"Il doit vachement te manquer ?"
Toute honte bue,
je vous dirais que non.
Car depuis que Franzouski est parti au pays des Soviets, la maison a retrouvé paix et sérénité.
Je m'en suis sentie très coupable
et puis j'ai accepté, cette absence d'absence.
Qu'est-ce que devrait me manquer ?
L'étranger vautré dans un fauteuil devant la télé, son portable sur les genoux,
qui demande quand est-ce qu'on mange,
sur un ton peu amène
après avoir vidé le frigo
et dont je sais
qu'il entrera dans une colère noire
lorsque viendra le moment de vider la poubelle et le lave-vaisselle ?
Le type hurlant,
les yeux exorbités,
qui perfore les murs avec ses poings
quand on lui dit non,
parce que zéro tolérance à la frustration ?
Les urgences de l'hôpital ?
Les repas sans communication, sans chaleur, pris en vitesse
parce qu'on n'a rien à se dire ?
Les agressions sur son frère ?
La manipulation, les mensonges, la perte totale de confiance,
le manque de respect, les insultes et les cris ?
Ma propre colère, et tout ce chagrin ?
La seule chose qui me tenait debout, c'était le souvenir de ce gamin aux grands yeux curieux,
au cœur ouvert sur tout et sur tous, qui posait tant de questions
et qui aimait vraiment les gens.
Mais j'avais si peur que cette petite flamme soit éteinte, partie en fumée dans les volutes d'une soi-disant drogue douce, évaporée dans les relents alcoolisés de leurs fêtes pourries.
Je suis toujours tellement terrorisée d'ailleurs,
à cette idée de schizophrénie latente,
ou de perte de QI,
que je me réveille la nuit,
recroquevillée,
les poings serrés,
glacée,
l'estomac en boule sur un sanglot nauséeux.
Mais moins souvent.
Peut-être à cause de ce grand voyage qu'il a réussi seul.
Ou de son courriel hebdomadaire.
Il ne dit pas beaucoup.
Mais il dit suffisamment :
le job
les rencontres
la vie en colocation
l'apprentissage de la langue
le cumul des jours de vacances
pour explorer le pays cet été...
J'aime lire ses petits mots, l'imaginer en trois heures plus tard que nous,
sous d'autres cieux, ne pas m'inquiéter.
Et j'aime surtout
rentrer le soir
dans une maison propre et calme.
Souffler un peu.
Photo : internet
4 commentaires:
Ce que tu racontes est terrible, terrifiant, même.
Oui, savoure cette tranquillité.
Peut-être aura-t-il changé en bien à son retour…
je ne suis pas choquée
d'ailleurs de quel droit me permettrais- je un quelquonque jugement
on ne connait pas le quotidien de chacun
on ne voit pas l'intérieur
son chemin est à trouver
il n'est pas forcement dans un quotidien avec toi
si ailleurs autrement il trouve sa voix
pas besoin d'effusion d'amour
on peut ne pas avoir la même manière de vivre , être séparé physiquement sans renier le lien ou l'attachement
si chacun trouve son compte dans la distance les moments ensemble seront plus appréciés
le reste ne s'impose pas
"n'est pas de soi "
ne se force pas
(je ne trouve pas bien les mots que je souhaite , j'essaierai de repréciser quand mieux éventuellement)
J'ai connu cette peur de rentrer chez moi.
Hurlements, murs défoncés, mensonges, violence physique prête à surgir de ses poings.
Lui pétillant et sportif transformé en zombie.
Un jour où il est allé plus loin que les autres et où j'étais trop fragilisée pour gérer la crise, je l'ai prié de partir.
Cela fait 2 ans.
Toutes ces années d'amour à l'éveiller au monde, à la beauté, aux valeurs, à faire de lui une belle personne, balayées à cause de cette saloperie de Cannabis.
Je sais, par ses grands-parents, qu'il va bien. Il a un appartement et un travail.
Chez moi, c'est doux et calme.
Mais dans mon coeur...
J'ai suivi le lien que tu donnais dans ton billet. Non la cohabitation avec nos enfants ne "va pas de soi"... J'en fait l'expérience aujourd'hui pour cause de recherche d'emploi de mes twins.
Je suis très heureuse de ton billet salade russe #5 parce qu'il est plein d'espoir.
Enregistrer un commentaire