un autre continent. Il ronfle
un peu. D'habitude, ça me berce. Mais là, ça m'agace. Il dort.
Comment peut-il dormir pendant que l'autre court encore ?
Il faut que je sache.
Je me tourne et me retourne dans la
moiteur des draps déjà trop chauds.
Pour ne pas suffoquer, je dévire
l'oreiller, il est plus frais de l'autre côté, celui qui n'est pas
encore marqué de l'empreinte de ma joue.
J'ai peur de sombrer dans l'océan
tiède de notre chambre. Mon lit est comme un radeau, à une toute
petite encablure de l'île au trésor, de ces pages pas encore
tournées, de ces lignes pas encore lues.
Tant qu'on ne les a pas lues, est-ce
qu'elles ont vraiment été écrites ?
Je tends la main dans l'obscurité, mes
yeux se sont habitués à la pénombre, mais je les garde fermés. Si
je ne vois rien, je sais que ne me ferais pas prendre. Mes doigts
s'insinuent sous la couverture, rampent sur le drap, retrouvent
soudain l'air du large, balaient l'espace au-delà de mon
embarcation, avancent à tâtons sur le rivage, débarquent sur le
lieu du crime, harponnent finalement le pavé de papier. Mon bras est
une gaffe, qui ramène contre mon cœur, les pages naufragées.
Je retiens mon souffle.
Argh ! C'est le pas de mon père
dans le couloir. Il va, il vient. Pourquoi ne va-t-il pas se
coucher ? Je l'entends ouvrir la grande fenêtre du salon. C'est
bien le moment d'aller prendre l'air sur le balcon !
J'entends les cordages se tendre sur le
pont.
On est vendredi.
C'est jour de lessive.
Il vient de tirer le séchoir à enrouleur pour étendre le linge.
Il s'en retourne à la cuisine. Son pas
encore, puis un petit hublot de silence. Le moment est venu.
Je débarque à bas de mon lit, mon
homicide toujours serré contre moi. De ma main libre, j'ouvre la
porte de l'armoire, farfouille derrière les chaussures. Ça y est !
Je l'ai ! Nage libre jusqu'au radeau, le cœur en accélération.
Le balcon se referme, les pas se rapprochent, ça tangue un peu.
Je me contorsionne pour tirer les draps
sur ma tête et m'installer à plat ventre. J'allume la lampe :
je suis sauvée, voilà les secours...
------------------
Une consigne d'écriture, la mémoire d'un moment de lecture,
et 45 minutes pour produire ce texte.
Puis, tout le reste de l'après-midi pour découvrir ceux des autres.
Il y avait deux toutes jeunes filles, et j'ai été profondément touchée par le présence et leur texte.
Deux autres sessions
toujours à la médiathèque de Guéret
le 26 avril et le 17 mai.
Ne pas hésiter à se faire mettre sur liste d'attente, c'est comme ça que j'ai eu la place.
05 87 63 00 08 / contact@bmi-gueret.fr
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L'animateur, c'est
Fabien Bouvier,
auteur-compositeur aussi
de l'association Les Serruriers Magiques
Allez voir leur site là.
C'est vraiment chouette leur travail.
Si j'ai bien compris, c'est lui qui a écrit cette chanson,
qui me fait penser que,
tant que mes doigts pourront faire courir la plume,
ma chandelle ne sera jamais morte.
2 commentaires:
♥
et je te souhaite une semaine ensoleillée de rencontres
C'est joli, émouvant, magnifique!
L'envie d'écrire!
Florence
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