jeudi 28 mai 2009

La honra (1)

Parfois, la vie, ça fait comme quand on jette un caillou dans l'eau.
Une chose se répète et puis une autre.
Des aventures prennent un tour familier, et se répercutent, en cercles concentriques, à l'infini de notre histoire.
C'est beau, et ça fait peur.
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Elle est jeune.
On est en 1800 quelque chose, en Espagne.
Elle est belle.
Dans le soleil, sous ses dentelles, sa peau de lait prend de pâles reflets d'opales.
Dans ses yeux sombres, parfois, une étincelle laisse entrevoir sous les paupières dignement baissées, une braise prête à s'enflammer dans une passion brûlante. Elle a ce port altier que le sang délicatement nourri donne aux filles d'hidalgos. Nourrie à la poésie, éclairée de musique et baignée de l'histoire, elle est déjà promise à l'avenir qui lui dicte de s'allier dans sa lignée.

Et puis un jour, elle le croise, lui, l'homme noir. Noir du costume que lui taille son chagrin de veuf, plus très jeune, le cou un peu raide dans le col guindé de sa chemise blanche.
Il a deux garçons, bruns et sombres comme lui.
L'épousaille est interdite, alors il fait la seule chose possible quand on s'aime vraiment et qu'on n'est pas du même monde : il l'enlève.
Dans un grand scandale de déshonneur, elle s'enfuit avec sa cassette de bijoux.
Pour la famille, c'est la renégation de la fille perdue, celle qui leur a fait perdre la honra.
Mais ils partent pour l'Algérie et elle lui donne deux filles et prend ses fils pour les siens.
Et c'est l'amour, et l'oubli du noir, juqu'aux grand malheurs.
Vient un jour le bateau qui enlève les fils pour toujours, et les emmène à la guerre à Cuba. Deux demi-frères qu'on ne reverra plus.
C'est le premier déchirement.
Et puis sa mort à lui, qui la laisse seule, dans le dénuement, avec juste ses bijoux pour survivre.
Et elle pense, jusqu'à son dernier jour, qu'elle paie le prix de la honra.

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