Il y a un an, j'évoquais ici le corps obèse, qui crie justice après un traumatisme.
Je concluais par cette question :
"Faut-il remuer le passé ?
Vaut-il mieux laisser retomber la boue et nager dans les eaux claires de surface, ou nettoyer à grand peine cette vase qui trouble la fontaine ?"
Je concluais par cette question :
"Faut-il remuer le passé ?
Vaut-il mieux laisser retomber la boue et nager dans les eaux claires de surface, ou nettoyer à grand peine cette vase qui trouble la fontaine ?"
Elle est toujours sans réponse, ensevelie sous l'omerta familiale.
Sur la tête de mon oncle pédophile, ne se sont abattues ni la justice des hommes, ni celle de Dieu.
Et dans la mienne, il reste cette petite valise, soigneusement cadenassée, et encore bien lourde.
Sur la tête de mon oncle pédophile, ne se sont abattues ni la justice des hommes, ni celle de Dieu.
Et dans la mienne, il reste cette petite valise, soigneusement cadenassée, et encore bien lourde.
Malgré l'impunité, malgré le silence, je veux la laisser sur le bord du chemin.
Je veux me réincarner.
J'aurais pu faire le choix d'une mutilante chirurgie bariatrique, continuer à tenir mon corps à l'écart de mon cerveau.
J'ai opté, il y a longtemps déjà, pour l'acceptation.
L'acceptation de mon corps tel qu'il est.
Qui a porté et nourri deux enfants.
Qui m'a conduit où je voulais, sans me faire payer le prix fort.
Qui me permet d'éprouver envie, désir et plaisir.
Le désir de vivre, le plaisir de manger, la douceur de m'aimer.
L'envie de retrouver une condition physique à la hauteur de mes pérégrinations aventureuses.
En ces temps confinesques, bouger seule exige une volonté de fer, que je n'ai pas toujours,
sauf pour les étirements matinaux quotidiens.
Heureusement, nous vivons dans ce merveilleux pays qu'est la France, où, moyennant une (trop peu connue) prescription d'activités physiques adaptées, toute personne présentant une ALD, ou un facteur de risques (obésité, diabète, hypertension...), ou âgée de plus de 70 ans, peut pratiquer une activité sur ordonnance, dans un cadre sécurisé.
Même (et surtout...) pendant la crise sanitaire.
J'ai appelé un organisme qui s'appelle le DAPAP en Auvergne Rhône-Alpes, mais qui existe certainement ailleurs.
Un rendez-vous m'a été proposé pour l'entretien de motivation et les tests de condition physique.
Puis j'ai été orientée vers des ateliers "Passerelle", deux fois par semaine, pas très loin de chez moi.
Cela aurait pu être du sport santé, du sport bien être, une association locale, mais, il faut bien le dire, l'heure n'est pas aux offres pléthoriques.
Entre temps, la piscine a aussi rouvert ses portes aux publics dits prioritaires.
Je vais donc à la gym deux fois par semaine, à la piscine une fois.
Les autres jours, je cours les bois, à pied comme à vélo.
Le corps, c'était pour moi l'antidote de l'esprit.
C'est désormais un allié qui se bat à mes côtés, pour vivre bien, pour vivre heureuse.
A 60 ans, j'ai récupéré une condition physique que je croyais perdue, avec une régression notable des douleurs et aucune prises de médicaments évidemment.
Cherry sur le cupcake, la balance dépoussiérée déplace doucement son aiguille vers la gauche.
Mais surtout, je me suis retrouvée.
Pour la première fois depuis mes cinq ans, mon corps et mon cerveau ne semblent plus dissociés.
Manger est redevenu un plaisir subtil et varié,
que j'apprécie d'autant plus qu'il est partagé avec un homme dont le sourire ne saurait me laisser indifférente.
Il y a dans cette reconnexion, une sorte de justice retrouvée.
Une réappropriation de mon corps, comme si mon âme captive m'avait été, enfin, rendue.
Dans un coin d'ombre, une blessure reste douloureuse, prête à se rouvrir.
Mais dans deux lunes, la femme sauvage aura gagné.
Et je pourrais vivre l'histoire douce et tendre qui m'attend et que je mérite.
Sinon, j'ai vu ce film,
et je l'ai adoré.