mercredi 5 février 2020

La grossitude ça n'existe pas #18 L'obésité : quand le corps crie justice


Un de mes petits cousins vient de subir une sleeve. Un contournement de l'estomac pour que la nourriture passe directement dans son intestin. Il sera comptabilisé dans les 68 000 interventions annuelles de chirurgie bariatriques. 70% de taux d'échec à 5 ans... Une violence faite au corps, pour qu'il redevienne "normal". dans un monde où l'obésité est considérée avant tout comme la résultante d'un manque de volonté. Dans un monde où, 30% des gros ont été victimes de violence sexuelles ou physiques. Dans un monde où la dénonciation d'abus sexuels est encore trop souvent perçue de prime abord, comme une affabulation.
Je sais que c'est ce qui m'attend.
La fameuse "famille", celle des cousinades et des grands discours,
dira que je suis folle, que j'invente.
Elle protégera l'agresseur, qui croyait lui-même qu'une enfant de cinq ans ne se souviendrait pas.

Pourtant je ne veux pas que l'un de nous meure avant que justice ne soit faite.
Sous quelle forme, je ne sais pas.
Je croyais avoir pardonné, et que ce pardon me sauverait.
Mais c'est devenu comme une urgence vitale pour moi.

Depuis que le destin a mis sur ma route un enfant à la mémoire dissociée,
qui m'a renvoyée à ma propre amnésie traumatique.

Lorsque l'on subit un grave traumatisme, sous l'effet de la terreur et du stress, la production d'adrénaline et de cortisol est si forte qu'elle pourrait provoquer un arrêt cardiaque.
Alors le cerveau se met en mode survie : il protège en priorité lui-même et le cœur et fait disjoncter les circuits. C'est une véritable anesthésie émotionnelle, qui s'opère par production de morphine et de kétamine-like.
C'est ce qu'on appelle la dissociation : le corps est présent, l'esprit détaché.
L'amygdale va stocker, comme dans une boîte noire, tous les faits tels qu'ils se déroulent. Court-circuité, l'hippocampe ne pourra pas les engrammer dans la mémoire autobiographique.
C'est le trou noir salvateur. Mais ils sont encore là...
Et quand ils resurgissent, intacts, bien moins déformés qu'un souvenir conscient narratif, dix, vingt, trente ou quarante années plus tard, ils sont généralement prescrits, il n'y aura pas d'action judiciaire. Ou alors à grand peine...
Tandis que le traumatisme occulté a fait son oeuvre : de sérieux dégâts sur la santé.
De la victime bien sûr.
Et la conduit parfois à se remettre dans des situations de danger, puisque son esprit reste ailleurs...

Plus cette victime est jeune, plus l'agresseur est un proche, plus l'agression est répétée, et plus la dissociation et les troubles associés sont sévères.
Curieusement, l'amnésie est plus souvent partielle dans les cas graves.

Faut-il remuer le passé ?
Vaut-il mieux laisser retomber la boue et nager dans les eaux claires de surface, ou nettoyer à grand peine cette vase qui trouble la fontaine ?

De la peine, j'en ai beaucoup.
Pourquoi avoir survécu si c'est pour vivre une existence empoisonnée ?


3 commentaires:

Barbara a dit…

à chaque fois que tu en parles j'ai mal pour toi devant la violence des mots du corps du traumatisme
pardonner oui oublier non jamais
je pense que tu ne "peux "pas le laisser enfoui; il "faut" que ça sorte
que tu t'exprimes à nouveau au grand jour, que ce soit reconnu pour que tu sois reconnue et puisse enfin suivre ton chemin
enfin je m'exprime sans doute mal
je ne dois pas avoir les mots juste(et je me réveille là !!)
mais vraiment vraiment j'ai mal pour toi et je souhaite que tu trouves tes réponses et les solutions
je te serre fort contre moi
et merci

Eveillée a dit…

Oui
"Faut-il remuer le passé?"
ou parler pour prendre corps?
Super, Coline, tout ce chemin ... ces chemins.

Barbara a dit…

la présentatrice du JT samedi 13h sur France2 a montré cette couverture en s offusquant que celle ci ait été interdite sur FB et twitter appelant à lire l'article et refuser les ségrégations préjugés et autres