C'est pas que je veuille vous faire languir.
C'est que le temps prend son temps.
Ici.
Maintenant.
Et sur le chemin déjà.
Je voyais ces pèlerins me doubler, pressés d'arriver pour retourner prendre l'avion à Porto,
ou encadrés par les bornes d'une courte semaine de congés.
Et moi, parce que je n'ai pas le choix concernant mes pieds,
je me familiarisais avec la lenteur.
Cette lenteur, mon rythme propre, je l'appelais de mes vœux depuis longtemps.
Et je ne me souviens pas du tout l'avoir éprouvé sur le
camiño frances.
C'est incroyable d'être entrée en lenteur en chemin, et de ne pas avoir quitté cette lenteur depuis,
à cause du confinement.
Je pourrais aussi avoir retenu que certes c'est difficile, mais néanmoins on y arrive, on traverse toujours.
Sauf que cela, la vie me l'avait déjà appris.
Me voilà donc, quittant Padròn, un départ facile.
Mes pieds savent déjà que je n'arriverai pas à Santiago ce soir.
Pourquoi faire du reste ? Souffrir ?
Vraiment, au-delà de 20 km, je n'ai plus qu'une envie : me poser.
Je n'ai pas un bon souvenir de ma première fois :
une interminable dernière étape, même si on est galvanisé par le but qui s'approche,
il ne reste guère d'énergie pour en profiter.
Je m'arrêterai donc à mi-chemin, et pour une fois je ne sais pas où.
J'ai aussi remarqué que je pue un peu, et j'adorerais laver tout mon linge avant de rentrer.
J'ai beaucoup aimé cette étape.
Il faut grimper pas mal, mais le plus dur est passé.
On m'a parlé d'une chouette albergue à Téo,
lorsque j'y arrive, il est bien trop tôt,
je pousse 8 km plus loin.
Un arc en ciel m'accueille joliment à l'entrée de la dernière ligne droite.
Me voilà arrivée dans cette auberge paroissiale neuve, posée dans une banlieue dortoir, sans aucun caractère granitique galicien ou même espagnol, surgie de nulle part, à 8 km de Santiago.
Les lits sont dans des alcoves,
Enrique, l'hospitalier, me fait cadeau de la lessive et du séchoir.
Plaisirs simples et
petits luxes : un machine qui tourne, un bol de pâtes avec une boîte de
coquillages qui me restait, des draps et une serviette, et ...un feu de
cheminée, emmitouflée dans un plaid moelleux.
Moment délicieux.
Du jamais vu sur le chemin.
Seule.
Comme cette dernière étape se fait généralement d'une traite,
l'auberge ne fait le plein qu'en haute saison.
Et moi, après une journée entre ciel et chemin,
je suis simplement heureuse de cette soirée douce, perdue dans mes pensées.
Barbara, demain j'arrive VRAIMENT !