J’achève aujourd’hui ma première semaine d’hospitalisation
(à l’hôpital public donc), dans un service de nutrition. Ce soir c’est
permission, puis réintégration des lieux dimanche à 19.00.
On me pose beaucoup de questions sur cette opération de la
dernière chance. Chirurgie bariatrique ? Cure ?
Rien de tout ça. Mais je vas quand même tenter d’expliquer.
Au programme c’est identification, écoute et respect des
sensations, acceptation de son corps, retour à l’activité physique pour ceux
qui n’en pratiquent pas.
Et cette première semaine c’était recherche de la faim.
Tu découvres ta faim, tu la nommes, tu la caractérises, tu
la cotes sur une échelle de 1 à 10. Et surtout tu demandes à manger.
Puis tu manges.
Avec attention (dans ta chambre, sans télé, ni smartphone,
ni livre). Tu as un plateau complet. Tu manges ce qui te fait envie, quand tu n’as
plus envie tu passes à un autre aliment. Tu laisses éventuellement dans ton
assiette ce qui est en trop.
Puis tu attends le retour de la faim. Et tu recommences.
Bien sûr, selon le moment de la journée, le plateau n’est pas
le même : repas, collation…
Et ce n’est pas un plateau de régime, on ne s’occupe
absolument pas de la valeur calorique de quoi que ce soit.
Cherchez pas j'ai déjà mangé le taboulé...
Je croyais savoir un tas de choses sur ma faim.
J’étais loin du compte.
Contrôler son poids, ce n’est pas contrôler sa faim. La faim
ne se contrôle pas, elle se satisfait.
Avec un schéma particulier. Passées les 3 ou 4 premières
bouchées, elle disparaît. Mais on n’est pas à satiété quand on a juste plus
faim. C’est clair qu’on ne peut pas s’arrêter là. Quand tu es sur la réserve de
carburant, et que tu veux rouler un peu loin, tu ne te contentes pas d’éteindre
la jauge, tu remplis ton réservoir.
Avec une chose, avec plusieurs, avec de la salade ou des
frites, peu importe. Rien n’est interdit en fait, puisque TOUS les aliments
sont utilisés par le corps. Le stockage ne s’enclenche pas en fonction de la
nature de ce qu’on mange. Le stockage c’est du trop-plein. Pas du trop plein
occasionnel. Du trop-plein quotidien.
En réalité, le corps est merveilleusement organisé pour
survivre, faire face. En revanche ce n’est pas un ordinateur : il a des
pensées et surtout des besoins, physiologiques et psychiques. Et donc il envoie
des signaux, qu’on ferait mieux d’écouter. Par exemple, après le début du rassasiement
de la faim, il maintient une envie de manger, jusqu’à la satiété, qui n’est pas
une sensation physique. C’est en fait « un état mental qui détermine l’arrêt du repas. Il correspond à la
disparition de l’envie de manger et au désintérêt pour la nourriture. »*
On peut donc avoir le ventre plein et ne pas se sentir rassasié…
Et inversement, il n’y a pas à craindre de ne pas finir son
assiette, puisqu’on peut remanger plus tard si on n’a plus faim.
Sauf que… Toute cette extraordinaire organisation naturelle et
intuitive de l’autorégulation est très sérieusement mise à mal après des décennies de régimes ou de « programmes
alimentaires équilibrés », alternant périodes hyper contrôlées
euphorisantes, intenables, puis explosées en craquages et compulsions irrépressibles.
Me concernant, et ayant déjà parcouru un long chemin, je vis
quand même depuis des années dans la méconnaissance du véritable signal de la
faim, à laquelle s’ajoute la restriction, - ne pas manger entre les repas, ou
au moins avant un certain délai – . L’oscillation constante entre la frustration,
et la culpabilisation du plaisir pris hors du supposé « diététiquement correct ».
Pendant cette semaine d’observation, j’ai noté que ma faim
ne se signale pas juste par un creux à l’estomac. Le creux, c’est déjà une faim
inconfortable, qui a attendu. J’ai bien d’autres signes avant-coureurs, jamais remarqués :
les paupières lourdes, la bouche sèche (qui ne s’étanche pas en buvant), et
parfois mal à la tête. Arrivée au creux, s’ajoute l’agacement, voire l’irritabilité.
Le souci c’est que quand j’attends trop longtemps, c’est
simple, je mange plus vite déjà, et une quantité plus importante.
Pas d’état de
satiété, et déjà du trop-plein (donc du stockage).
Il faudrait respecter sa
faim en connaissance de cause, et, manger d’autant plus lentement et attentivement
que la faim s’est amplifiée d’avoir attendu,
On est loin, à des années-lumière même, du discours
culpabilisant sur la soupe/yaourt du soir, la suppression du sucre, tous les
interdits en fait.
Alors j’ai aucune idée de ce que ça va donner.
Mais faim + attention + plaisir/envie + bon timing + diversité,
ça me paraît un menu intéressant.
Que les boys viennent partager avec moi dimanche, c'est le bon moment
avant que
je ne plonge dans une deuxième semaine, attendue avec curiosité.
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* Intitulés du programme