Je n'ai pas pu.
Je voyais cette lune gibbeuse si brillante, qu'elle accrochait des paillettes dorées à la dentelle en ribambelle des délicats nuages blancs, qui festonnait le velours bleu gris de la nuit.
C'était tellement beau, presque magique.
Un halo de lumière traversait l'encadrement de la fenêtre, comme une poursuite de scène sur le mitan du lit.
J'ai laissé la fenêtre ouverte. Assise sur ma couette, j'ai remercié mes pieds et je leur ai offert un petit massage.
Il paraît que les blessures au pied sont les blessures de l'âme.
Je souffrais depuis plusieurs mois.
Depuis quelques jours je n'ai presque plus mal.
Je ne pouvais toujours pas me résoudre à fermer cette fenêtre, à me priver de cette lumière.
Je me suis allongée pour prendre un bain de lune.
Les chauves-souris volaient au ras de l'embrasure.
J'ai fermé les yeux.
Quand j'ai regardé de nouveau, la lune avait disparu.
Ne restait que la lueur blafarde de l'aube.
Je me suis levée pour fermer le volet, la fenêtre.
Puis je me suis rendormie jusqu'au grand matin.
Parfois, la vie, c'est comme marcher jusqu'aux portes des Enfers.
Traverser , et puis de l'autre côté, retrouver les eaux calmes de la paix et de la joie.
Que la lune croisse et décroisse encore et encore sur nos vies.
Tant qu'on pourra courir les bois,
explorer les rivières,
rire de bêtises,
chanter et danser...
"Je m’éveille le matin avec une joie secrète de voir la lumière ; je vois la lumière avec une espèce de ravissement ; et tout le reste du jour je suis content. Je passe la nuit sans m’éveiller ; et le soir, quand je vais au lit, une espèce d’engourdissement m’empêche de faire des réflexions."
Montesquieu