samedi 27 avril 2024

Kemper ha Douar nevez

 Nous retournerons certainement à Douarnenez, ancien port sardinier très attachant, mais que nous avons quitté en début d'après-midi, pour cause de pluie battante.

Chapelle Ste Hélène, la première église des pêcheurs.





L'ancien port sardinier du Rosmeur



La matinée avait pourtant bien commencé, avec le tour de l'île Tristan, accessible à pied à marée basse.

L'île Tristan la veille au soir







La veille, nous avions fait halte à Quimper, que je connaissais déjà, pour visiter le Musée breton. C'est un petit musée centré sur des artéfacts de l'Antiquité locale, les costumes, le mobilier et la faïence.

Nous avons continué avec une balade à Locmaria



L'après-midi nous avons dévalé et grimpé les pentes des gorges du Stangala, un bras de l'Odet qui prend de la vigueur et du courant.






Clap de fin à Douarnenez (Douar nevez = Terre nouvelle ), derrière les fenêtres du Bigorneau amoureux, un restaurant de poisson qui s'avance sur la mer,
avec vue sur le coucher de soleil derrière l'île Tristan.

A gauche, la petite boîte blanche illuminée, cramponnée au rocher, c'est le restaurant.

Setu tout !

lundi 22 avril 2024

Les mots, toujours les mots

J'écris, nous marchons.
J'écris, nous nageons.
J'écris, nous dansons.

Depuis mon retour du stage Déclic, j'écris comme si ma vie en dépendait. Du reste, ma vie en dépend.

J'ai dû m'aménager des solutions pour contourner le "Qu'est-ce qu'on mange ?" à 11.45 à travers le garde-corps de la mezzanine.

Un espace de coworking à Quimperlé, les jours où je vais à la piscine là-bas.


Récupération d'un secrétaire, déménagé dans une pièce... vide.
Ecrire, plus que jamais, porte fermée.
Et ne la rouvrir que quand j'ai fini.

dimanche 21 avril 2024

 En ce printemps breton, je remonte la pente.

En janvier, après un an vécu ici, je m'étais doucement et douloureusement alourdie. je me sentais comme une pauvre loque en mode mémère dans l'escalier. Entre la maison-boulet chronophage et les kilomètres en voiture, je n'écrivais plus. 

Poids, douleur, tarissement  : trois gros red flags. Et une sirène d'alarme : la succession de conflits quotidiens. 

J'ai fini par dire : "Fais ce que tu veux, reste-ici si tu veux. Mais moi, le 1er septembre, je pars. Je n'en peux plus. Je trouve très injuste d'avoir à me sacrifier pour satisfaire tes besoins, alors que j'ai déjà tout quitté. Dans ta vie, rien n'a changé, sauf que tu as une femme de ménage et une cuisinière gratuites. Ce n'est pas équilibré.
Et puis tu m'as dit n'avoir jamais été heureux ici, que tu voulais partir. Alors pourquoi te cramponner ainsi ?  Je ne te le redirai pas, mas décision est prise. Mais, en attendant mon départ, cultivons au moins de nouveau la joie d'être ensemble."

Si seulement c'était vrai....😅

Je sais que lui ne peut, ni décider, ni agir, en un claquement de doigts. Il lui faut un peu de temps. J'ai dû prendre le risque de lui faire confiance. Il est dans un état d'esprit : "j'ai envie de vivre ma retraite comme si j'étais en vacances" qui lui fait ouvrir les yeux sur le carcan de contingences qui l'étouffe, surtout depuis que je ne prends plus en charge ce qui ne me concerne pas ou n'est pas mon choix. Le nettoyage des sept velux, deux baies vitrées et quatre fenêtres par exemple. C'est un petit défi personnel, mais j'ai complètement lâché l'affaire de l'entretien de ce gouffre. Au fond, ce n'est pas mon problème. Je pense qu'il voit la différence.
A partir de là, chaque jour est redevenu joyeux, léger et serein.

lundi 15 avril 2024

Les Mots Déclic


Nous étions assis dans la voiture, en revenant de la gare de Lorient. Le tsunami de la semaine dernière avait reflué, mais il avait laissé des traces indélébiles et il faisait encore des vagues.
"Maintenant, je suis décidé. Je veux partir d'ici."
J'ai compris qu'enfin, nous allions quitter cette maison boulet, dans laquelle je n'éprouvais aucun plaisir à revenir après mon intense semaine parisienne. 

Un peu sur un coup de tête, je m'étais offert une résidence, à point nommée "Déclic", de l'école d'écriture Les Mots à Paris.

photo site de l'entreprise 

J'en avais assez de ressasser cette perte de l'envie d'écrire ; de regretter de n'avoir fait aboutir aucun de mes projets d'histoire. Depuis que je suis en Bretagne, c'est la panne sèche, un peu déniée.
Ce n'était pas une panne d'inspiration, au contraire. Mais plutôt une douloureuse déconnexion d'avec mon monde intérieur. Rappelée à l'ordre par mon corps, depuis janvier je n'ai eu de cesse de me recentrer sur mes besoins en me créant de nouveaux repères.

Quand on y croit, les planètes s'alignent. 
Je ne voulais loger avec personne d'autre que moi-même. J'ai aisément trouvé un hébergement monastique, à une demi-heure à pieds de l'école. Un lieu calme, sécurisant, propre, propice à la réflexion et très bon marché. Matin et soir, dans la douceur incertaine d'avril à Paris, j'ai arpenté mon ancien quartier d'étudiante, pour rejoindre le groupe et la merveilleuse formatrice avec lesquels j'ai partagé cette semaine.

Une semaine sans voiture : je me suis sentie revivre.









J'ai retrouvé l'envie, le plaisir et surtout la joie d'écrire. Je me suis nourrie des expériences et des textes des autres, j'ai binômé avec enthousiasme (on lit son texte à l'autre, qui nous pose plein de questions. Puis on inverse les rôles).

Je suis surtout repartie avec ma petite flamme rallumée, éclairant le chemin vers l'aboutissement de du premier projet dont je distingue l'horizon.
C'est un jeu de patience, il ne faut ni compter son temps, ni s'impatienter, ni penser à une éventuelle édition. Il faut seulement... finir son manuscrit. Et le travailler encore et encore après une longue décantation. Il faut recommencer à écrire tous les jours, comme avant. En cas de blocage, il y a un tas de techniques pour avancer au lieu de s'éteindre. Et je m'y plonge avec bonheur.

Mon objectif c'est d'avoir fini ce manuscrit à la fin de l'été. Et de quitter cette maison.
mais avec lui. On ne sait pas encore où, on a une vague idée de comment. Mais, ce qui change tout, c'est qu'il est un deuxième moteur, au lieu d'être un frein. Et j'en suis très heureuse, confiante et soulagée.

Evidemment, cela n'a pas été sans douleur. Comme souvent, il faut que quelque chose s'écroule pour bâtir autre chose. Et on peut dire que le ciel lui est violemment tombé sur la tête juste avant mon départ.
Au sortir d'un profond abattement, il a ouvert les yeux sur l'urgence qu'il y a à vivre pour nous, maintenant. Ce serait trop compliqué et personnel à expliquer ici.
Disons que c'est juste un bénéfice collatéral de la salle de de bains de l'horreur en somme.

dimanche 14 avril 2024

Avatar

 On voit que le lavabo de faïence, les toilettes suspendues, la cabine de douche quart de rond étaient flambants neufs il y a encore quelques mois.

La cabine n'a probablement jamais été nettoyée. Ses parois sont maculées de traces diverses, et d'une sorte de moisissure rougeâtre qui semble s'être propagée à une vitesse fulgurante. Le receveur n'est plus visible. Il est recouvert d'une bonne centaine de flacons de gel douche vides. De ces marques très masculines, au parfum assez prononcé pour être censé attirer regard et attention. Comment fait-il pour se doucher si souvent ?

Stupéfaction violente. Que s'est-il passé ici ?

Deux bouteilles pleines de gel wc trônent sur l'étagère qui surplombe les toilettes suspendues. Une pauvre brosse à chiottes a été oubliée sur le sol carrelé, entre deux rouleaux de papier cul en voie de décomposition. Le couvercle est ouvert sur une lunette encore blanche. Mais la cuvette est tellement maculée de pisse et de merde qu'on se demande comment elle a pu échapper au massacre. Étonnamment, le poussoir de la chasse d'eau est resté propre.

Le lavabo a pris une curieuse teinte verdâtre, sous des couches successives de substances indéfinissables, plus ou moins poudreuses, les résidus de rasage quotidien peut-être.

Sur le côté droit, un mikado géant de cotons tiges mielleux a commencé à s'effondrer en dégueulant sur le sol poisseux, entre les bouteilles vides de soda et de jus d'orange, tout un tas des flacons de produits et de piluliers contre la chute des cheveux. On pressent que la lutte contre les golfes temporaux est acharnée.

Tout comme celui pour la blancheur des dents et l'hygiène buccale. Côté gauche, en équilibre précaire, une bonne dizaine de tubes de dentifrice « blancheur éclatante », écrasés, presque broyés, dépouillés des bouchons, s'empilent têtes-bêches. À en juger par les cadavres de flacons géants terrassés, des litres de bains de bouche ont été gargarisés ici, après l'usage appuyé de la brosse à dents électrique abandonnée dans un panier.

Il accorde grand soin à son apparence. Dans la vasque, les fioles exsangues de sérum hydratant tiennent compagnie à une gourde, un casque de vélo, un liniment camphré de récupération. Au-dessus du lavabo, le miroir moucheté de dentifrice et de mousse à raser ne reflète sûrement plus grand chose de ses cheveux soigneusement lissés au gel.

En dessous, les portes du meubles sont ouverts. Sur rien. Enfin presque : des boîtes de lessive vides en plastique vert coincent les tiroirs ouverts, ou jonchent le sol.

Quelles larmes, quels hurlements se sont étouffés ici ? Les immondices en indices d'une indicible ordure tue et contenue. Derrière le sourire étale d'un charmant avatar sans peur et sans reproche, paravent d'amour propre donné à voir à qui préfère fermer les yeux, fermentent les pensées les plus tourmentées.

Sans se retourner, il a fermé la porte et jeté les clés, tourné le dos à la douleur pour tenter de se reconstruire ailleurs.

Seulement voilà, aussi loin qu'on aille, on s'emporte toujours avec soi.

Une lettre des propriétaires au garant, et l'avatar s'est dissout dans la cruelle réalité, laissant abasourdis et infiniment tristes, ceux qui croyaient le connaître.

Les tourments, la douleur, le chagrin, la souffrance, c'est comme les poubelles : il faut les sortir. Sinon ce sont les asticots qui l'emportent...









Entre les gouttes

C'était le week-end de Pâques.
Moi j'avais d'autant plus envie d'aller voir ailleurs que mes enfants ne pouvaient pas venir. 
Mais l'un des ses fils s'était annoncé. Celui qui prévient toujours au dernier moment et ne précise jamais quand il arrive. Ça m'a gonflée. Je me suis donc offert un stage de chant le samedi, pendant lequel il a organisé une petite chasse aux œufs pour les enfants de sa fille.
Bien sûr, le fils prodigue n'est jamais venu et s'est décommandé au dernier moment.
Une fois de plus, la viande avait été décongelée pour rien, et on en mangerait toute la semaine. Ça m'a encore gonflée. 
Comme on s'est promis de cultiver la joie entre nous, j'ai dit : "Viens, on se barre !".
On a déplié la carte de Bretagne, direction pas trop loin vers l'ouest.  
Scroller  les offres sur l'appli de réservation hôtelière. 
Tomber d'accord sur le gîte de charme.
Et partir sous la pluie bien sûr. Comme d'habitude depuis six mois.

Nous voici arrivés à Pont Aven, la cité des peintres.
Le temps de pique-niquer dans la voiture, la pluie cesse et nous voilà partis pour trois heures de marche.









C'est la première fois depuis décembre que je marche si longtemps. 
Sans y penser. Sans douleur. C'est très agréable. 
Nous traversons le bois d'amour, pour arriver jusqu'à la chapelle de Trémalo.



Et nous voilà repartis, vers Concarneau, Konk Kerne, la baie de Cornouailles.
Nous faisons halte à la pointe de Trévignon.










C'est un doux soleil de printemps, dont nous profitons avec bonheur.
Un peu plus tard nous posons nos sacs au petit manoir de Keriolet, dans l'une de ces chambres de charme installées dans les anciennes dépendances du château du même nom.



C'est là que ma route recroise celle de l'histoire de la Russie.
Cette très jolie pièce néo-gothique née de la rencontre, à St Pétersbourg, entre un roturier français, et la princesse Zénaïde Narychkine veuve Youssoupov.
Le romantisme slave leur offrit un mariage, mais en exil. 
Ils s'installèrent en France, et, pour qu'il puisse satisfaire ses ambitions politiques, elle lui acheta deux titres de noblesse, qui firent blasons aux frontons de cette demeure qu'il avait acquise sur ses propres deniers.
Voici comment ce château permit à Félix Youssoupov, descendant et héritier de Zénaïde, meurtrier de Raspoutine fuyant la révolution, de se refaire une fortune en vendant le domaine morceau par morceau.


Un petit tour en ville close le soir






Il ne pleuvait toujours pas.

Le lendemain, nous sommes partis aux pointes de Cap Coz 



et de Beig Meil.





Cela nous a donné envie de revenir au prochain été.
Nouveau pique-nique dans la voiture.
La pluie était revenue.
Nous sommes rentrés un peu fatigués, 
mais heureux,
d'être passés entre les gouttes.