Qu'en anglais on dit plutôt "laisser aller",
mais probablement qu'on n'utilise pas cette expression à cause de son double sens dans notre langue.
Bref, c'est cette image du singe qui bondit pour attraper une orange,
et se retrouve coincé dans les airs, parce qu'une fois son poing refermé,
sa main est coincée derrière les barreaux, et l'empêche de redescendre.
Oui, le singe a choisi l'orange prisonnière d'une cage....
Il s'agrippe, il s'énerve, il a le nez sur les barreaux qui le retiennent,
alors il ne voit pas.
Il ne voit pas l'orangeraie tout autour de lui, il a mal, il a peur, il ne lâche pas.
C'est marrant parce que quand on commence une méditation, normalement on fait
Shamata.
En portant attention sur sa respiration, on calme le singe qui est en nous,
le singe de la pensée qui se jette partout.
Moi, quand je coussine, je l'imagine souvent allant s'asseoir tranquillement.
Mes ces derniers temps, j'arrivais pas à l'attraper,
et quand je le chopais, il hurlait "Au secours" sans discernement.
Impossible de reprendre mes esprits.
Maintenant mon singe, il lâche l'orange,
et il va s'allonger dans un hamac tendu entre deux orangers.
Ces barreaux, cette prison, ça peut être plein de sentiments, d'émotions,
le passé qui ressurgit, le futur qui nous angoisse,
les non dits,
la peur qui nous conduit à essayer de garder le contrôle au lieu du cap.
Et qui nous fait souffrir.
J'ai lâché l'orange.
J'ai écrit tout ce que j'avais à dire,
dans mon bullet,
dans quelques mails, un énorme vidage de sac, qui n'appelait pas de réponse, puis le silence.
Dans mon coeur, et dans ma tête.
Et c'était bien reposant.
Bien sûr, je suis très aidée,
par tous ceux qui sont gentils avec moi,
par les Boys et Maiia,
par les gestes de gentillesse gratuits,
par les prières depuis Pierre Part,
et par vous,
vos messages, vos commentaires,
et même vos silences.
Oui, beaucoup.
Tout ça, je le ressens vraiment.
Samedi donc, me voilà transportée par un jeune musicien jusqu'à un bal au milieu de rien,
une ferme.
On s'est dit, hum, tout le monde est à Gennetines.
Bah non, il y a TOUJOURS des gens comme toi,
et ça se voit pas sur cette photo, mais finalement on a bien dansé en joyeuse compagnie.
La musique du duo Time to play était jeune, brillante, et très dansante malgré l'absence de plancher.
Et il m'ont fait chanter pendant leurs pauses.
La nuit j'ai dormi chez la maman du deuxième musicien,
j'appelle ça les auberges du folk,
un matelas, ton sac de couchage,
des sourires, des histoires,
des gens bien, des gens vaillants.
Le lendemain, elle m'a conduit à mon covoit.
Je suis arrivée assez en avance pour profiter du centre aqualudique sur le parking du rendez vous.
45 minutes de nage en plein air, seule.
Oui, le corps, c'est l'antidote de l'esprit.
Surtout avec juste le ciel au-dessus de toi.
Hier soir, je me suis pourtant rejetée sur l'orange en cage.
J'ai dû faire Shamata longtemps,
avant de retrouver le chemin du hamac...
On éprouve des sentiments, des émotions.
On n'est pas ces sensations qui essaient de nous gouverner.
Et ce matin, j'étais parée.
C'est-à-dire que munie de tous mes porte-bonheurs (special tribute to Barbara...)
Dans le train, j'étais en train de penser "aujourd'hui, ça fait 5 ans que mon père est mort",
un type est venu brusquement s'asseoir en face de moi.
Punaise, je l'ai pas reconnu tout de suite, mais j'étais contente de le revoir, et ça m'a passé le temps.
Le père des Boys m'attendait à la gare pour le ride.
L'infirmière du bloc m'a aussi reconnue : j'avais eu sa fille en CP il y a ....9 ans !
J'ai fermé les yeux .
Un peu plus tard dans la chambre,
j'ai reçu un message.
Il est arrivé par surprise.
Une graaaaaaaande, une vraie surprise, qui a dû lui coûter un gros effort,
compte tenu des circonstances.
Et c'est finalement lui qui m'a ramenée à Limoges.
La vie des fois c'est drôle.
Mais faut lâcher l'orange en cage pour en profiter....et rester silencieux parfois.
Ah oui, résultat de la biopsie dans 10 jours.
Je serai en Louisiane, parce que même s'ils n'étaient pas bons,
le médecin m'a assurée que ce ne serait pas une urgence.
Alors je rentre comme prévu mardi prochain.
Je crois aux petites lumières oranges de la vie,
dont il ne faut pas ignorer les signaux.
J'ai dit à l'infirmière,
le bracelet, je le garde.
C'est pour me souvenir que je serai en retraite,
ou en retrait,
et en bonne santé,
à 60 ans.
Je vas jongler à ça.
L'univers n'aime que les formulations positives.