mardi 9 octobre 2012

Tapie

Elles sont là
tapies dans un coin de ma tête
les images de douleur
les images qui font mal.

Passés l'éloignement
la distance
je pensais avoir tourné la page
être passée à autre chose.

Mais de retour dans la réalité quotidienne
et même en ayant modifié l'espace
je m'aperçois de toute la place que prenaient nos habitudes
dans ma vie.

Le petit coucou du matin avant de partir
penser à toujours laisser quelque chose pour le déjeuner
vérifier qu'il y avait du lait puisqu'il ne pouvait pas descendre au sous-sol
venir voir si ça va le soir
le son de sa télé à fond
parler de mes soucis avec lui.

Surtout
ce qui est terrible en ce moment
ce sont quelques images qui me reviennent.
Ce n'est pas tant l'image de la mort
que ce délitement accéléré
qui lui a fait perdre ses moyens d'une heure sur l'autre.
Déjà plus maître de tout son corps depuis quelques mois,
il s'est vu filer à toute vitesse.

L'image la plus prégnante
c'est celle du jour où je suis entrée dans sa chambre
le trouvant au sol
tombé une fois de plus
le bas du corps poplité sur le côté
le buste en appui sur ses avant-bras dans une tentative désespérée de se relever
si faible
si amaigri
avec cette volonté terrifiante d'exister encore.

C'est ça que je trouve poignant
terrible et beau à la fois
cet homme tombé
redevenu un tout petit enfant dépendant des bras autour de lui
et essayant malgré tout de se mettre debout
tout aussi vainement qu'il avait tenté de quitter son lit.

Cette image m'assaille souvent
depuis quelques jours
un peu à l'improviste
un peu comme une dent qui fait mal et sur laquelle tu passes ta langue
les larmes affluent d'un coup
et il me faut me concentrer intensément sur ma respiration
contempler l'impermanence des choses
pour qu'elle passe sans me blesser davantage.

La nuit dernière
j'ai rêvé de lui.
J'arrivais dans la rue,
il était avec des gens
sorti quand même
je l'ai un peu fâché
il avait mis de vieux habits tout abîmés
et appuyait sa tête contre le mur pour ne pas tomber.
Maintenant qu'il n'est plus là
qui me retiendra si je tombe ?



Wilhelm Lehmbruck - L'homme tombé (1916)  - Source internet



7 commentaires:

gren a dit…


Barbara a dit…

je pense à toi

Pimj a dit…

Nath a dit…

Cela fait 7 ans que j'ai perdu ma maman ... Elle n'avait que 62 ans ! Elle aussi a connu la déchéance physique si difficile à accepter pour elle et pour nous ... les rôles qui s'inversent et cette impuissance à soulager !!! Mais je refuse de garder cette image d'elle et je chasse de mon esprit les derniers (trop longs) moments avant sa (notre) ... délivrance , libération ... je ne sais comment nommer ce sentiment !!! Mais je sais qu'elle est là dans mes souvenirs ..... De tout coeur avec toi !
Nath

Barbara a dit…

tpursum4je te souhaite une meilleure semaine

lorys03 a dit…

"J'ai mal, dit le Coeur.

- Tu oublieras, dit le Temps.

- Mais je serai toujours là, dit le Souvenir."

Si tu tombes, à ton tour, tu auras la force, la volonté, la rage de te relever, comme il l'a eue, jusqu'au bout. Parce que tu étais là.

Barbara a dit…

magnifique Lorys