Choquée oui.
Touchée oui.
Inquiète pour mes amis, évidemment oui.
Mais certainement pas surprise.
Si, depuis les années 80, tu as vu changer la banlieue où tu vivais, à Gennevilliers, quelques encablures de Saint-Denis, tu peux pas être surprise.
Si tu as quitté ce ghetto pour respirer mieux en 1999, tu peux pas être surprise.
Si tu as lu "Les territoires perdus de la République" en 2002, tu peux pas être surprise.
Si tu as travaillé sept ans en prison, tu peux pas être surprise.
Si tu as aussi enseigné le français à ceux qui ont fui leur village pour ne pas subir le sort des ces 200 gamins pakistanais tués dans leur école l'an dernier, tu peux pas être surprise.
Si tu t'es interrogée souvent sur le petit racisme ordinaire du quotidien, tu peux pas être surprise.
Et si parfois, depuis quelques années, tu t'isoles quelques jour du flot continu d'informations, c'est que tu t'attends toujours au pire.
Et tu sais donc que ce n'est pas que le début.
Tu sais que c'était engagé depuis longtemps, et tu te dis que,
même face à un phénomène tentaculaire, et international,
la France aurait pu rester douce à elle-même si chacun, au quotidien, à commencer par l'école,
ne jugeait pas en permanence au lieu de faire de l'égalité et de la fraternité une réalité quotidienne.
Il faudra maintenant encore plus de d'amour et de patience,
et encore moins de jugements à l'emporte pièce,
pour traverser une période de fortes turbulences.
Encore plus d'éducation, encore plus d'effort sur le langage de ceux qui sont nés ici et ne parlent pas notre langue.
Un peu plus d'autorité, et beaucoup moins d'autoritarisme.
Pis je le dis clairement.
Je ne me sens pas particulièrement fière d'être française.
Disons plutôt que j'en suis très heureuse.
Heureuse d'avoir eu la chance d'y naître, d'y grandir, d'y aller à l'école, d'y être soignée quand j'étais malade.
D'y être pauvre et malgré tout de n'avoir connu la faim que très temporairement.
C'est pourquoi, sur mon profil FB, j'ai pas pris le voile tricolore.
Je dis pas ça contre ceux qui ont choisi de porter nos couleurs.
Juste qu'à ce moment, je me suis sentie mieux représentée par les drapeaux en berne.
C'est ma tristesse devant tout ce gâchis.
photo AFP - Philippe Demaze - 2012
Ça me fendra le cœur, mais déjà je n'imagine pas être sauve au loin, si mes enfants ne le sont pas dans mon pays.
Et surtout, je crois que c'est l'heure de regarder devant pour voir ce que chacun peut faire, qui fasse un peu bouger les lignes.
Le battement d'ailes du papillon.
7 commentaires:
malheureusement même raisonnement
mais heureusement aussi même conclusion action espoir confiance
Je mets un lien vers ce texte (trouvé ce matin en lien chez Caroline).
Je le trouve très pertinent et j'ai été touchée par la façon qu'elle a de réagir, de voir le monde, de rencontrer les gens...
http://blogs.mediapart.fr/en/blog/sarah-roubato/201115/lettre-ma-generation-moi-je-nirai-pas-quen-terrasse
Bon je ne sais pas mettre en lien mais le coeur y est !
Merci Geneviève très bon article vraiment.
Je suis heureuse de lire ces propos d'une fille de 30 ans, soient 25 de moins que moi.
Le genre de propos qui me donnent confiance dans l'avenir.
J'aime quand elle dit "si on est attaqué pour ce qu'on est, on ne peut pas grand chose.
Mais si on est attaqué pour ce qu'on fait, alors on a plusieurs leviers d'action."
c'est drôle, dans ce drapeau en berne, je ne peux m'empêcher de voir une coiffe alsacienne...
Et moi, le premier drapeau en berne que j'ai vu, c'est sur cette photo de Coline (sur FB), et j'y ai vu un noeud "louisiannais" (comme ceux que les filles de ton école portent dans les cheveux, Coline)...
(Oui, je sais, je manque de culture, je n'avais jamais vraiment vu de drapeau en berne... C'est quand j'ai vu le même noeud sur tous les autres drapeaux que j'ai compris ! oO ... Mais bon, au moins j'avais l'impression que vous étiez un peu là avec nous !)
C'est drôle, je me suis dit la même chose que Gren, et c'est sans doute pour ça que j'ai choisi ce cliché de drapeaux en berne...
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