Et maintenant quoi ?
Pas après pas, seule, une parenthèse privilégiée pour se rencontrer,
le cadeau du temps qui s’écoule en routines. Les jours se suivent comme une
rengaine, seuls changent le paysage et la météo.
Je monte, je descends, j’arpente, j’inspire, j’expire.
Les flèches me tirent, le vent me pousse, et parfois me
bouscule.
Qu’on soit venu ou non pour réfléchir, on se pose des
questions. Qui sèment de petites graines dans l’esprit, que la pluie, les
larmes et la sueur feront germer et grandir. Les pensées défilent à leur propre tempo dans le balancement des bâtons ; elles passent, s’attardent, s’envolent.
Ah ? Je suis arrivée là ? Il faut parfois se ressaisir pour s’ancrer
de nouveau dans le présent.
Les peurs, les doutes, les choix, le silence comme une
prière, les efforts comme les réussites de chaque étape, les belles rencontres,
la gratitude nourrissent l’âme.
En faisant l’expérience de ma vulnérabilité et
de ma puissance, je me sens devenir plus forte.
Chaque enjambée est un mantra. Je chante. Je me répare.
Puis c’est la fin.
Quitte-t-on le chemin ? Jamais vraiment, ce fut juste
un tronçon de vie entre terre et ciel.
On peut choisir de ne pas s’arrêter là. De nombreux pèlerins
marchent quelques jours encore, pour arriver à Finistera, à l’océan où ils
brûlent une de leurs frusques de marche, vieille coutume de pouilleux médiéval,
qui reste fortement symbolique.
Si on n’a pas le temps, ou plus le courage, on peut prendre
un bus qui fait l’aller-retour dans la journée.
Je ne l’avais pas fait la première fois, et je m’en étais un
peu voulu. Comme si je n’avais pas été au bout. Un sentiment d’inachevé.
Et puis j’étais rentrée avec une forme d’appréhension. Après
tous ces efforts, comment allais-je retrouver ma vie ?
Eh bien ne l’ai pas fait cette fois-ci non plus. Je me
sentais bien à Santiago, bien mieux qu’il y a six ans. Et je n’ai pas eu envie
de me précipiter dans un bus. J’avais juste l’idée de rentrer chez moi, toujours
lentement. C’était la fin, j’avais besoin de la vivre jusqu’au bout, mais pas
de l’éterniser ou de la repousser.
Il y avait de nouvelles pages à écrire, d’autres sentiers à
explorer : finir l’histoire avec Padna ou faire un autre bout de chemin avec
lui ? Maintenir l’effort des derniers mois de travail…
Riche de tout ce qu’on
apprend, ou qu’on valide en marchant : ouvrir les yeux sur ce qui ne se
voit pas, chercher des mots spéciaux et justes, pour recevoir dignement tout ce
qui nous surprend à chaque courbe, derrière chaque rocher, au sommet de chaque
ascension.
Je suis rentrée oui, et le virus lui, est entré dans nos
vies, nous promettant d’autres fins : celle du travail tel qu'il était organisé, celle du confinement, celle de l’insouciance,
celle de l’histoire avec Padna qui est parti depuis trop longtemps et que je ne
reverrai probablement pas.
Ne dit-on pas que le vrai chemin commence quand le camiño
se termine ?
Et maintenant quoi ?
1 commentaire:
merci pour tout ça et pour la belle chanson d 'Anne Sylvestre
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