La semaine dernière nous avons pris la route pour Caen.
J'avais réservé un créneau au SHD, le service historique de la Défense, une annexe de Vincennes, où sont entreposés les dossiers des victimes de conflits contemporains, pour étudier ceux de mon grand-père et de son frère.
Il y avait sur le comptoir deux chemises aux couleurs flétries.
J'ai regardé les noms. C'était ce moment où tout est possible. On ouvre les dossiers. On trouve des documents administratifs, les lettres de ma grand-tante au maréchal Pétain, pour tenter de sauver son mari arrêté en janvier 44, rédigées à la plume sur des pages de cahiers d'écolier.
Des annotations au crayon.
C'est fou comme l'administration conserve tout. Les formulaires pour la reconnaissance de la mort du "non-rentré", dans une chambre à gaz de Gusen, ou du statut d'interné politique de mon grand-père, resté 7 mois à Compiègne.
Sur un document de juillet 1946, Germaine a écrit : "D'après les allemands, mon mari a été arrêté sur une dénonciation faite par un français dont j'ai fini par connaître le nom, et qui est actuellement détenu à la prison d'Orléans."
Et sur un vélin, de la plume de son mari, une lettre pleine de travail/famille/patrie, adressée, en 1941, au ministre de l'intérieur, Pierre Pucheu.
Suppliques, dénégations, protestations, reniements.
Traces de vie, de courage, d'honneur, coup de chance pour l'un, martyr pour l'autre. L'un sauvé, l'autre pas. La rose et le réséda.
Il y a quelque chose de presque fantastique à imaginer ces hommes et ces femmes tenir la plume d'un document qui a traversé les décennies.
Après ce moment un peu remuant, nous avons visité Caen.
La ville, comme Lorient, a été détruite par les bombardements. Mais, de nombreux monuments sont restés debout. Elle a une âme.
Rebaptisée Caen la mer, elle fait du tourisme mémoriel un atout parmi d'autres. Cependant, à notre passage, il régnait une douceur, une sérénité, qui nous ont frappés. Ce fut la bonne surprise de ce voyage improvisé.