vendredi 3 septembre 2010

Frères d'âmes

 

- C'est où le Burundi ?
- En Afrique centrale, à côté du Rwanda.
- Ah bon ? Mais alors pendant la guerre au Rwanda, il ne s'est rien passé chez vous ?
- Oh oui, la même chose, les mêmes ethnies, la même guerre après l'assassinat du premier président élu démocratiquement. Mais ça n'a pas été retenu comme génocide.

- ........
 - Ils ont exigé qu'on se sépare, Hutus et Tutsis, mais dans mon lycée, on a eu de la chance, ça ne s'est pas fait vraiment. Il y avait des tensions oui, mais on ne s'est pas jeté les uns sur les autres. Certains ont pu quitter l'internat, parce que leur famille est venue les chercher, d'autres non.
A la télé, j'avais vu la colline de ma maison brûler ; je ne savais pas où était ma famille.
Et puis un jour, le préfet des études nous a réunis, il a dit que, de toute façon, ils allaient venir nous exterminer dans l'école, et que ceux qui voulaient tenter de partir la nuit le pouvaient. Alors je me suis dit, au moins je veux mourir dehors. On est parti, on marchait comme ça dans la rue, l'air de rien. On a croisé les camions de ceux qui venaient pour le massacre, on est passé comme ça dans la nuit, en chantonnant. Ils ont dit : "ceux-là ce sont des fous, ils n'ont aucune chance, ils n'iront pas loin." C'est comme ça qu'on s'est sauvé.
(là j'ai ri, un bon coup, le temps de ravaler mon émotion, parce que la vie quand même, quand elle gagne, c'est vachement beau, oui)
Aussi, je me suis déguisée en paysanne, parce que souvent, ils massacraient d'abord les intellectuels, les étudiants, alors en paysanne, tu avais une chance.
Oh oui, combien de fois j'ai couru dans la nuit, dans le noir. Combien de rivières rouges de sang j'ai traversé, moi qui ne savais pas nager. Combien de camarades j'ai vu tomber à côté de moi, en courant, ou dans le bus. On arrivait, on était plein de sang, on ne savait pas si c'était le nôtre, étonnés encore d'être vivants. Comment j'ai échappé à tout ça, aux viols, aux bombes, je ne sais pas.
J'avais 18 ans.
On avait travaillé dur pour la maison qu'on venait de faire construire. Elle a été brûlée. J'ai voulu aller voir quand même, mais il ne restait rien, pas une pierre, rien.
Ma mère, elle voulait garder les clés de la maison, mais finalement, elle a soulevé un petit buisson, et elle les a laissées là-dessous, et là, j'ai compris qu'on ne reviendrait pas.
Je ne voulais pas fuir le pays non, il ne fallait pas que tout le monde parte.

Alors,
dans tout ça
quand même
elle a eu son bac
et fait des études 
là-bas
et elle a retrouvé ses frères et sœurs (mais veuves)
sa mère
mais pas son papa,
qu'ils n'ont même pas pu enterrer
et puis elle me dit
qu'aujourd'hui encore
la situation n'est pas vraiment réglée.
Du coup
les petits soucis de rentrée
franchement
m'appesantir dessus
ce serait nul.


 
Frères à la vie, à la mort
envoyé par peace4all. - Plus de vie étudiante en vidéo.



1 commentaire:

Anonyme a dit…

Relativiser con tribu parfois
à revitaliser son existe stance.Faire des études et réussir, dans ces circonstances: quelle leçon de vie!