jeudi 2 mai 2024

Une écrivaine, ça écrit

Je vous présente Leila et Sophia. Chacune son vécu, chacune son projet. 

On parle d'histoires, de technique, d'inspiration, de personnages, de dialogues, de journal d'écrivain, et de notre intimité de femmes aussi. C'est très inattendu. Un petit cadeau de la vie.

C'est la première fois que j'ai des copines écrivaines comme moi (à part mon amie Hilly !)

Des personnes en plein processus d'écriture. Nous étions ensemble au stage Déclic. Trois membres d'un groupe un peu plus large, mais aujourd'hui j'étais de passage. A Montparnasse est venu qui pouvait.

Un jour nous serons autrices. Nous serons publiées. Pour l'instant nous sommes écrivaines. Nous écrivons. Tous les jours. Avec ardeur.


Le Kid s'envole, un rendez-vous impromptu

J'avoue que c'était un peu foufou et un peu dispendieux aussi.
Mais bon, après tout, j'ai une carte SNCF senior non ?
Me voici donc dans le train du retour, après un voyage express et une courte nuit parisienne, juste pour prendre le petit déjeuner avec le Kid, 27 ans dans cinq jours, qui s'envolait ce matin pour 18 mois de Volontariat International en Entreprise (VIE) à New-York.
Ce poste, il en rêvait.
Il ne le doit qu'à lui-même. 
Belle revanche sur tous les petits crevards de sa jeunesse qui le prenaient un peu de haut, et qui sont resté en rade depuis.

Depuis septembre, au moins 60 CV et presqu'autant de lettres de motivations en anglais, un ratissage quotidien des sites des banques qui l'intéressaient, des dizaines de tests-écrémages en ligne sans se décourager.
La hot line maternelle pour les débriefings, et, à la fin, plusieurs entretiens, et un choix à faire entre trois propositions.

Et puis, envers moi, une immense appréciation : "Merci maman, tu m'as énormément encouragé. Cela m'a beaucoup aidé. Tu as cru en moi, tu ne m'as pas fait peur avec le chômage et tout ça".
Je n'ai pas grand mérite : il était déterminé, je SAVAIS qu'il y arriverait. 
Tout faisait sens : son séjour aux USA avec moi, puis avec mon ami Mike, son master en Banque. En septembre dernier, il m'avait dit : "J'ai fait cinq ans d'alternance, pas question de rempiler derrière un guichet avec des types qui sortent de fac sans jamais avoir travaillé, et pour gagner une mendicité. Je veux m'expatrier, je sais que je peux." 
Il était donc resté à France Travail (qui avait promis une formation qu'on attend encore...) et je lui avais expliqué que, réussir, c'est souvent une affaire d'autoprogrammation de notre cerveau : des objectifs, des moyens.
Et il l'a fait.

Il faut savoir laisser partir les gens qu'on aime. Poser des actes sur cette liberté de vivre sa vie tant qu'il est temps, quand on peut, sans les retenir dans les filets de notre amour.

En janvier,  je lui ai offert une belle valise en avance sur son anniversaire. Depuis, on était constamment en contact, mais on ne s'était pas revus en vrai. Pour moi ce n'était pas possible, même si maintenant, avec les visios, on n'est pas coupé du monde. Je lui ai proposé ce rendez-vous impromptu et il en a été très heureux : "Je ne te l'aurais pas demandé, mais je suis super content".
Ce matin il ne réalisait pas bien, même s'il est archi préparé. Il a trouvé un logement, un club de boxe.
J'ai un très bon ami sur place qui veille au grain in case of.
Mais il laisse derrière lui son adorable jeune compagne, qui ne pouvait pas le suivre. Ils ont décidé malgré tout de continuer leur histoire à distance, avec des visites américaines.
Nous nous irons le voir en septembre.

samedi 27 avril 2024

Kemper ha Douar nevez

 Nous retournerons certainement à Douarnenez, ancien port sardinier très attachant, mais que nous avons quitté en début d'après-midi, pour cause de pluie battante.

Chapelle Ste Hélène, la première église des pêcheurs.





L'ancien port sardinier du Rosmeur



La matinée avait pourtant bien commencé, avec le tour de l'île Tristan, accessible à pied à marée basse.

L'île Tristan la veille au soir







La veille, nous avions fait halte à Quimper, que je connaissais déjà, pour visiter le Musée breton. C'est un petit musée centré sur des artéfacts de l'Antiquité locale, les costumes, le mobilier et la faïence.

Nous avons continué avec une balade à Locmaria



L'après-midi nous avons dévalé et grimpé les pentes des gorges du Stangala, un bras de l'Odet qui prend de la vigueur et du courant.






Clap de fin à Douarnenez (Douar nevez = Terre nouvelle ), derrière les fenêtres du Bigorneau amoureux, un restaurant de poisson qui s'avance sur la mer,
avec vue sur le coucher de soleil derrière l'île Tristan.

A gauche, la petite boîte blanche illuminée, cramponnée au rocher, c'est le restaurant.

Setu tout !

lundi 22 avril 2024

Les mots, toujours les mots

J'écris, nous marchons.
J'écris, nous nageons.
J'écris, nous dansons.

Depuis mon retour du stage Déclic, j'écris comme si ma vie en dépendait. Du reste, ma vie en dépend.

J'ai dû m'aménager des solutions pour contourner le "Qu'est-ce qu'on mange ?" à 11.45 à travers le garde-corps de la mezzanine.

Un espace de coworking à Quimperlé, les jours où je vais à la piscine là-bas.


Récupération d'un secrétaire, déménagé dans une pièce... vide.
Ecrire, plus que jamais, porte fermée.
Et ne la rouvrir que quand j'ai fini.

dimanche 21 avril 2024

 En ce printemps breton, je remonte la pente.

En janvier, après un an vécu ici, je m'étais doucement et douloureusement alourdie. je me sentais comme une pauvre loque en mode mémère dans l'escalier. Entre la maison-boulet chronophage et les kilomètres en voiture, je n'écrivais plus. 

Poids, douleur, tarissement  : trois gros red flags. Et une sirène d'alarme : la succession de conflits quotidiens. 

J'ai fini par dire : "Fais ce que tu veux, reste-ici si tu veux. Mais moi, le 1er septembre, je pars. Je n'en peux plus. Je trouve très injuste d'avoir à me sacrifier pour satisfaire tes besoins, alors que j'ai déjà tout quitté. Dans ta vie, rien n'a changé, sauf que tu as une femme de ménage et une cuisinière gratuites. Ce n'est pas équilibré.
Et puis tu m'as dit n'avoir jamais été heureux ici, que tu voulais partir. Alors pourquoi te cramponner ainsi ?  Je ne te le redirai pas, mas décision est prise. Mais, en attendant mon départ, cultivons au moins de nouveau la joie d'être ensemble."

Si seulement c'était vrai....😅

Je sais que lui ne peut, ni décider, ni agir, en un claquement de doigts. Il lui faut un peu de temps. J'ai dû prendre le risque de lui faire confiance. Il est dans un état d'esprit : "j'ai envie de vivre ma retraite comme si j'étais en vacances" qui lui fait ouvrir les yeux sur le carcan de contingences qui l'étouffe, surtout depuis que je ne prends plus en charge ce qui ne me concerne pas ou n'est pas mon choix. Le nettoyage des sept velux, deux baies vitrées et quatre fenêtres par exemple. C'est un petit défi personnel, mais j'ai complètement lâché l'affaire de l'entretien de ce gouffre. Au fond, ce n'est pas mon problème. Je pense qu'il voit la différence.
A partir de là, chaque jour est redevenu joyeux, léger et serein.

lundi 15 avril 2024

Les Mots Déclic


Nous étions assis dans la voiture, en revenant de la gare de Lorient. Le tsunami de la semaine dernière avait reflué, mais il avait laissé des traces indélébiles et il faisait encore des vagues.
"Maintenant, je suis décidé. Je veux partir d'ici."
J'ai compris qu'enfin, nous allions quitter cette maison boulet, dans laquelle je n'éprouvais aucun plaisir à revenir après mon intense semaine parisienne. 

Un peu sur un coup de tête, je m'étais offert une résidence, à point nommée "Déclic", de l'école d'écriture Les Mots à Paris.

photo site de l'entreprise 

J'en avais assez de ressasser cette perte de l'envie d'écrire ; de regretter de n'avoir fait aboutir aucun de mes projets d'histoire. Depuis que je suis en Bretagne, c'est la panne sèche, un peu déniée.
Ce n'était pas une panne d'inspiration, au contraire. Mais plutôt une douloureuse déconnexion d'avec mon monde intérieur. Rappelée à l'ordre par mon corps, depuis janvier je n'ai eu de cesse de me recentrer sur mes besoins en me créant de nouveaux repères.

Quand on y croit, les planètes s'alignent. 
Je ne voulais loger avec personne d'autre que moi-même. J'ai aisément trouvé un hébergement monastique, à une demi-heure à pieds de l'école. Un lieu calme, sécurisant, propre, propice à la réflexion et très bon marché. Matin et soir, dans la douceur incertaine d'avril à Paris, j'ai arpenté mon ancien quartier d'étudiante, pour rejoindre le groupe et la merveilleuse formatrice avec lesquels j'ai partagé cette semaine.

Une semaine sans voiture : je me suis sentie revivre.









J'ai retrouvé l'envie, le plaisir et surtout la joie d'écrire. Je me suis nourrie des expériences et des textes des autres, j'ai binômé avec enthousiasme (on lit son texte à l'autre, qui nous pose plein de questions. Puis on inverse les rôles).

Je suis surtout repartie avec ma petite flamme rallumée, éclairant le chemin vers l'aboutissement de du premier projet dont je distingue l'horizon.
C'est un jeu de patience, il ne faut ni compter son temps, ni s'impatienter, ni penser à une éventuelle édition. Il faut seulement... finir son manuscrit. Et le travailler encore et encore après une longue décantation. Il faut recommencer à écrire tous les jours, comme avant. En cas de blocage, il y a un tas de techniques pour avancer au lieu de s'éteindre. Et je m'y plonge avec bonheur.

Mon objectif c'est d'avoir fini ce manuscrit à la fin de l'été. Et de quitter cette maison.
mais avec lui. On ne sait pas encore où, on a une vague idée de comment. Mais, ce qui change tout, c'est qu'il est un deuxième moteur, au lieu d'être un frein. Et j'en suis très heureuse, confiante et soulagée.

Evidemment, cela n'a pas été sans douleur. Comme souvent, il faut que quelque chose s'écroule pour bâtir autre chose. Et on peut dire que le ciel lui est violemment tombé sur la tête juste avant mon départ.
Au sortir d'un profond abattement, il a ouvert les yeux sur l'urgence qu'il y a à vivre pour nous, maintenant. Ce serait trop compliqué et personnel à expliquer ici.
Disons que c'est juste un bénéfice collatéral de la salle de de bains de l'horreur en somme.

dimanche 14 avril 2024

Avatar

 On voit que le lavabo de faïence, les toilettes suspendues, la cabine de douche quart de rond étaient flambants neufs il y a encore quelques mois.

La cabine n'a probablement jamais été nettoyée. Ses parois sont maculées de traces diverses, et d'une sorte de moisissure rougeâtre qui semble s'être propagée à une vitesse fulgurante. Le receveur n'est plus visible. Il est recouvert d'une bonne centaine de flacons de gel douche vides. De ces marques très masculines, au parfum assez prononcé pour être censé attirer regard et attention. Comment fait-il pour se doucher si souvent ?

Stupéfaction violente. Que s'est-il passé ici ?

Deux bouteilles pleines de gel wc trônent sur l'étagère qui surplombe les toilettes suspendues. Une pauvre brosse à chiottes a été oubliée sur le sol carrelé, entre deux rouleaux de papier cul en voie de décomposition. Le couvercle est ouvert sur une lunette encore blanche. Mais la cuvette est tellement maculée de pisse et de merde qu'on se demande comment elle a pu échapper au massacre. Étonnamment, le poussoir de la chasse d'eau est resté propre.

Le lavabo a pris une curieuse teinte verdâtre, sous des couches successives de substances indéfinissables, plus ou moins poudreuses, les résidus de rasage quotidien peut-être.

Sur le côté droit, un mikado géant de cotons tiges mielleux a commencé à s'effondrer en dégueulant sur le sol poisseux, entre les bouteilles vides de soda et de jus d'orange, tout un tas des flacons de produits et de piluliers contre la chute des cheveux. On pressent que la lutte contre les golfes temporaux est acharnée.

Tout comme celui pour la blancheur des dents et l'hygiène buccale. Côté gauche, en équilibre précaire, une bonne dizaine de tubes de dentifrice « blancheur éclatante », écrasés, presque broyés, dépouillés des bouchons, s'empilent têtes-bêches. À en juger par les cadavres de flacons géants terrassés, des litres de bains de bouche ont été gargarisés ici, après l'usage appuyé de la brosse à dents électrique abandonnée dans un panier.

Il accorde grand soin à son apparence. Dans la vasque, les fioles exsangues de sérum hydratant tiennent compagnie à une gourde, un casque de vélo, un liniment camphré de récupération. Au-dessus du lavabo, le miroir moucheté de dentifrice et de mousse à raser ne reflète sûrement plus grand chose de ses cheveux soigneusement lissés au gel.

En dessous, les portes du meubles sont ouverts. Sur rien. Enfin presque : des boîtes de lessive vides en plastique vert coincent les tiroirs ouverts, ou jonchent le sol.

Quelles larmes, quels hurlements se sont étouffés ici ? Les immondices en indices d'une indicible ordure tue et contenue. Derrière le sourire étale d'un charmant avatar sans peur et sans reproche, paravent d'amour propre donné à voir à qui préfère fermer les yeux, fermentent les pensées les plus tourmentées.

Sans se retourner, il a fermé la porte et jeté les clés, tourné le dos à la douleur pour tenter de se reconstruire ailleurs.

Seulement voilà, aussi loin qu'on aille, on s'emporte toujours avec soi.

Une lettre des propriétaires au garant, et l'avatar s'est dissout dans la cruelle réalité, laissant abasourdis et infiniment tristes, ceux qui croyaient le connaître.

Les tourments, la douleur, le chagrin, la souffrance, c'est comme les poubelles : il faut les sortir. Sinon ce sont les asticots qui l'emportent...